Le réalisateur irakien Mohamed Al-Daradji parle de «Mossoul»

Mohamed Al-Daradji est sans doute le réalisateur irakien vivant le plus acclamé (Getty).
Mohamed Al-Daradji est sans doute le réalisateur irakien vivant le plus acclamé (Getty).
Short Url
Publié le Samedi 12 décembre 2020

Le réalisateur irakien Mohamed Al-Daradji parle de «Mossoul»

  • Le célèbre réalisateur nous emmène dans les coulisses de Mossoul, le blockbuster hollywoodien en langue arabe de Netflix
  • Le cinéaste a toujours pris beaucoup de risques lui-même. En 1995, à l'âge de 17 ans, il a fui l'Irak pour accomplir un éprouvant voyage en Europe, à la recherche d’une vie meilleure

DUBAÏ: Dans une froide nuit d'hiver de l'Utah, en 2010, Mohamed al-Daradji, sans doute le réalisateur irakien vivant le plus acclamé, est approché par un groupe de femmes dans la force de l’âge. Son film Son of Babylon vient de sortir. Il raconte l’histoire d’une mère irakienne à la recherche de son fils, un soldat qui n'est jamais revenu de la guerre. Ces femmes sont toutes mères elles-mêmes, et chacune d'elles a vécu le même chagrin que le personnage féminin de son film.

«Une des femmes est venue de nulle part et m'a serré dans ses bras», raconte al -Daradji à Arab News. «J'étais totalement immobile, ne sachant pas quoi faire. Dois-je la serrer dans mes bras ou non? Et puis la femme me dit: “Nous sommes les mères de soldats américains perdus dans la guerre en Irak. Je pleure et je vous serre dans mes bras non seulement parce que je me rappelle mon fils, mais parce que vous êtes parvenu à me faire sentir combien le personnage de la mère me ressemblait. Nous n'avons jamais pensé aux mères irakiennes. Grâce à votre film, nous pouvons les voir, nous pouvons éprouver leur douleur et nous pouvons les comprendre. Elles ressentent les mêmes émotions que nous.”»

Alors que les films d’Al-Daradji ont toujours été des méditations personnelles sur la situation d’un pays qui se réconcilie avec son passé, se débat avec son présent et trace une voie pour son avenir, il repense souvent à cette rencontre dans l’Utah. Ce moment au cours duquel deux cultures se sont fait face et ont vu le même visage les regarder prouve à M. Al-Daradji qu’il est possible d’atteindre un autre objectif essentiel: faire comprendre l’Irak au monde.

 Mossoul est disponible sur Netflix partout au monde (Photo fournie).
Mossoul est disponible sur Netflix partout au monde (Photo fournie).

Des signes montrent donc que ses efforts commencent à porter leurs fruits. Il y a quelques années, alors qu’Al-Daradji était en train de lire un scénario sur des soldats irakiens résistant au siège de Daech dans la ville irakienne de Mossoul, il a remarqué quelque chose de curieux. Le scénario ayant été écrit par un Américain, Matthew Michael Carnahan, Al-Daradji s’attendait à ce qu’un personnage américain se présente et sauve la situation, ce qui se passe dans tous les autres longs métrages américains sur l’Irak; or ce moment n’est jamais venu. Le cinéaste s'est alors rendu compte que c'était là un film américain raconté de bonne foi selon un point de vue totalement irakien. Et il s'est mis à pleurer.

«J'ai appelé Matthew et j'ai parlé avec lui. Je lui ai dit: “Écoute, je vais vous aider, car j’ai le sentiment que c’est un devoir pour moi, et c’est une belle histoire. Nous devons structurer le film, le rendre plus authentique, faire sentir qu'il vient du peuple irakien.” Je savais que je me battrais pour les aider, car l'intention de ces gens était perceptible, et c'est ce qu'ils voulaient», explique Al-Daradji.

Ainsi est né Mossoul, un film qui vient de sortir sur Netflix partout dans le monde. L’apport d'Al-Daradji en tant que producteur exécutif s’est avéré indispensable pour le film, le transformant en un blockbuster américain sans équivalent: non seulement il met en scène des personnages exclusivement irakiens interprétés par des Arabes, mais l'intégralité de ses dialogues est en arabe, bien que la production s'adresse à un public mondial.

Mohamed Al-Daradji et les frères Russo au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2019 (Getty).

