Les Etats-Unis perdent leur précieux AAA, Fitch déplore les crises du plafond de la dette

Fitch a justifié sa décision mardi en premier lieu par les conséquences des «impasses répétées sur le plafond de la dette» (Photo, AFP).
Fitch a justifié sa décision mardi en premier lieu par les conséquences des «impasses répétées sur le plafond de la dette» (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 02 août 2023

Les Etats-Unis perdent leur précieux AAA, Fitch déplore les crises du plafond de la dette

  • Les Etats-Unis ont perdu mardi leur précieuse notation AAA, une première depuis 2011, l'agence Fitch l'ayant dégradée d'un cran, à AA+
  • S&P avait été la première à priver les Etats-Unis du «triple A» en 2011, et n'a depuis pas relevé la note, restée à AA+

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont perdu mardi leur précieuse notation AAA, une première depuis 2011, l'agence Fitch l'ayant dégradée d'un cran, à AA+, accusant notamment les crises politiques à répétition sur le plafond de la dette d'avoir érodé la gouvernance du pays.

S&P avait été la première à priver les Etats-Unis du "triple A" en 2011, et n'a depuis pas relevé la note, restée à AA+. Seule l'agence Moody's attribue toujours, à ce stade, la meilleure note de crédit à la dette de la première économie du monde.

Fitch a justifié sa décision mardi en premier lieu par les conséquences des "impasses répétées sur le plafond de la dette", soulignant que ces "affrontements politiques (...) et les résolutions de dernière minute ont érodé la confiance dans la gestion budgétaire".

A intervalles réguliers, le plafond de la dette nécessite d'être relevé par le Congrès pour que le pays échappe au défaut de paiement. Cette procédure est devenue l'objet d'une intense bataille politique à répétition.

Ainsi, début juin, l'administration du président démocrate Joe Biden et l'opposition républicaine avaient trouvé un accord in extremis.

Pourtant, au-delà de cet accord, "il y a eu une détérioration constante des normes de gouvernance au cours des 20 dernières années, y compris en matière budgétaire et de dette", a déploré Fitch.

Pas d'impact durable sur les marchés

Sa décision, inattendue et inédite depuis plus de 10 ans au sein des trois principales agences de notation, ne semblait cependant pas inquiéter les analystes interrogés mardi soir par l'AFP.

"Je ne m'attends pas à ce que la dégradation ait un impact durable sur le marché", a ainsi commenté John Canavan, d'Oxford Economics, qui n'anticipe pas de "volatilité majeure" à l'ouverture des marchés américains mercredi matin.

A court terme, néanmoins, cela "pourrait conduire certains investisseurs à réduire leur exposition au Trésor", relève pour sa part Mickey Levy, de Berenberg.

Mais à plus long terme, il ne voit "aucune implication sérieuse. Je pense que tout le monde est tout à fait conscient de la situation de la dette croissante".

"Nous désapprouvons fortement cette décision", a réagi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, dans un communiqué, accusant l'administration du précédent président des Etats-Unis, le républicain Donald Trump, d'avoir conduit à une dégradation des critères pris en compte par Fitch pour établir ses notes.

"Il va à l'encontre de la réalité de dégrader les États-Unis à un moment où le président Biden a réalisé la plus forte reprise de toutes les grandes économies du monde", a-t-elle ajouté.

En ligne de mire de l'administration Biden: la réforme fiscale de Donald Trump en 2017, qui avait réduit les impôts des plus riches et ceux des sociétés.

Les républicains, de leur côté, accusent régulièrement les démocrates de réaliser des dépenses inconsidérées.

Manque de cadre budgétaire

Les réductions d'impôts, mais aussi d'importantes dépenses, ont également été pointées du doigt par Fitch dans sa décision, sans cependant cibler une administration spécifiquement.

La "détérioration budgétaire attendue au cours des trois prochaines années", ainsi qu'"une charge de la dette publique élevée et croissante", représentent ainsi des risques importants, selon l'agence de notation.

"Le gouvernement ne dispose pas d'un cadre budgétaire à moyen terme (...) et a un processus budgétaire complexe. Ces facteurs, ainsi que plusieurs chocs économiques, des réductions d'impôt et de nouvelles initiatives de dépenses, ont contribué à des augmentations successives de la dette au cours de la dernière décennie", a relevé Fitch.

"En outre, seuls des progrès limités ont été réalisés pour relever les défis à moyen terme liés à l'augmentation des coûts du régime de retraite et de l'assurance-maladie en raison du vieillissement de la population", a encore souligné l'agence de notation.

Fitch avait averti, fin mai, qu'elle pourrait dégrader la note des Etats-Unis, en raison du risque de défaut de paiement.

La perspective, elle, passe de négative à stable, ce qui signifie que Fitch n'anticipe pas de nouvelle dégradation à court terme.

Alors que de nombreux économistes, notamment ceux de la banque centrale américaine (Fed), n'anticipent désormais plus de récession pour les Etats-Unis, Fitch table toujours sur une "légère" contraction du PIB américain aux 4e trimestre 2023 et 1er trimestre 2024.

L'agence relève, malgré ses critiques, que l'économie américaine est "bien diversifiée" et dispose d'un "revenu élevé, soutenue par un environnement commercial dynamique".

"Le dollar américain est la monnaie de réserve la plus importante au monde, ce qui donne au gouvernement une flexibilité de financement extraordinaire", est-il précisé.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".