«C'est comme être dans une grande prison» : à Marseille, le parcours du combattant des exilés

Cette photographie prise le 22 septembre 2023 montre une vue du Vieux Port (à droite) de Marseille et du Fort Saint-Jean, avec un drapeau du Vatican accroché à un lampadaire, avant la visite du Pape dans la ville. (Photo Christophe Simon AFP)
Cette photographie prise le 22 septembre 2023 montre une vue du Vieux Port (à droite) de Marseille et du Fort Saint-Jean, avec un drapeau du Vatican accroché à un lampadaire, avant la visite du Pape dans la ville. (Photo Christophe Simon AFP)
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Publié le Vendredi 22 septembre 2023

«C'est comme être dans une grande prison» : à Marseille, le parcours du combattant des exilés

  • «L'Etat français dit qu'avant d'avoir le titre de séjour, tu dois travailler. Dans le même temps, il interdit aux employeurs d'embaucher quelqu'un qui n'a pas de papiers. C'est le serpent qui se mord la queue»
  • Le département des Bouches-du-Rhône, qui dit faire face à une «arrivée massive de nouveaux migrants se déclarant mineurs», près de 2.000 en 2023, a annoncé l'ouverture ce vendredi d'un nouveau centre

MARSEILLE : Pour eux, la Méditerranée est d'abord une frontière, franchie parfois au péril de leur vie. Mais une fois l'eldorado européen atteint, ces exilés en quête d'un avenir meilleur entament un nouveau parcours du combattant. Trois étrangers en situation irrégulière vivant à Marseille témoignent.

«Nous avons passé 24 heures sur l'eau sans manger, sans boire, sans faire nos besoins»: comme beaucoup de candidats à l'exil venant d'Afrique, Boubacar (le prénom a été modifié), mineur guinéen arrivé à Marseille il y a une dizaine de jours, a d'abord débarqué sur l'île italienne de Lampedusa.

De là, le jeune garçon, qui s'exprime dans un très bon français, a réussi à gagner Nice puis Marseille, où il dort dans la rue, en attendant sa prise en charge par le département des Bouches-du-Rhône.

Ce dernier, qui dit faire face à une «arrivée massive de nouveaux migrants se déclarant mineurs», près de 2.000 en 2023, a annoncé l'ouverture ce vendredi d'un nouveau centre pouvant «accueillir jusqu'à 100 personnes dans des conditions décentes et sécurisées».

L'accueil des migrants devrait être au cœur du message du pape François, attendu ce vendredi à Marseille pour une visite de deux jours consacrée à la Méditerranée et au défi migratoire.

«Je voudrais rester en France, je veux étudier surtout, c'est mon rêve», martèle l'adolescent, seul de sa fratrie à avoir pu aller à l'école primaire, avant que sa mère ne le confie à un oncle. «Je voulais étudier mais lui, il voulait que je fasse un métier tout de suite», alors «il m'a chassé de chez lui», raconte Boubacar, qui vit désormais, avec une trentaine d'autres mineurs isolés, dans un campement de fortune installé le long du prestigieux lycée Thiers.

«Les gens n'ont pas d'endroit où dormir, dans le même temps, il y a des logements vides inoccupés», pointe également Francky Domingo, 47 ans, président du Collectif des demandeurs de papiers de Marseille, créé en 2020. «Nous on ne vit pas, on survit», poursuit l'homme, originaire du Bénin, qu'il a quitté pour la France il y a bientôt six ans.

- «Il faut être tenace» -

«Les Français ne savent pas ce que les demandeurs de papiers vivent. Rapprochez-vous d'un migrant, croisez-le simplement dans la rue, écoutez-le juste cinq minutes, je parie que vous allez repartir les larmes aux yeux», développe-t-il dans un café de La Canebière, artère cosmopolite en plein cœur de Marseille.

Pourtant, «la charte des Nations unies le dit, en tant qu'humains, nous avons tous droit d'habiter où nous voulons», insiste l'homme au regard malicieux.

Accès aux soins, ouverture d'un compte bancaire: «Ce sont des droits qui devraient être spontanés, mais nous sommes obligés de les arracher par la lutte: l'Etat français parfois fait tout pour vous décourager» alors «il faut être tenace», conseille Francky.

Un combat au quotidien souvent éreintant, abonde Yasmine (le prénom a été modifié), Algérienne de 51 ans arrivée en France avec sa famille en 2018.

«On est tout le temps stressé, c'est difficile», raconte-t-elle d'une voix trahissant son épuisement. «On veut déposer un dossier pour la régularisation mais il faut 24 fiches de paye, que mon mari n'a pas encore», poursuit la mère de famille de trois enfants, qui œuvre comme bénévole auprès de plusieurs associations, faute de trouver un emploi malgré son diplôme d'ingénieure en travaux publics.

«L'Etat français dit qu'avant d'avoir le titre de séjour, tu dois travailler. Dans le même temps, il interdit aux employeurs d'embaucher quelqu'un qui n'a pas de papiers. C'est le serpent qui se mord la queue», résume Francky Domingo.

En janvier 2022, le mari de Yasmine, ingénieur en génie civil et titulaire d'un master d'une grande école parisienne, a finalement trouvé un travail dans un bureau d'études. Mais cette embauche lui a fait perdre le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat, à laquelle ont droit les étrangers en situation irrégulière.

«C'est comme être dans une grande prison», ajoute-t-elle, avouant qu'il lui arrive parfois de regretter leur départ pour la France.

Malgré les difficultés pourtant, le retour dans le pays d'origine est rarement une option.

«Je n'avais pas le choix», souligne Boubacar: «Je savais que ça allait beaucoup affecter ma mère», «mais mon rêve, c'est de sortir toute la famille de cette misère».

«C'est un sacrifice par rapport à mes enfants, je veux qu'ils étudient, qu'ils aient un avenir meilleur», avance également Yasmine.

Car pour Francky, «en quittant l’Afrique, c'est l'espoir de toute une famille que tu portes».


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.