Mohamed Al-Daradji et les frères Russo au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2019 (Getty).

Pendant des mois entiers, Al-Daradji et Carnahan ne se sont pas quittés sur le plateau, filmant sous le chaud soleil marocain pendant le ramadan, avec un certain nombre d’acteurs à jeun. Malgré l’hostilité du climat, les deux hommes ont collaboré de manière enthousiaste et libre, veillant à ce que le film soit non seulement fidèle aux histoires vraies dont il s’inspire, mais aussi à la culture qu’il véhicule.

«Il écoutait toujours et me demandait ce que je pensais. Nous avons parlé du scénario, des personnages, du casting, des lieux de tournage et j'étais tout le temps avec lui. Si je voyais quelque chose, je venais vers lui et je lui disais: “Cela peut être mieux. Cela serait bien.” Il était vraiment ouvert d'esprit», confie Al-Daradji. «Cela faisait partie de ma voix, mais d'une manière différente. Dans Son of Babylon, j'étais en contrôle total. Avec Mossoul, il y avait une conception que je devais respecter et accompagner, et le travail avec Matthew a été formidable.»

Le film est également produit par les frères Joe et Anthony Russo, qui ont notamment réalisé Captain America: Winter Soldier et Avengers: Endgame, ce dernier film ayant généré le plus grand nombre d’entrées de tous les temps. Ils ont également produit Extraction, la production la plus populaire de Netflix avec plus de 100 millions de vues, selon le géant du streaming. Il est extrêmement important pour Al-Daradji que deux titans hollywoodiens soutiennent un film en langue arabe.

Le cinéaste a toujours pris beaucoup de risques lui-même. En 1995, à l'âge de 17 ans, il a fui l'Irak pour accomplir un éprouvant voyage en Europe à la recherche d’une vie meilleure (Photo fournie).
Le cinéaste a toujours pris beaucoup de risques lui-même. En 1995, à l'âge de 17 ans, il a fui l'Irak pour accomplir un éprouvant voyage en Europe à la recherche d’une vie meilleure (Photo fournie).

«Honnêtement, c’était pour eux un très, très gros risque. Quel est le marché pour ce type de film? Si vous y réfléchissez, avant le tournage, avant la production, au moment ils ont décidé de le faire, il n'existait pas de grand marché pour les films [hollywoodiens] en langue étrangère. Je pense qu'Anthony et Joe, tout comme les entreprises qui se sont engagées, ont été courageux de prendre cette décision», salue Al-Daradji.

Le cinéaste a toujours pris beaucoup de risques lui-même. En 1995, à l'âge de 17 ans, il a fui l'Irak pour accomplir un éprouvant voyage en Europe à la recherche d’une vie meilleure.

«J'ai passé un an en Europe, perdu, essayant de trouver une place en tant que réfugié, de la Roumanie jusqu’aux Pays-Bas. Si j'avais été capturé par les Roumains ou les Hongrois lorsque j'ai traversé la frontière, j'aurais été remis à l'ambassade irakienne, remis sous l'autorité de [l'ancien président irakien] Saddam Hussein, et j'aurais ensuite été pendu», raconte Al-Daradji.

Le cinéaste a toujours pris beaucoup de risques lui-même. En 1995, à l'âge de 17 ans, il a fui l'Irak pour accomplir un éprouvant voyage en Europe à la recherche d’une vie meilleure. (Photo fournie)

Al-Daradji est retourné en Irak en 2003, réalisant certains des films les plus acclamés de l’histoire de l’Irak, notamment Ahlaam (2005), In the Sands of Babylon (2013) et The Journey (2017). Il a continué à prendre des risques, notamment lorsqu’il est capturé par Al-Qaïda en réalisant Ahlaam; il échappe de peu à la mort. Ses efforts ont été largement reconnus, trois de ses films ayant été retenus pour la sélection irakienne officielle de l’Oscar du meilleur long métrage international (anciennement meilleur film en langue étrangère). C’est de loin le meilleur bilan du cinéma irakien.

«Je ne suis pas la même personne qu’en 2004, avant mon enlèvement. Je ne vivais pas en paix alors. J'étais plein de dilemmes et je cherchais des réponses. J'ai de la chance maintenant, car je cherche toujours, mais à un autre niveau», révèle-t-il.

