Ukraine: reconstruire ou pas, un dilemme en pleine guerre

Tetiana Bezatosna, 44 ans, visite son appartement détruit dans un immeuble résidentiel fortement endommagé à la suite des frappes russes dans le district de Saltivka à Kharkiv le 6 août 2023, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine (AFP).
Tetiana Bezatosna, 44 ans, visite son appartement détruit dans un immeuble résidentiel fortement endommagé à la suite des frappes russes dans le district de Saltivka à Kharkiv le 6 août 2023, au milieu de l'invasion russe de l'Ukraine (AFP).
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Publié le Dimanche 20 août 2023

Ukraine: reconstruire ou pas, un dilemme en pleine guerre

  • Situé à Kharkiv, grande ville du nord-est de l'Ukraine, le logement de cette mère de deux enfants compte parmi les centaines de milliers endommagés par la guerre
  • Dans les villes ukrainiennes touchées, rebâtir sur les destructions -- sans précédent en Europe depuis des décennies --, reste compliqué en raison des frappes russes incessantes

KHARKIV: Eclairée par la lampe de son téléphone, Tetiana Bezatosna se fraye un chemin dans les ruines calcinées. Cette ukrainienne revisite son appartement détruit par des bombes russes, avec peu d'espoir qu'il soit un jour reconstruit.

Situé à Kharkiv, grande ville du nord-est de l'Ukraine, le logement de cette mère de deux enfants compte parmi les centaines de milliers endommagés par la guerre.

Dans les villes ukrainiennes touchées, rebâtir sur les destructions -- sans précédent en Europe depuis des décennies --, reste compliqué en raison des frappes russes incessantes.

Tetiana Bezatosna habite Saltivka, un quartier résidentiel du nord-est de la ville, particulièrement ciblé.

Cette banlieue autrefois prospère, qui a compté plusieurs centaines de milliers d'habitants, offre désormais un paysage de désolation avec de nombreux hauts immeubles détruits, éventrés, noircis.

Des grues immobiles y symbolisent la lenteur de la reconstruction.

"Nous n'allons pas revenir ici de sitôt", lâche Mme Bezatosna, 44 ans, en montant vers son appartement au neuvième étage. "C'est très dur et douloureux de voir tout ça".

Du verre brisé crisse sous ses chaussures quand elle passe devant des appartements brûlés. Sa lampe éclaire des biens laissés par les résidents : livres abandonnés, ustensiles de cuisine couverts de moisissure, des jouets.

À un étage, un poteau de fortune soutient l'escalier dont le béton est percé de trous, signe de la faiblesse structurelle de l'immeuble, qui le rend dangereux.

Mme Bezatosna a fui peu après le début de l'invasion russe. Avec sa famille, elle est revenue quand une grande partie de la région de Kharkiv a été libérée par les forces ukrainiennes en septembre dernier.

«Dangereux»

Contraints de louer un autre logement, ils ont récupéré tout ce qu'ils pouvaient dans leur appartement, dont une machine à laver à moitié brûlée et une baignoire.

Un panneau à l'entrée de l'immeuble indiquant "N'entrez pas, c'est dangereux", sert aussi à faire fuir d'éventuels pilleurs.

Les résidents déplacés sont désormais face à un dilemme. Certains veulent à tout prix revenir et ont réclamé aux autorités des réparations urgentes. D'autres, dont Mme Bezatosna, ont demandé la démolition du bâtiment instable et qu'un nouveau soit construit au même endroit.

"L'Ukraine doit commencer à reconstruire pendant la guerre pour soutenir son front intérieur", estime Oryssia Loutsevitch, du programme Russie et Eurasie au cercle de réflexion britannique Chatham House.

"Malgré les frappes de missiles quotidiennes, les Ukrainiens ne quittent pas le pays en grand nombre. Pour rester en Ukraine, ils ont besoin de logements et d'emplois", dit-elle à l'AFP.

Outre des habitations, la guerre a détruit des milliers d'écoles, de bâtiments hospitaliers et administratifs, d'usines, de ponts et de routes, d'infrastructures énergétiques, ou encore récemment d'installations portuaires.

En début d'année, la Banque mondiale a estimé le coût de la reconstruction et du redressement de l'Ukraine à 411 milliards de dollars (378 milliards d'euros), soit plus de deux fois le PIB du pays. Un coût qui augmente à mesure que la guerre continue.

L'Ukraine a désespérément besoin de fonds, ne serait-ce que pour effectuer les réparations d'urgence. L'aide à la reconstruction à long terme dépendra du montant que les alliés, notamment les États-Unis et l'Union européenne, sont prêts à débloquer.

