Le modèle occidental n'est pas le seul moyen de parvenir à une bonne gouvernance

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU affirme que la bonne gouvernance repose sur les principes de transparence, de responsabilité, entre autres. (AFP)
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU affirme que la bonne gouvernance repose sur les principes de transparence, de responsabilité, entre autres. (AFP)
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Publié le Samedi 26 août 2023

Le modèle occidental n'est pas le seul moyen de parvenir à une bonne gouvernance

Le modèle occidental n'est pas le seul moyen de parvenir à une bonne gouvernance
  • Des voix critiques à l'égard de la démocratie occidentale se sont élevées récemment
  • L'effondrement des valeurs et des idéaux dans les sociétés occidentales incite beaucoup de peuples et de pays à reconsidérer l'avenir de la civilisation occidentale

Le Haut-Commissariat des nations unies aux droits de l'homme définit la gouvernance comme l'ensemble des processus de gouvernement et des institutions qui permettent de prendre des décisions et de régler des questions d'intérêt commun. Le Conseil des droits de l'homme des nations unies affirme que la bonne gouvernance repose sur les principes de transparence, de responsabilité, d'obligation de rendre des comptes, de participation et de prise en compte des besoins de la population. La question est de savoir si la bonne gouvernance ne peut être atteinte que par le biais du système politique démocratique occidental ou s'il existe d'autres systèmes politiques, tels que les modèles islamique, chinois ou russe, qui peuvent nous conduire au même résultat.

En effet, des voix critiques à l'égard de la démocratie occidentale se sont élevées récemment. Elles affirment que ce modèle connaît une crise interne et qu'il perd de vue de nombreuses valeurs sur lesquelles il s'est construit. Un certain nombre de livres et de propositions qui critiquent le modèle démocratique occidental ont été publiés; ils prédisent l'effondrement imminent de ce système mondialisé qui peut être suivi ou imité par des nations non occidentales.

Au cours des dernières décennies, nous avons observé dans le monde entier des systèmes politiques qui ont réussi à atteindre un niveau de réussite dans les indicateurs de développement socio-économique et humain que l'on ne retrouve pas dans les pays gouvernés par des systèmes démocratiques. Ces systèmes non démocratiques ont réussi à mener leurs sociétés vers la sécurité et le bien-être en investissant de manière très efficace dans les ressources humaines et les connaissances de l'État. Ces mesures ont été prises avec beaucoup de transparence, d'intégrité et d'efficacité afin de lutter contre la corruption, promulguer des lois et mettre en œuvre les principes de contrôle, de responsabilité et d'obligation de rendre des comptes.

Cette réussite concerne un certain nombre de pays qui n'adhèrent pas au modèle occidental de la démocratie. Ces pays ont obtenu de meilleurs résultats que les nations occidentales dans des indicateurs internationaux tels que la gouvernance électronique, le bonheur, la sécurité et la viabilité des entreprises.

Les concepts appliqués dans les pays occidentaux sont devenus les critères essentiels pour évaluer les autres pays.

Mohammed al-Sulami

Il est donc évident que les cultures et les civilisations développent leurs propres concepts distincts et diversifiés; ces derniers peuvent être diamétralement opposés à ceux d'autres peuples. Il arrive également qu’ils convergent ou divergent partiellement en fonction de l'héritage, de la civilisation et des circonstances historiques que tel ou tel lieu et ses peuples ont connus.

Le sujet principal de cet article est le concept, la signification et les principes de la démocratie occidentale, ainsi que la portée et l'influence de la culture occidentale dont ce concept est issu. Ce modèle de démocratie s'est construit sur des idéologies propres à la civilisation occidentale. Compte tenu de la domination de l'Occident et de la culture des deux derniers siècles selon laquelle les vainqueurs l'emportent sur les vaincus, les concepts appliqués dans les pays occidentaux sont devenus les critères essentiels d'évaluation des autres pays, déterminant ainsi la nature des relations avec ces derniers dans la plupart des cas. Il n'existe que quelques exceptions – des pays occidentaux qui ont contourné leurs principes bien établis dans le but d'obtenir certains résultats.