La prochaine étape du parcours d’Al-Daradji sera un bond dans le passé: il cherchera à explorer une partie de l’histoire de l’Irak pour donner un sens à son présent incertain.

«Je veux que cette génération voie que c'était un bon pays», affirme-t-il. «Simplement, vous avez besoin de travailler différemment. Vous ne devez pas abandonner. Vous avez seulement besoin d'espoir. Sans espoir, je ne pourrais pas être le réalisateur que je suis aujourd'hui. J'ai toujours eu l'espoir de continuer, et c'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui. J'espère que la nouvelle génération verra un Irak différent, sans s'échapper de ce pays, ni le voir d'un autre lieu.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


Le festival Winter at Tantora revient à AlUla et célèbre un riche patrimoine culturel

Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Le festival tire son nom du Tantora, un cadran solaire antique situé au centre de la vieille ville. (SPA)
Short Url

AlUla : Le festival Winter at Tantora a été lancé jeudi à AlUla. Il se déroulera jusqu’au 10 janvier et propose une saison culturelle célébrant le riche héritage civilisationnel, culturel et historique de la région.

Le programme du festival comprend une large palette d’activités culturelles, artistiques et traditionnelles, a rapporté l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Parmi les attractions figurent Old Town Nights, Shorfat Tantora, When Shadow Tracks Us et le Carnaval d’Al-Manshiyah.


Le Forum d’Asilah distingué par le Prix du Sultan Qaboos pour la culture

Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, reçoit le Prix et la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres. (Photo: fournie)
Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, reçoit le Prix et la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres. (Photo: fournie)
Les lauréats du Prix du Sultan Qaboos avec le Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, et Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences. (Photo: fournie)
Les lauréats du Prix du Sultan Qaboos avec le Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, et Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences. (Photo: fournie)
Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. (Photo: fournie)
Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. (Photo: fournie)
Short Url
  • Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, a été récompensé à Mascate par le Prix du Sultan Qaboos 2025 dans la catégorie des institutions culturelles privées
  • Cette distinction prestigieuse célèbre l’excellence culturelle arabe et souligne le rôle d’Oman dans la promotion de la pensée, des arts et des lettres

MASCATE: Lors d’une cérémonie organisée dans la capitale omanaise, Mascate, Hatim Betioui, secrétaire général du Forum d’Asilah, a reçu le Prix du Sultan Qaboos pour les institutions culturelles privées.

Hatim Betioui, secrétaire général de la Fondation du Forum d’Asilah, a été distingué mercredi soir à Mascate par le Prix des institutions culturelles privées (catégorie Culture), à l’occasion de la cérémonie de remise du Prix du Sultan Qaboos pour la culture, les arts et les lettres, dans sa douzième édition (2025). La cérémonie s’est tenue sous le patronage du Dr Mohammed bin Saïd Al-Maamari, ministre omanais des Awqaf et des Affaires religieuses, agissant par délégation de Sa Majesté le Sultan Haitham bin Tariq.

Lors de cette édition, le prix a également été attribué, aux côtés de la Fondation du Forum d’Asilah, à l’artiste égyptien Essam Mohammed Sayed Darwish dans le domaine de la sculpture (catégorie Arts), ainsi qu’à Hikmat Al-Sabbagh, connue sous le nom de Yumna Al-Eid, dans le domaine de l’autobiographie (catégorie Lettres).

Au cours de la cérémonie, Habib bin Mohammed Al-Riyami, président du Centre supérieur du Sultan Qaboos pour la culture et les sciences, a prononcé un discours dans lequel il a souligné le rôle et l’importance de ce prix, affirmant que cette célébration constitue une reconnaissance du mérite des lauréats, appelés à devenir des modèles d’engagement et de générosité intellectuelle.

Al-Riyami a également indiqué que l’extension géographique atteinte par le prix, ainsi que l’élargissement constant de la participation des créateurs arabes à chaque édition, résultent de la réputation dont il jouit et de la vision ambitieuse qui sous-tend son avenir. Il a mis en avant le soin apporté à la sélection des commissions de présélection et des jurys finaux, composés de personnalités académiques, artistiques et littéraires de haut niveau, spécialisées dans les domaines concernés, selon des critères rigoureux garantissant le choix de lauréats et d’œuvres prestigieux.

La cérémonie a également été marquée par la projection d’un film retraçant le parcours du prix lors de sa douzième édition, ainsi que par une prestation artistique du Centre omanais de musique.

