Gouverner Gaza dans le sillage des chars israéliens, l'impossible équation de l'après-guerre

Israël, qui a promis d'éradiquer le Hamas, et son allié américain planchent sur l'après-guerre dans la bande de Gaza, Washington évoquant un retour de l'Autorité palestinienne (Photo d'illustration, AFP).
Israël, qui a promis d'éradiquer le Hamas, et son allié américain planchent sur l'après-guerre dans la bande de Gaza, Washington évoquant un retour de l'Autorité palestinienne (Photo d'illustration, AFP).
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Publié le Dimanche 12 novembre 2023

Gouverner Gaza dans le sillage des chars israéliens, l'impossible équation de l'après-guerre

  • Washington évoquant un retour de l'Autorité palestinienne, pour qui l'idée de reprendre un territoire en ruine est un véritable repoussoir
  • Blinken a de nouveau proposé ce scénario quelques jours plus tard, émettant le voeu d'avoir la bande de Gaza «unifiée» avec la Cisjordanie

RAMALLAH: Israël, qui a promis d'éradiquer le Hamas, et son allié américain planchent sur l'après-guerre dans la bande de Gaza, Washington évoquant un retour de l'Autorité palestinienne, pour qui l'idée de reprendre un territoire en ruine dans le sillage des chars israéliens est un véritable repoussoir.

Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a estimé fin octobre que l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas devrait à l'issue de la guerre reprendre le contrôle de la bande de Gaza et que des tierces parties internationales pourraient aussi jouer un rôle lors d'une période intérimaire.

Pour le moment, l'Autorité palestinienne exerce un pouvoir limité en Cisjordanie. En 2007, elle avait été délogée de Gaza par le mouvement islamiste Hamas.

Mais M. Abbas a opposé une fin de non-recevoir lors d'un entretien avec M. Blinken le 5 novembre à Ramallah, en conditionnant un retour de l'Autorité palestinienne à Gaza à un règlement "global" comprenant aussi les autres territoires occupés par Israël: la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Le chef de la diplomatie américaine a de nouveau proposé ce scénario quelques jours plus tard, émettant le voeu d'avoir la bande de Gaza "unifiée" avec la Cisjordanie après la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien.

Douchant également les espoirs américains, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a dit samedi vouloir "autre chose" que l'Autorité palestinienne pour diriger Gaza après la guerre.

"Il nous faut un contrôle sécuritaire total avec la possibilité d'entrer quand nous le voulons pour déloger les terroristes qui peuvent émerger de nouveau", a-t-il martelé.

«Sur un char»

L'armée israélienne pilonne depuis plus d'un mois le territoire pour "anéantir" le Hamas, en représailles à l'attaque du 7 octobre qui a fait environ 1.200 morts du côté israélien, en majorité des civils tués le 7 octobre, selon des chiffres officiels israéliens. Quelque 240 personnes ont été prises aussi en otage ce jour-là.

Les bombardements israéliens sur Gaza ont fait plus de 11.000 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas. Ils ont déplacé 1,6 million de personnes et transformé en champs de ruines des pans entiers du petit territoire palestinien.

"Je ne crois pas qu'un quelconque acteur acceptera de gouverner Gaza dans ces circonstances. Aucun Palestinien, aucune personne sensée n'acceptera de retourner à Gaza sur un char américain ou israélien", estime Hassan Khreicha, ancien numéro deux du Parlement dissout de l'Autorité palestinienne.

L'International Crisis Group (ICG) a récemment estimé qu'il y avait peu d'espoir que l'Autorité palestinienne, déjà profondément impopulaire, puisse retourner à Gaza à la suite d'une invasion israélienne et ne soit pas "traitée comme un ennemi".

Un haut responsable du Hamas, Oussama Hamdane, a lui affirmé le 6 novembre que le peuple palestinien "ne permettra(it) pas aux Etats-Unis d'imposer ses plans visant à créer une administration qui lui convienne et qui convienne à l'occupation (Israël)".

«Plans sur la comète»

Vendredi, c'était au tour du Jihad islamique, influent groupe armé évoluant dans l'ombre du Hamas dans la bande de Gaza, de rejeter tout futur pouvoir qui y serait imposé.

"Si une force internationale devait être déployée pour gouverner Gaza pour le compte de l'occupant, elle serait considérée comme une force d'occupation et combattue par le peuple palestinien", a déclaré le numéro deux du groupe, Mohammad al-Hindi depuis Beyrouth.

"Comment l'Autorité palestinienne pourrait-elle revenir sur un char israélien après tous ces massacres pour gouverner la bande de Gaza? Qui va reconstruire toutes les villes qui ont été détruites? Même un nouveau plan Marshall ne sera pas suffisant", a-t-il ajouté, en référence au plan américain mis en place après la Seconde Guerre mondiale pour aider à la reconstruction de l'Europe.

Jamal Al-Fadi, professeur de relations internationales à l'université de Gaza, estime que même si l'Autorité palestinienne devait faire volte-face et accepter de reprendre le contrôle de Gaza, elle ne le ferait pas sans un accord, même tacite, du Hamas.

"L'Autorité palestinienne voudrait une solution dont le Hamas ferait partie ou à laquelle il donne au moins son accord. Sans cela, elle prendrait le risque d'une nouvelle guerre civile", dit-il à l'AFP.

Pour Majed al-Arouri, personnalité connue de la société civile à Ramallah, tous les scénarios évoqués restent à ce stade des plans sur la comète sans visibilité sur l'issue de la guerre.

"On sait tous comment la guerre a commencé, mais personne ne sait comment ni sur quel territoire elle va finir", dit M. Arouri qui dirige une ONG pour l'indépendance de la justice.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.


Soudan: des dizaines de milliers de personnes fuient le conflit qui s'étend à l'est du Darfour 

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
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  • Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusien
  • Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023

PORT-SOUDAN: Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusienne.

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait.

Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023.

Des habitants ont rapporté lundi à l'AFP que des villes entières étaient devenues des cibles militaires, alors que l'armée et les FSR s'affrontent pour le contrôle d'El-Obeid, capitale de l'Etat du Kordofan-Nord, important centre logistique et de commandement reliant le Darfour à Khartoum, qui abrite également un aéroport.

"Aujourd'hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara", a affirmé un membre des FSR dans une vidéo diffusée dimanche soir par les paramilitaires, en citant une localité située au nord d'El-Obeid. Les FSR avaient revendiqué la prise de Bara la semaine précédente.

Souleiman Babiker, habitant d'Oum Smeima, à l'ouest d'El-Obeid, a déclaré à l'AFP qu'après la prise d'El-Facher par les paramilitaires, "le nombre de véhicules des FSR a augmenté".

"Nous avons cessé d'aller dans nos champs, de peur des affrontements", a-t-il ajouté.

Un autre habitant, ayant requis l'anonymat pour des raisons de sécurité, a également fait état d'"une forte augmentation des véhicules et du matériel militaire à l'ouest et au sud d'El-Obeid" au cours des deux dernières semaines.

Martha Pobee, secrétaire générale adjointe de l'ONU pour l'Afrique, a alerté la semaine dernière sur de "vastes atrocités" et des "représailles à motivation ethnique" commises par les FSR à Bara, évoquant des schémas similaires à ceux observés au Darfour, où les combattants paramilitaires sont accusés de massacres, de violences sexuelles et d'enlèvements visant les communautés non arabes après la chute d'El-Facher.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.