Abdelaziz Almuzaini à propos du nouveau film Netflix: «Jouer la carte de la prudence serait manquer de respect au public»

Abdelaziz Almuzaini, écrivain saoudien et coréalisateur de Masameer, parle de Head to Head, le nouveau film Netflix. (Fourni)
Abdelaziz Almuzaini, écrivain saoudien et coréalisateur de Masameer, parle de Head to Head, le nouveau film Netflix. (Fourni)
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Publié le Vendredi 28 juillet 2023

Abdelaziz Almuzaini à propos du nouveau film Netflix: «Jouer la carte de la prudence serait manquer de respect au public»

  • Depuis vingt-sept ans, l'écrivain saoudien a réalisé une œuvre étonnante qui lui a valu un public fidèle dans son pays d'origine
  • «La seule chose qu'un ordinateur ne pourra jamais reproduire, ce sont les vraies émotions humaines», affirme le réalisateur

DUBAΪ: En cette période d'incertitudes, la plupart des gens prêchent la prudence. Ce n‘est pas le cas d’Abdelaziz Almuzaini. Depuis vingt-sept ans, l'écrivain saoudien a réalisé une œuvre étonnante qui lui a valu un public fidèle dans son pays d'origine. Certaines de ses œuvres, comme le film d'animation Masameer, sont célèbres. Aujourd'hui, il s'apprête à faire un grand pas en avant en réalisant pour Netflix un film en prises de vue réelles, Head to Head, qui repousse les limites encore plus loin. Mais l'Arabie saoudite y est-elle prête?

«Les Saoudiens n'ont pas une longue tradition cinématographique, il n'y a donc pas de pari sûr pour l'instant», confie Almuzaini à Arab News. «Nous sommes tous en train d'essayer de trouver des éléments de satisfaction. Tout ce que nous pouvons faire, c'est expérimenter et voir ce qui fonctionne.» 

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Adel Radwan (qui joue le rôle de Darwish), Abdelaziz Alshehri (Fayyad Sharbaka), Ziad al-Omari (Abu Ghadra), Ahmed al-Kaabi (Abboud Khafash) dans Head to Head. (Netflix)

«Avec ce film, nous tentons quelque chose de complètement nouveau et nous nous sommes donnés à fond. Nous ne voulons pas être prudents et nous en tenir à ce que nous connaissons», poursuit-il. «Nous pensons qu'être prudents serait un manque de respect pour notre public. En fin de compte, nous voulons simplement que nos fans sachent que nous ne tenons pas leur soutien pour acquis.»

Head to HeadRas B Ras», en arabe), qui sortira le 3 août, est peut-être un nouveau format pour Almuzaini et collaborateur, Malik Nejer, mais il conserve l’énergie folle qui a fait le succès de Masameer sur YouTube (et désormais sur Netflix sous le nom de «Masameer County»). Plein de couleurs vives et de détonations, le film raconte l'histoire d'un chauffeur maladroit nommé Darwish (Adel Radwan) et d'un nouveau PDG non qualifié, Fayyad (Abdelaziz Alshehri). Les deux hommes sont entraînés dans un monde de criminalité après avoir accidentellement pris en charge la mauvaise personne à l'aéroport. Le tout se déroule dans la ville saoudienne fictive de Bathaika.

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Malik Nejer, partenaire d'Almuzaini dans Head to Head. (Netflix)

«L'idée m'est venue alors que j’éprouvais l'angoisse de la page blanche», explique Almuzaini. «J'étais bloqué sur un autre sujet que j'étais en train d'écrire et j'ai fait une pause pour regarder Birds of Prey, un spin-off de Batman. J'ai commencé à me dire: “Pourquoi l'Arabie saoudite n'aurait-elle pas une ville comme Gotham? Je voulais créer l’un de ces mondes fictifs qui vous aident à oublier la réalité pendant quelques heures, jusqu'à ce que les lumières se rallument», explique Almuzaini.

Conscient qu'il pourrait être choquant pour les spectateurs de faire basculer le film dans une version totalement fictive et en miroir du Royaume dès le début, Almuzaini a décidé de situer le début de son histoire dans une ville familière, Riyad, avant que les événements ne conduisent les deux protagonistes dans la pénombre de Bathaika. 

«Cela m'a permis d’introduire une sorte de folie. À la seconde où vous voyez cette voiture descendre la route, vous savez que vous vous dirigez vers une ville étrange. Le film vous dit: “Ne prenez pas cela au sérieux. Vous abordez maintenant une terre sans loi avec ses propres règles”. Nous voulions un décalage: tout commence de manière propre et ordonnée, et puis, boum, la folie», explique Almuzaini.