En clôture de la cérémonie, le ministre des Awqaf et des Affaires religieuses a annoncé les domaines retenus pour la treizième édition du prix, qui sera exclusivement réservée aux candidats omanais. Elle portera sur : la culture (études sur la famille et l’enfance au Sultanat d’Oman), les arts (calligraphie arabe) et les lettres (nouvelle).

Il convient de rappeler que ce prix vise à rendre hommage aux intellectuels, artistes et écrivains pour leurs contributions au renouvellement de la pensée et à l’élévation de la sensibilité humaine, tout en mettant en valeur la contribution omanaise — passée, présente et future — à l’enrichissement de la civilisation humaine.

Le prix est décerné en alternance : une année réservée aux Omanais, et l’année suivante ouverte à l’ensemble du monde arabe. Chaque lauréat de l’édition arabe reçoit la Médaille du Sultan Qaboos pour la culture, les sciences, les arts et les lettres, assortie d’une dotation de 100 000 rials omanais. Pour l’édition omanaise, chaque lauréat reçoit la Médaille du mérite, accompagnée d’une dotation de 50 000 rials omanais.

Le prix a été institué par le décret royal n° 18/2011 du 27 février 2011, afin de reconnaître la production intellectuelle et cognitive et d’affirmer le rôle historique du Sultanat d’Oman dans l’ancrage de la conscience culturelle, considérée comme un pilier fondamental du progrès civilisationnel.


Art Basel Qatar dévoile les détails de sa première édition prévue en 2026

M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
Short Url
  • Art Basel Qatar lancera sa première édition en février 2026 à Doha, avec 87 galeries, 84 artistes et neuf commandes monumentales dans l’espace public
  • L’événement mettra fortement l’accent sur la région MENASA, autour du thème « Becoming », explorant transformation, identité et enjeux contemporains

DUBAÏ : Art Basel Qatar a révélé les premiers détails de sa toute première édition, qui se tiendra en février 2026, offrant un aperçu du secteur Galleries et de son programme Special Projects, déployé dans le quartier de Msheireb Downtown Doha.

Aux côtés des présentations de 87 galeries exposant les œuvres de 84 artistes, Art Basel Qatar proposera neuf commandes monumentales et in situ investissant les espaces publics et les lieux culturels de Msheireb. Conçus par le directeur artistique Wael Shawky, en collaboration avec le directeur artistique en chef d’Art Basel Vincenzo de Bellis, ces projets répondent au thème central de la foire : « Becoming » (« Devenir »).

Couvrant la sculpture, l’installation, la performance, le film et l’architecture, ces projets interrogent les notions de transformation — matérielle, sociale et politique — en abordant le changement environnemental, la migration, la mémoire et l’identité. Parmi les artistes participants figurent Abraham Cruzvillegas, Bruce Nauman, Hassan Khan, Khalil Rabah, Nalini Malani, Nour Jaouda, Rayyane Tabet, Sumayya Vally, ainsi que Sweat Variant (Okwui Okpokwasili et Peter Born). Parmi les temps forts annoncés : l’installation vidéo immersive en 3D de Bruce Nauman à M7, la projection monumentale en plein air de Nalini Malani sur la façade de M7, et le majlis évolutif imaginé par Sumayya Vally, conçu comme un espace vivant de rencontre et de dialogue.

Le secteur Galleries réunira des exposants issus de 31 pays et territoires, dont 16 galeries participant pour la première fois à Art Basel. Plus de la moitié des artistes présentés sont originaires de la région MENASA, confirmant l’ancrage régional de la foire. Les présentations iront de figures majeures telles que Etel Adnan, Hassan Sharif et MARWAN à des voix contemporaines comme Ali Cherri, Ahmed Mater, Sophia Al-Maria et Shirin Neshat.

Des galeries de l’ensemble de la région seront représentées, y compris celles disposant d’antennes dans les États du Golfe, notamment au Qatar, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite.

Le Moyen-Orient élargi et l’Asie seront également présents, avec des galeries venues du Liban, de Turquie, d’Égypte, du Maroc, de Tunisie et d’Inde.

Art Basel Qatar se tiendra du 5 au 7 février 2026, à M7, dans le Doha Design District et dans plusieurs autres lieux de Msheireb Downtown Doha.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com