Aucun endroit à l'abri

Le pays cherche aussi à attirer des investisseurs privés. Des entreprises internationales devraient participer à la deuxième conférence "Reconstruire l'Ukraine" en novembre en Pologne.

"Le redressement de l'Ukraine devient le plus grand projet économique européen de notre époque", estime le président Volodymyr Zelensky sur son site web.

A Kharkiv, située à une trentaine de km de la frontière russe, quelques 5 000 bâtiments sont endommagés, dont 500 irrécupérables, selon le maire Igor Terekhov. Environ 150 000 personnes ne peuvent plus occuper leur logement, précise-t-il à l'AFP.

Selon lui, le coût de la reconstruction est de 9,5 milliards de dollars (8,2 milliards d'euro), un chiffre "très approximatif".

Attendre la fin de la guerre pour reconstruire n'est pas acceptable juge l'édile, pour qui "les citoyens doivent rentrer chez eux", malgré la crainte des frappes russes.

"Je ne sais pas comment on peut reconstruire" pendant la guerre, s'interroge toutefois Tetiana Bezatosna.

Dans Saltivka, certains ont réintégré des immeubles épargnés, mais aucun endroit n'est à l'abri.

Mme Bezatosna dit avoir rénové son appartement un mois avant qu'il ne soit détruit. Une de ses amies avait pu réparer sa maison, qui a de nouveau été la cible d'une frappe.

"Alors dites-moi, quel est l'intérêt de reconstruire ?", demande-t-elle.


Kiev et Moscou acceptent de cesser les hostilités en mer Noire, annonce Washington

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  • Moscou et Kiev ont accepté d'"assurer la sécurité de la navigation, de supprimer l'usage de la force et d'empêcher l'utilisation de navires commerciaux pour des objectifs militaires en mer Noire", a indiqué la Maison Blanche
  • Kiev s'est engagé dans la foulée à "mettre en oeuvre" les annonces de Washington, de "bonnes mesures" selon le président Volodymyr Zelensky

WASHINGTON: La Russie et l'Ukraine ont accepté de cesser les hostilités en mer Noire, ont annoncé mardi les Etats-Unis, Washington se disant prêt à aider Moscou à exporter ses produits agricoles et engrais sur les marchés mondiaux.

Le Kremlin a toutefois posé une condition qui ne semble pas près d'être remplie : il a prévenu que cet accord ne pourra entrer en vigueur qu'après la "levée" des restrictions occidentales sur le commerce de céréales et d'engrais russes.

Moscou et Kiev ont accepté d'"assurer la sécurité de la navigation, de supprimer l'usage de la force et d'empêcher l'utilisation de navires commerciaux pour des objectifs militaires en mer Noire", a indiqué la Maison Blanche dans deux communiqués distincts rendant compte des discussions ces derniers jours avec les Ukrainiens et les Russes en Arabie saoudite.

Kiev s'est engagé dans la foulée à "mettre en oeuvre" les annonces de Washington, de "bonnes mesures" selon le président Volodymyr Zelensky.

Les deux pays alliés se sont aussi mis d'accord pour impliquer des pays "tiers" dans la supervision d'une trêve, ce dont s'est aussi félicité le Kremlin.

Les Etats-Unis s'engagent par ailleurs, en ce qui concerne l'Ukraine, à "soutenir les efforts en vue d'échanges de prisonniers, de la libération de civils et du retour d'enfants ukrainiens déplacés de force".

La Russie peut compter sur l'appui de la Maison Blanche pour "rétablir l'accès de la Russie au marché mondial pour les exportations de produits agricoles et d'engrais, réduire les coûts d'assurance maritime et améliorer l'accès aux ports et aux systèmes de paiement pour ces transactions", un grief majeur de Moscou après les sanctions radicales imposées à la suite de l'invasion de l'Ukraine.

Cela constitue un "affaiblissement des sanctions", a regretté Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse. Cette possibilité n'était pas "dans notre agenda, la partie américaine l'a soulevée" lors de négociations à Ryad, a-t-il affirmé.

Moscou et Washington vont aussi "élaborer des mesures" pour permettre l'application de la trêve de trente jours dans les frappes sur les infrastructures énergétiques en Russie et en Ukraine, selon le Kremlin.

Mardi soir, il a par ailleurs indiqué que cette trêve, discutée lors de pourparlers avec les Etats-Unis, concernait notamment les raffineries, les gazoducs et les centrales électriques.

