Les divisions tribales du Sahel compromettent la sécurité de la région

Le coup d'État du 26 juillet au Niger est le dernier en date dans la région, après des prises de pouvoir similaires au Mali et au Burkina Faso (Photo, AFP).
Le coup d'État du 26 juillet au Niger est le dernier en date dans la région, après des prises de pouvoir similaires au Mali et au Burkina Faso (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 29 août 2023

Les divisions tribales du Sahel compromettent la sécurité de la région

  • Du Niger au Soudan, comprendre le rôle du tribalisme est essentiel pour analyser les conflits et les coups d'État récents
  • Les experts en sécurité affirment que les groupes militants profitent de la géographie, des réseaux criminels et des divisions tribales pour recruter

NAIROBI, Kenya: L'Afrique est riche de cultures, d'histoires et d'identités entremêlées qui forment un tissu social complexe. Le Sahel est sans doute la région qui illustre le mieux les complexités politiques et sociales du continent.

Situé entre le désert du Sahara au nord-ouest et la savane du Soudan à l'est, le Sahel s'étend sur plus de 5 000 kilomètres à travers 14 pays.

En raison de son climat aride, la région est en proie à la sécheresse et à la désertification rampante, favorisant le déclenchement de conflits et de violences politiques.

Au cours des derniers mois et des dernières années, le Sahel a été le théâtre d'une série de coups d'État militaires qui ont lourdement pesé sur la stabilité politique de la région et sur sa transformation démocratique autrefois prometteuse, instaurant ainsi une nouvelle ère d'incertitude et d'insécurité.

Le coup d'État du 26 juillet au Niger est le dernier en date à frapper la région, après des prises de pouvoir similaires au Mali et au Burkina Faso. Parallèlement, sur le flanc oriental du Sahel, le Soudan continue de subir des troubles internes tandis que des factions militaires rivales se disputent le pouvoir.

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Du Niger au Soudan en passant par le Mali, comprendre le rôle de l'identité tribale dans la région du Sahel est essentiel pour analyser les récents conflits et coups d'État (Photo, AFP).

Les pays du Moyen-Orient, comme l'Arabie saoudite et l'Égypte, ont historiquement influencé le Sahel par le biais du commerce, des migrations et des échanges culturels.

De nombreuses tribus sahéliennes ont des liens historiques étroits avec les communautés arabes, favorisés par les routes commerciales transsahariennes et la diffusion de l'islam. Ces liens ont influencé la langue, la religion et les coutumes sociales, créant un mélange unique de cultures dans la région.

Au cœur de cette complexité se trouve toutefois le tribalisme, un phénomène séculaire qui a à la fois façonné et mis à l'épreuve la dynamique des nations.

Le Sahel abrite de nombreux groupes ethniques, des communautés agricoles Songhaï et Bambara aux nomades Peuls et Amazighs.

Dans cette vaste étendue diversifiée, où les frontières s'estompent et les groupes ethniques s'entremêlent, il est essentiel de comprendre le rôle des liens tribaux pour déchiffrer le passé, le présent et l'avenir de la région.

Les liens tribaux au Sahel et au Moyen-Orient étaient souvent associés à l'émergence de divers groupes armés. Cependant, considérer ce lien comme un facteur de causalité direct constituerait une simplification excessive.

Au contraire, l'interaction historique entre les groupes ethniques et tribaux a donné lieu à des activités organisées qui vont du commerce légitime aux transactions illicites.

Ces activités se sont toujours concentrées sur des groupes spécifiques qui exerçaient une influence sur les routes commerciales, les ressources ou les emplacements stratégiques.

Lorsque les frontières ont été tracées au cours des périodes coloniale et postcoloniale, les tribus se sont retrouvées séparées ou confinées au sein de nouveaux États-nations, alimentant ainsi des tensions et des rivalités qui persistent encore aujourd'hui.

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Les liens tribaux au Sahel et au Moyen-Orient ont souvent été liés à l'émergence de divers groupes armés (Photo, AP).

Selon les experts, les interactions ethniques dans la région sont un mélange d'harmonie et de discorde, de camaraderie et de méfiance.

«Les Fulanis d'Afrique de l'Ouest et d'autres groupes témoignent de la complexité des dynamiques ethniques», explique à Arab News Aneliese Bernard, directrice de la société de conseil Strategic Stabilization Advisors, basée à Washington.

«Lorsque certains groupes ont pris le contrôle des commerces illicites et exercé le pouvoir, certaines communautés ont été mises à l'écart, ce qui les a rendues plus vulnérables et plus exposées au recrutement des groupes armés émergents.»

«Par la suite, d'autres groupes se sont mis à les stigmatiser, ce qui a rendu la coexistence encore plus difficile.»

Le rôle des liens tribaux dans l'émergence des groupes armés est toutefois complexe et sa compréhension exige une évaluation approfondie des histoires, des allégeances et des sensibilités.

«Plutôt que de provoquer directement l'émergence de groupes extrémistes, certains groupes ethniques et tribaux ont historiquement joué un rôle central dans diverses activités organisées, notamment le commerce illicite et le contrôle de ressources spécifiques. Ces dynamiques existaient avant la colonisation moderne et le tracé des frontières dans la région», précise Mme Bernard.

