Le Proche-Orient trace une ligne de front dans la majorité

Le soleil se couche derrière un navire de guerre naviguant dans les eaux de la Méditerranée au large de la ville d'Acre (également connue sous le nom d'Akko), au nord d'Israël, le 3 novembre 2023. (Photo Ahmad Gharabli AFP)
Le soleil se couche derrière un navire de guerre naviguant dans les eaux de la Méditerranée au large de la ville d'Acre (également connue sous le nom d'Akko), au nord d'Israël, le 3 novembre 2023. (Photo Ahmad Gharabli AFP)
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Publié le Vendredi 03 novembre 2023

Le Proche-Orient trace une ligne de front dans la majorité

  • Depuis les massacres perpétrés par le Hamas, la majorité française se fracture sur l'attitude à adopter face à la guerre, au risque selon certains d'affaiblir la position du président de la République
  • Le président de la République défend le droit d'Israël à se défendre, tout en appelant à une «trêve humanitaire» pour éviter que «des gens soient des victimes totalement injustifiées de cette lutte légitime contre le terrorisme»

PARIS : Du «soutien inconditionnel» à Israël à la «protection inconditionnelle des populations civiles». Depuis les massacres perpétrés par le Hamas, la majorité se fracture sur l'attitude à adopter face à la guerre, au risque selon certains d'affaiblir la position du président de la République.

Le député Renaissance Charles Sitzenstuhl n'a pas pris de gants, dans une interview au Figaro vendredi: «Attention à ne pas nous acoquiner avec les influenceurs de M. (Benjamin) Netanyahu», a-t-il dit, évoquant «un «malaise» dans la majorité lié à «une tonalité +ultra Israël+ qui ne correspond pas à la ligne du président de la République».

«Soutien à Israël, oui, inconditionnel, non», a-t-il affirmé, dans une allusion claire aux mots de la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, le 10 octobre.

Trois jours après les attaques sanglantes du mouvement islamiste palestinien du 7 octobre, Mme Braun-Pivet avait fait part lors d'une minute de silence en hommage aux victimes du «soutien inconditionnel» de la représentation nationale à Israël.

Un mot qui a «surpris» et «interrogé» l'ancienne ministre Nadia Hai. «Le soutien inconditionnel à se défendre peu importe le prix, non. De l'autre côté on a des civils innocents qui n'ont rien demandé (...) C'est un véritable massacre à ciel ouvert (...) Le droit international pose des règles, ce n'est pas sans condition», argumente-t-elle.

Mme Hai a écrit une tribune, co-signée par soixante députés Renaissance, et publiée dimanche par L'Opinion, qui fait allusion à cette formule, en lançant un appel «à la protection immédiate et inconditionnelle des populations civiles - de toutes les populations civiles».

Le texte, qui appelait dans sa version initiale à un «cessez-le-feu», a été modifié après un échange de Mme Hai avec l’Élysée, pour ne plus demander qu'une «trêve humanitaire immédiate sur la population civile de Gaza, ce qui ne signifie pas renoncer à éradiquer les terroristes».

«On ne cherche pas la division au contraire. La tribune a vocation à réaffirmer la position de la France», soutient Mme Hai. Le président de la République défend le droit d'Israël à se défendre, tout en appelant à une «trêve humanitaire» pour éviter que «des gens soient des victimes totalement injustifiées de cette lutte légitime contre le terrorisme».

- «sujet tripal» -

Un député Renaissance en vue explique pourtant ne pas avoir souhaité signer le texte pour ne pas «alimenter la chronique (...) de la division et de la dispersion dans le groupe».

Cela fait en effet plusieurs semaines que Renaissance est traversée de tensions.

«Il y a quelques députés très en pointe sur la question qui sont très vite allés en Israël (du 15 au 17 octobre, NDLR). C'est à partir de ce déplacement que les premières divergences d'appréciations ont commencé à exister (...) Il y avait un côté sensationnaliste qui n'a pas été bien apprécié par une partie du groupe», rappelle-t-il.

Cette semaine-là, un projet de tribune alertant sur la situation humanitaire à Gaza, révélé par Le Figaro, fait finalement long feu.

«Ensuite, il y a eu le déplacement de Yaël Braun-Pivet», les 21 et 22 octobre, «qui n'était pas très bien calibré non plus», analyse le même député. Question de «temporalité», Mme Braun-Pivet s'étant déplacée deux jours avant le président, et de «message politique». Elle avait expliqué que «rien ne doit empêcher» Israël «de se défendre».

Le mardi 24, alors que le président de la République se rend à son tour en Israël, le président de Renaissance Stéphane Séjourné tente de couper court au débat. «Il ne faut pas deux lignes antagonistes (...) Le plus important c'est de soutenir le président dans sa tâche et d'éviter d'importer le conflit en France», dit-il aux députés de la majorité.

«Nous devons lui être utile sur le plan diplomatique en évitant de le gêner politiquement», complète-t-il.

Message également porté par le président du groupe Sylvain Maillard, même si certains jugent son prisme «très en soutien à Israël» et qu'il a lui-même pu dire à Mediapart que le groupe ne prenait «pas (ses) ordres au Quai d'Orsay».

Interrogé par l'AFP, M. Maillard évoque un sujet «tripal» sur lequel chacun a «une entrée en mêlée différente» en fonction de son histoire et de sa sensibilité. Mais sur le fond, «le groupe est uni derrière le président», jure-t-il.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.