Cette trêve de trente jours avait été annoncée le 18 mars par les présidents Vladimir Poutine et Donald Trump mais jamais réellement appliquée, Kiev et Moscou s'accusant mutuellement de poursuivre les attaques.

A Paris, la présidence française a estimé que les accords annoncés mardi par la Maison Blanche allaient "dans la bonne direction" mais étaient insuffisants pour aboutir à un "cessez-le-feu durable, solide, et encore moins à un accord de paix".

"Détails" à régler 

Pendant les pourparlers, les Etats-Unis ont "répété que le président Donald Trump voulait impérativement mettre fin aux tueries de part et d'autre".

Le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov, a appelé à organiser des "consultations techniques supplémentaires" pour régler les "détails" des accords annoncés par la Maison Blanche.

Il a aussi prévenu que "tout mouvement" de navires de guerre russes en mer Noire au large de l'Ukraine constituera une "violation" de l'accord de cessation des hostilités.

Un accord céréalier en mer Noire avait permis à l'Ukraine, de juillet 2022 à juillet 2023, d'exporter ses céréales, vitales pour l'alimentation mondiale, malgré la présence de la flotte russe dans la zone.

La Russie, elle-même grande exportatrice de blé et d'engrais, s'en est ensuite retirée unilatéralement, accusant les Occidentaux de ne pas respecter leurs engagements censés assouplir les sanctions sur les exportations russes.

"Pas facile, mais très utile" 

La Russie est accusée par Kiev de jouer la montre pour profiter de son avantage sur le front.

L'un des négociateurs russes, Grigori Karassine, a affirmé que le dialogue avec les Américains lundi avait été "intense, pas facile, mais très utile".

"Nous sommes loin d'avoir tout réglé (...) mais il me semble qu'une telle conversation est très opportune", a estimé M. Karassine.

Une nouvelle réunion entre les équipes ukrainienne et américaine s'est tenue mardi matin à Ryad.

Depuis le début dimanche de ces pourparlers impliquant Washington, Moscou et Kiev, la navette américaine entre les belligérants n'a pas donné lieu à une trêve globale ou un consensus sur un moratoire sur certaines frappes aériennes.

Les combats se poursuivent 

Le président Donald Trump, à force de pression, avait réussi à obtenir l'accord théorique de Kiev pour un cessez-le-feu inconditionnel de trente jours.

Mais Vladimir Poutine, tout en prenant soin de ne pas rabrouer son homologue américain, a listé de nombreuses exigences et dit vouloir limiter une trêve aux seules frappes sur les infrastructures énergétiques.

M. Trump, qui a exercé une pression considérable sur Kiev, s'est jusqu'ici montré indulgent à l'égard de la Russie, même s'il a évoqué la possibilité de nouvelles sanctions au cours des dernières semaines.

Vladimir Poutine, dont l'armée avance sur le terrain malgré de lourdes pertes, ne semble pas pressé de conclure un accord, notamment car les forces ukrainiennes contrôlent encore du territoire dans la région russe de Koursk.

 


Turquie: nouvelle mobilisation après l'incarcération du maire d'Istanbul

Des étudiants manifestent dans le quartier de Besiktas à Istanbul pour soutenir le maire de la ville, principal rival du président turc, quatre jours après son arrestation et sa détention dans le cadre d'une enquête pour corruption et terrorisme, le 24 mars 2025. (AFP)
Des étudiants manifestent dans le quartier de Besiktas à Istanbul pour soutenir le maire de la ville, principal rival du président turc, quatre jours après son arrestation et sa détention dans le cadre d'une enquête pour corruption et terrorisme, le 24 mars 2025. (AFP)
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  • L'opposition a organisé de nouveaux rassemblements lundi soir en Turquie avec une mobilisation étudiante qui enfle pour protester contre l'incarcération du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu
  • Des manifestations ont également eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces du pays

ISTANBUL: L'opposition a organisé de nouveaux rassemblements lundi soir en Turquie avec une mobilisation étudiante qui enfle pour protester contre l'incarcération du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu.

"Ce n'est pas un rassemblement mais une action de défiance contre le fascisme", a lancé Ozgur Ozel, le leader du CHP, principal parti d'opposition, aux dizaines de milliers de personnes réunies devant la municipalité d'Istanbul où des manifestations sont organisées tous les soirs depuis l'arrestation du maire mercredi dernier.

"Enterrez ceux qui vous ignorent", a également déclaré M. Ozel, en référence aux chaînes progouvernementales qui ne diffusent pas les images des manifestations.

