Uber Files: La commission d'enquête relève des liens étroits entre Emmanuel Macron et la plateforme

Le président français Emmanuel Macron assiste au premier jour d'un sommet de l'Union européenne-Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (UE-CELAC) au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles le 17 juillet 2023. (Photo Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP )
Le président français Emmanuel Macron assiste au premier jour d'un sommet de l'Union européenne-Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (UE-CELAC) au bâtiment du Conseil européen à Bruxelles le 17 juillet 2023. (Photo Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP )
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Publié le Mercredi 19 juillet 2023

Uber Files: La commission d'enquête relève des liens étroits entre Emmanuel Macron et la plateforme

  • Le rapport pointe du doigt une relation «opaque» nouée par Emmanuel Macron avec la plateforme américaine à son arrivée en France
  • Le président, ministre de l'Economie à l'époque des faits, poursuit-il, avait passé un «deal secret» avec la société américaine pour qu'elle renonce à son application controversée Uber Pop

PARIS: La publication du rapport sur les Uber Files coordonné par LFI et visant en particulier Emmanuel Macron, a donné lieu à une passe d'armes avec la majorité, qui taxe le rapport de "complotiste".

Le rapport de 600 pages publié mardi pointe du doigt une relation "opaque" nouée par Emmanuel Macron avec la plateforme américaine à son arrivée en France.

"La confidentialité et l’intensité des contacts entre Uber, M. Emmanuel Macron et son cabinet témoignent d’une relation opaque mais privilégiée", y compris depuis son accession à la présidence de la République en 2017, selon le rapport.

Le président, ministre de l'Economie à l'époque des faits, poursuit le rapport, avait passé un "deal secret" avec la société: qu'elle renonce à son application controversée Uber Pop (où des particuliers conduisent les clients dans leur voiture), et l'Etat simplifiera largement l'obtention d'une licence de Voiture de transport avec chauffeur (VTC).

La députée LFI Danielle Simonnet, rapporteuse de la commission d'enquête, décrit comment Uber a "exploité toutes les failles et mis en place un lobbying agressif".

Et "oui, un deal a bien eu lieu" avec M. Macron, a affirmé souligné la députée de Paris en présentant le rapport à la presse. Des faits judiciairement prescrits, selon elle.

"Comme l’ont confirmé sous serment l’ensemble des parties prenantes lors des auditions, il n’y a jamais eu de deal secret entre Uber et Emmanuel Macron pour favoriser l’implantation de nos services. Au contraire, les réglementations en vigueur en France pour le secteur des VTC sont les plus restrictives d’Europe", a répondu la direction d'Uber dans une déclaration à l'AFP.

Parmi les membres de la commission d'enquête, douze députés issus de la Nupes, du groupe Liot ou du RN ont validé le rapport final. Les dix députés Renaissance et leurs alliés, ainsi que l'unique élu LR, se sont abstenus.

Complotiste

La majorité n'a pas mâché ses mots pour disqualifier le rapport.

Le président de la commission d'enquête, le député Renaissance Benjamin Haddad, a dénoncé une "couverture partisane et complotiste". "L’Etat n’a pas failli à sa tâche, il a répondu à une tâche complexe (l'arrivée des plateformes) en adaptant la réglementation", selon lui.

"Vous pensiez trouver un complot, vous n'avez trouvé que le droit et la loi", a ensuite lancé à Mme Simonnet le ministre du Travail Olivier Dussopt, lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

"Il n'y a eu aucune forme d’opacité, de contrepartie, de connivence entre les acteurs publics et Uber au moment de son arrivée en France", a martelé M. Haddad. Et "il n'y a aucun nouveau fait qui viendrait étayer que ces acteurs (interrogés par la commission) ont menti".

La députée Danielle Simonnet a fait un signalement au procureur, mais seulement concernant la plateforme Getir, qu'elle accuse d'avoir fraudé le droit social en licenciant 800 salariés.

La commission, lancée il y a six mois, a auditionné 120 personnes dont deux anciens Premiers ministres ainsi que d'anciens dirigeants d'Uber pour tenter de cerner les agissements d'Uber en France entre 2014 et 2017. Seuls les anciens membres du cabinet d’Emmanuel Macron n'ont pas été convoqués.

L'affaire avait été déclenchée par la fuite de 124.000 documents internes recueillis par Mark McGann, ancien lobbyiste pour le compte d'Uber en Europe, et communiqués au journal britannique The Guardian.

«Conflit d'intérêts»

Toujours selon le rapport, la création de l'Agence de régulation des plateformes d'emploi (Arpe) en 2021, censée réguler le secteur, ne constitue que "la création d’un soi-disant dialogue social" pour éviter une "requalification en salariat de l'activité des travailleurs".

Le président de l'Arpe, Bruno Mettling, est lui-même mis en cause pour avoir, quelques mois avant sa nomination, travaillé pour Uber via des missions de conseil.

Plus largement, le rapport déplore l'"uberisation", soit la libéralisation et la précarisation, de nombreuses professions, au-delà des VTC. Et fait 47 propositions pour mieux encadrer les plateformes mais aussi les pratiques de lobbying.

M. Haddad a souligné que les sanctions contre la fraude pourraient être renforcées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, prévu à la rentrée.


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.