Une question importante se pose alors: quel est l'objectif primordial de la mise en place d'un système démocratique pour gérer un pays donné? Est-ce quelque chose qui va au-delà de la réalisation de la justice, de l'égalité des chances pour tous, de l'établissement de normes et de niveaux satisfaisants de bien-être, de prospérité, de développement durable et d'investissement humain?

Si nous supposons qu'il s'agit là des objectifs primordiaux de la démocratie, ces derniers peuvent-ils être atteints par des systèmes de gouvernance qui s'inspirent de l'héritage civilisationnel des peuples ainsi que des valeurs, des concepts et de la nature des relations sociales qui prévalent entre eux ?

En d'autres termes, le modèle démocratique occidental est-il le seul moyen d'atteindre les objectifs primordiaux de la démocratie? Ces nobles objectifs ne pourraient-ils pas être réalisés par d'autres moyens ou des modèles différents sans que les pays occidentaux ne les toisent?

Ce modèle bâclé a engendré la corruption, le népotisme et l'exclusion de certains segments de la société.

Mohammed al-Sulami

La mise en œuvre du modèle démocratique occidental en dehors de son cadre d'origine ne se traduira pas nécessairement par la réalisation des objectifs suprêmes de la démocratie. Il existe de nombreux modèles dans les pays du tiers monde qui ont théoriquement adopté le modèle démocratique occidental pour gouverner, mais qui n'ont pas abouti aux objectifs souhaités.

Au contraire, ce modèle de gouvernance bâclé a engendré la corruption, le népotisme et l'exclusion de certains segments de la société, parmi lesquels ceux qui possèdent une expertise et des capacités élevées. 

En effet, le choix de la démocratie occidentale a été profondément influencé par la culture locale, qu'elle soit factionnelle, régionale, sectaire, religieuse, tribale ou sociétale. Par conséquent, même si le modèle de gouvernance est «formellement démocratique», les résultats sont désastreux. Il existe plusieurs exemples de cet échec démocratique dans les pays d'Asie, d'Afrique et même d'Amérique latine qui sont alignés sur l'Occident.

Par conséquent, évaluer les progrès et la justice d'un pays à l'aune de la démocratie occidentale est un critère totalement erroné. En outre, de nombreux pays considérés en Occident comme réactionnaires ou qui souffrent d'une régression civilisationnelle, selon le concept occidental, ont dépassé les pays occidentaux dans certains domaines, notamment en ce qui concerne l'attention portée aux droits des citoyens et des expatriés, les services, la lutte contre la corruption et la garantie de la justice sociale et de l'égalité des chances. Ce que le monde a vécu lors de la pandémie de coronavirus en témoigne peut-être.

Nous vivons une époque historique au cours de laquelle nous devrions dépasser la rhétorique démocratique que beaucoup répètent sans en comprendre vraiment le sens. Nous devrions examiner les réalités sur le terrain, nous débarrasser du suivisme aveugle de l'Occident et agir comme des gens qui réfléchissent à leur propre civilisation, leur propre culture et leur propre pensée.

L'ère de la supériorité occidentale devrait être complètement révolue dans la réalité d'aujourd'hui, qui se dirige vers un ordre multipolaire. Il faut au contraire considérer l'héritage civilisationnel et culturel des peuples comme un tremplin pour la marche vers l'avenir. Plus important encore, l'effondrement des valeurs et des idéaux dans les sociétés occidentales, avec la désintégration des structures familiales, incite beaucoup de peuples et de pays à reconsidérer l'avenir de la civilisation occidentale. Cette dernière semble courir à l'abîme au vu de la dégradation des valeurs et des concepts conformes à la nature humaine.

En conclusion, nous devrions cesser d'évaluer les pays sur la base de critères externes qui ne trouvent pas leur source dans leur culture d'origine. Nous devrions plutôt chercher à atteindre les objectifs de la bonne gouvernance, quels que soient les moyens utilisés pour y parvenir.

 

Mohammed al-Sulami est le fondateur et le président de l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah). Twitter: @mohalsulami

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com