Il a appelé au boycott de ces chaînes et d'une dizaine de compagnies qu'il estime proches du gouvernement, dont une chaîne de cafés.

Des manifestations ont également eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces du pays, selon un décompte de l'AFP.

Ce mouvement, d'une ampleur inédite depuis la grande vague de protestation de Gezi à Istanbul, en 2013, suscite une réaction musclée des autorités.

Les manifestations ont été interdites dans les trois plus grandes villes du pays - Istanbul, Ankara et Izmir - et plus de 1.130 personnes ont été interpellées en six jours tandis que 43 ont été arrêtées lundi soir, selon le ministre de l'Intérieur.

"Cessez de troubler la paix de nos concitoyens par vos provocations", a martelé lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan en s'adressant à l'opposition lors d'un discours télévisé.

"Ne jouez plus avec les nerfs de la nation", a-t-il affirmé.

Démis de ses fonctions et incarcéré dimanche, le maire d'Istanbul était au même moment investi par son parti, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force de l'opposition, comme son candidat à la prochaine présidentielle prévue en 2028.

Cette primaire purement symbolique, maintenue dimanche par le CHP de Mustafa Kemal, le fondateur de la République turque, a réuni quelque 15 millions de votants en soutien à l'édile.

- Plus de 1.300 arrestations -

Face à la contestation, les autorités ont déployé d'importants effectifs de police qui ont procédé à plus de 1.300 arrestations depuis mercredi, selon le ministre de l'Intérieur. Ce dernier a affirmé que 123 policiers avaient été blessés dans des heurts en marge des rassemblements.

Au moins dix journalistes, dont un photographe de l'AFP, ont été arrêtés lundi à l'aube à leur domicile à Istanbul et Izmir, a rapporté l'association turque de défense des droits humains MLSA.

"Ces attaques et entraves à la liberté de la presse doivent cesser immédiatement. (...) Nous demandons la libération des journalistes interpellés et appelons le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya à prendre des mesures pour s'assurer que les forces de l’ordre respectent le droit d'informer", a réagi Erol Önderoglu, représentant de RSF en Turquie.

"Les autorités turques doivent mettre fin à l'usage inutile et aveugle de la force par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques, et enquêter sur les actes de violence illégaux commis par la police", a déclaré de son côté Amnesty International dans un communiqué.

La Grèce s'est émue lundi de la situation "instable et préoccupante" chez sa voisine. Et l'Union européenne a appelé la Turquie à "respecter les valeurs démocratiques".

- "Atteinte à la démocratie" -

"L'incarcération du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu ainsi que de nombreuses autres personnalités constituent des atteintes graves à la démocratie", a déploré dimanche soir la diplomatie française, après avoir déjà condamné son arrestation mercredi.

À l'unisson, l'Allemagne, où vit la plus grande communauté turque à l'étranger, a condamné lundi l'incarcération et la suspension "totalement inacceptables" de M. Imamoglu, Berlin y voyant un "mauvais signal pour la démocratie".

Une manifestation a réuni plus d'un millier de personnes dimanche à Berlin, ont rapporté les médias locaux.

Outre M. Imamoglu, près de cinquante co-accusés ont également été placés en détention dimanche pour "corruption" et "terrorisme", selon la presse turque.

Parmi eux figurent deux maires d'arrondissement d'Istanbul, membres eux aussi du CHP. Les deux élus ont été destitués et l'un d'eux, accusé de "terrorisme", a été remplacé par un administrateur nommé par l'Etat, ont annoncé les autorités.

L'arrestation du maire a mis sous pression l'économie de la Turquie, déjà aux prises avec une grave crise inflationniste, entraînant une chute de la Bourse ainsi que de la livre turque, tombée à son plus bas historique face au dollar.

Le président turc a évoqué lundi "des fluctuations artificielles sans fondement dans l'économie".

"Nous avons géré avec succès la récente volatilité du marché en utilisant efficacement les outils à notre disposition", a-t-il assuré.


Ukraine: Russes et Américains discutent à Ryad d'une possible trêve

L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions. (AFP)
L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions. (AFP)
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  • Washington et Kiev poussent pour, au minimum, un arrêt provisoire des frappes sur les sites énergétiques, largement endommagés du côté ukrainien
  • L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions

RIYAD: La Russie et les Etats-Unis se sont retrouvés lundi en Arabie saoudite pour des négociations, qualifiées d'emblée de "difficiles" par le Kremlin, visant à instaurer une trêve partielle en Ukraine après plus de trois ans d'offensive russe.