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Une scène de Masameer County. (Fourni) 

Si l'esprit du film relève toujours du dessin animé, ses créateurs n'ont jamais eu l'intention d'en faire un. En réalité, si Almuzaini s’est lancé dans le monde de l'animation après plus d'une décennie, c'est en partie pour répondre aux critiques qu'il avait reçues au fil des années en tant qu'animateur à succès.

«Je me souviens que les gens disaient que nous avions du succès parce que nous étions les seuls à faire de l'animation. Ils pensaient que nous prospérions grâce à l'absence de concurrence. Je me suis alors dit: “D'accord, alors nous allons relever le défi.» J'ai décidé de fonder une nouvelle société de production, Sirb, avec laquelle nous ne ferions que des films d'animation», raconte-t-il. 

Almuzaini a pris rendez-vous avec les responsables de Netflix et il leur a fait part de sa nouvelle idée, sans savoir comment ils allaient réagir.  

«Heureusement, ils m'ont beaucoup soutenu. J'ai dit: “Donnez-moi deux films pour apprendre à faire ça, je pourrais avoir besoin d'échouer pour comprendre comment cela fonctionne.” Ils m'ont répondu: “Nous vous en donnerons trois.” Je leur en suis reconnaissant. Cette confiance m'a poussé à faire quelque chose dont je suis vraiment fier», déclare-t-il.

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Zyad al-Omari dans le rôle d'Abu Ghadra dans Head to Head. (Netflix)

Ce n'est pas la première fois qu'Almuzaini se jette ainsi à l'eau. C’est d’ailleurs de cette manière que son parcours a commencé, en 1996. 

«À l'âge de 16 ans, j'ai échoué en mathématiques. Mon père était à Londres à l'époque, mais je savais que lorsqu'il reviendrait et que j'aurais de gros problèmes. Alors, j'ai dû trouver quelque chose pour arranger les choses. Je me rappelle avoir pris un magazine, avoir vu une caricature politique et avoir commencé à la décalquer. Je l'ai copiée à la perfection et je l'ai apportée au siège d'un grand journal, où j'ai trouvé le rédacteur en chef», raconte Almuzaini. 

Je suis allé le voir et je lui ai déclaré: «Je suis caricaturiste. Regardez ce que j'ai fait.» Il a vu mon travail et m'a engagé sur-le-champ. Lorsque mon père est revenu, il a appris que j'avais échoué en maths, mais que j'étais désormais dessinateur de presse pour un grand journal, à l'âge de 16 ans. Comment aurait-il pu m’en vouloir?

Almuzaini a gardé ce poste jusqu'en 2008 tout en développant son propre style. Au moment où il a démissionné, il était au sommet de sa popularité et ne s'est retiré que parce qu'il estimait que les journaux n'avaient plus d'avenir. Peu après, il a envoyé un courriel à un animateur qu'il n'avait jamais rencontré, Malik Nejer, lançant sur un coup de tête l'un des partenariats les plus fructueux de l'industrie moderne du spectacle au Moyen-Orient.

Si Myrkott Animation Studio ainsi que le partenariat entre Almuzaini et Nejer se poursuivent, Head to Head n'est que le début d'un nouveau voyage pour le réalisateur. Ce dernier est fier d'avoir conquis un grand nombre de fans qui le suivront vers de nouvelles frontières créatives. Toutefois, il redoute que toutes ces expériences à venir ne désorientent des spectateurs habitués à son ton particulier. 

«Avoir des fans est à la fois une bénédiction et une malédiction», lance-t-il ainsi. «Cela s'accompagne d'attentes. Cela m'angoisse et me ravit à la fois. Oui, c'est mon premier film en prises de vues réelles, mais aucun fan ne le considérera comme tel. Nous ne serons pas considérés comme des débutants parce qu'ils nous connaissent vraiment bien. C'est ça, le respect. Nous devions donc leur témoigner le même respect et faire quelque chose qui soit digne de la confiance qu'ils nous portent.» 

Quelle sera la prochaine étape? Elle risque d’être inattendue. Almuzaini s'est lassé de regarder des films qui donnent tous l'impression d'être basés sur la même formule, à une époque où les livres de scénarios et ChatGPT ont vidé la narration de son âme.

«La seule chose qu'un ordinateur ne pourra jamais reproduire, ce sont les vraies émotions humaines, et c'est ce que je recherche. Je promets que c'est ce que chacun de mes films apportera», conclut Almuzaini.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com