«Au fil du temps, certains groupes ont pris le contrôle des activités criminelles, et ce contrôle n'était pas limité à un seul groupe. L'accès aux armes et aux opérations organisées a permis à plusieurs groupes de dominer certains trafics illicites, comme celui des stupéfiants.»

Alors qu'une partie des tribus profitent de l'environnement politique et socio-économique actuel, de nouveaux leaders émergent et tirent parti de l'absence de développement qui continue de sévir dans la région.

LE SAHEL EN BREF

  • La région s'étend sur plus de 5 000 km à travers 14 pays.
  • Les taux de mortalité infantile sont parmi les plus élevés au monde.
  • Au moins 65% de la population a moins de 25 ans.
  • La zone où se rejoignent le Mali, le Burkina Faso et le Niger est considérée comme l'épicentre de la violence au Sahel.

Beatrice Bianchi, analyste politique et experte du Sahel pour le groupe de réflexion italien Fondation Med-Or, souligne le cas du groupe islamiste Ansar ul-Islam, basé au Burkina Faso.

Selon Mme Bianchi, ce groupe recrute principalement au sein de l'ethnie peul, «en s'appuyant sur les frustrations locales dues à l'appauvrissement, où les liens tribaux jouent un rôle».

«Ce phénomène a un effet de contagion parmi les communautés de la région aux frontières libres», poursuit-elle.

La diversité ethnique du Sahel rend les efforts de sécurité et la construction de l'État encore plus difficiles pour les gouvernements africains. C'est pourquoi il faut adopter une approche plus nuancée pour gérer les sensibilités des différents groupes et traiter les griefs historiques.

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Le Sahel abrite de nombreux groupes ethniques, des communautés agricoles Songhaï et Bambara aux nomades Peuls et Amazighs (Photo, AFP).

Les efforts de développement, souvent menés par des acteurs extérieurs, se sont heurtés à l'incapacité de comprendre les subtilités des cultures et des identités locales, ce qui a conduit à des politiques qui, par inadvertance, ignorent ou sapent ces fondements.

Le passé colonial de la région, au cours duquel l'ouest du Sahel a été colonisé par la France aux XIXe et XXe siècles, ainsi que les interactions interrégionales, ont également influencé la langue et l'identité.

«Si les langues coloniales constituent des formes communes de communication, elles ont également contribué à créer un sentiment d'unité au sein de populations diverses», souligne Mme Bernard.

L'inconvénient, explique-t-elle, est que l'imposition coloniale de langues étrangères a parfois érodé les langues maternelles, mettant en péril le patrimoine culturel.

Cette érosion linguistique se reflète dans les défis de la gouvernance, du développement et de la diplomatie, où le manque de maîtrise des langues locales peut entraver l'efficacité de l'engagement.

«S'engager avec des groupes tribaux et ethniques divers présente des défis considérables dans les efforts de résolution des conflits», explique Royce de Melo, spécialiste du Moyen-Orient et de l'Afrique et consultant en sécurité et en défense, à Arab News.

«Pour comprendre l'impact du tribalisme sur la sécurité, la paix et les alliances politiques, il est essentiel de reconnaître que les dynamiques culturelles influencent souvent l'efficacité des stratégies.»

Efem Nkam Ubi, professeur associé à l'Institut nigérian des affaires internationales, affirme que les divisions historiques créées par les frontières coloniales ont involontairement affecté le paysage tribal.

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Des jeunes se rassemblent pour s'inscrire comme volontaires et combattre pour le pays dans le cadre d'une initiative de volontariat, à Niamey, au Niger (Photo, AP).

«Les activités des insurgés extrémistes sont principalement ancrées dans la criminalité plutôt que dans les affiliations tribales», révèle-t-il à Arab News.

«La composition multiethnique et multitribale du Sahel, associée à la porosité de ses frontières coloniales, a parfois créé un environnement dans lequel les groupes armés exploitent les divisions ethniques et tribales existantes pour le recrutement et le soutien.

Au Soudan, par exemple, le croisement du tribalisme avec la politique est plus évident que jamais, en particulier depuis que le pays a été plongé dans le conflit dévastateur qui a touché sa capitale Khartoum et ses régions ethniquement mixtes du Darfour et du Kordofan.

Janjawids, précurseurs des Forces de soutien qui défient actuellement les Forces armées s, sont issus d'affiliations tribales, ce qui montre comment ces liens peuvent être cooptés à des fins politiques.

Tout comme les rangs des Janjawids ont été renforcés par la tribu des Rizeigat, plus de 4 000 combattants nigériens de la branche Mahamid de cette tribu servent dans les Forces de soutien rapide.

«En Afrique, le tribalisme est une force puissante qui peut être source d'unité et de division», souligne Mme Bernard.

«Les identités tribales et ethniques, mêlées aux croyances religieuses, influencent les choix individuels et collectifs dans les conflits et poussent même à rejoindre des groupes extrémistes.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.