Le président américain, Donald Trump, dont le rapprochement avec Vladimir Poutine a rebattu les cartes du conflit, affirme vouloir mettre fin aux hostilités et a dépêché ses émissaires à Ryad pour des pourparlers avec les deux parties.

Les pourparlers entre les émissaires russes et américains ont commencé lundi matin à l'hôtel Ritz-Carlton à Ryad, a annoncé l'agence Tass, après des discussions entre Ukrainiens et Américains qui se sont poursuivies jusque tard dans la nuit.

"La discussion a été productive et ciblée. Nous avons abordé des points clés, notamment l'énergie", a rapporté le ministre de la Défense, Roustem Oumerov, à la tête de la délégation ukrainienne, ajoutant que l'Ukraine s'efforçait de concrétiser son objectif d'une "paix juste et durable".

Washington et Kiev poussent pour, au minimum, un arrêt provisoire des frappes sur les sites énergétiques, largement endommagés du côté ukrainien.

L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions.

Mais Vladimir Poutine, dont l'armée avance sur le terrain malgré de lourdes pertes, semble jouer la montre, tant que ses hommes n'ont pas expulsé les troupes ukrainiennes de la région russe frontalière de Koursk.

A ce stade, le Kremlin assure s'être uniquement mis d'accord avec Washington sur un moratoire concernant les bombardements des infrastructures énergétiques.

"Au début" 

"Il s'agit d'un sujet très complexe et il y a beaucoup à faire", a d'ores et déjà tempéré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, estimant que les négociations seraient "difficiles". "Nous n'en sommes qu'au début", a-t-il dit.

L'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, s'est malgré tout montré optimiste, disant s'attendre à de "vrais progrès", "particulièrement en ce qui concerne un cessez-le-feu en mer Noire sur les navires entre les deux pays".

"Et, à partir de cela, on se dirigera naturellement vers un cessez-le-feu total", a dit l'émissaire américain.

Malgré l'accélération des efforts en vue de rapprocher les vues des belligérants sur les moyens de parvenir à un cessez-le-feu dans la guerre déclenchée par l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les combats se poursuivent avec des frappes meurtrières en Ukraine et en Russie.

Les autorités ukrainiennes ont fait état dans la nuit de dimanche à lundi de frappes touchant les régions de Kiev, Kharkiv (est) et Zaporijjia (est), faisant plusieurs blessés, au lendemain de bombardements meurtriers sur la capitale.

L'armée ukrainienne a annoncé dimanche avoir repris le petit village de Nadia, dans la région orientale de Lougansk, un succès rare pour les militaires ukrainiens dans cette zone quasi entièrement contrôlée par la Russie.

Les forces russes ont elles déclaré s'être emparées de la localité de Sribné, également dans l'est de l'Ukraine.

Accord céréalier 

Symbole des divergences à combler pour arriver à une trêve, la délégation ukrainienne est emmenée par le ministre de la Défense, tandis que la délégation russe est formée d'un sénateur ex-diplomate de carrière Grigori Karassine et de Sergueï Besseda, un cadre du FSB, les services de sécurité.

Autre différence notable: Dmitri Peskov a affirmé que "le principal" sujet de discussion avec les Américains serait "la reprise" de l'application de l'accord céréalier en mer Noire, omettant de mentionner un éventuel engagement concernant la suspension des combats, limité ou sans conditions.

Cet accord, en vigueur entre juillet 2022 et juillet 2023, avait permis à l'Ukraine d'exporter ses céréales, vitales pour l'alimentation mondiale, malgré la présence de la flotte russe dans la zone.

La Russie s'en est ensuite retirée, accusant les Occidentaux de ne pas respecter leurs engagements censés assouplir les sanctions sur les exportations russes de produits agricoles et d'engrais.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a repris contact avec Vladimir Poutine, rompant avec la politique d'isolement menée par les Occidentaux contre le président russe.

Il s'est montré très critique envers l'Ukraine, un durcissement marqué par l'altercation avec Volodymyr Zelensky fin février à la Maison Blanche, suivie d'une suspension, depuis levée, de l'aide militaire à Kiev, vitale pour l'armée ukrainienne.

Les Européens sont, eux, marginalisés dans ces discussions, malgré l'envie affichée notamment par le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron de faire entendre la voix du Vieux Continent.

Un sommet est prévu jeudi à Paris, en présence de Volodymyr Zelensky et des alliés de Kiev.