L’année 2021 apporte un certain soulagement régional

Un Égyptien qui s’est rétabli de la Covid-19 fait un don de sang au centre national de transfusion sanguine du Caire. (Fichier / AFP)
Un Égyptien qui s’est rétabli de la Covid-19 fait un don de sang au centre national de transfusion sanguine du Caire. (Fichier / AFP)
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Publié le Vendredi 25 décembre 2020

L’année 2021 apporte un certain soulagement régional

L’année 2021 apporte un certain soulagement régional
  • Certaines tendances de fond mondiales auront un impact sur la région. À l’inverse, les tendances géopolitiques et économiques régionales auront aussi un impact sur le monde
  • L’année de reprise à venir devrait apporter un certain soulagement au niveau régional, mais les braises économiques, sociales et géopolitiques restent vives

Alors que l’année 2020 touche à sa fin, de nombreuses personnes seront ravies qu’elle s’achève. Une pandémie historique a secoué notre monde, détruisant les économies, secouant les sociétés et polarisant notre politique. Les chiffres de la pauvreté dans le monde ont augmenté pour la première fois en deux décennies, et le chômage a grimpé un peu partout. C’était, en bref, une annus horribilis.

Mais qu’en est-il de 2021? Vers où nous dirigeons-nous? Plus précisément, quels seront les moteurs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) dans les mois à venir? La prévision est bien sûr un jeu d’idiot dans notre monde hautement perturbateur, mais la recherche de tendances ne l’est pas. Certaines tendances de fond façonnant notre monde aujourd’hui et en 2021 auront un impact sur la région. À l’inverse, les tendances géopolitiques et géoéconomiques régionales auront probablement un impact sur le monde en général.

Trois tendances mondiales pour l’année 2021 – la reprise économique, les inégalités croissantes entre et au sein des pays, et un nouvel ordre géopolitique – se refléteront également dans la zone Mena. L’évolution de la région par rapport à ces trois tendances déterminera si nous sommes confrontés à une autre année perturbatrice ou à une année qui sera marquée par une reprise régulière, quoique lente.

Commençons par la plus grande tendance: une reprise économique postcoronavirus. La production mondiale a été durement touchée en 2020 et se dirige vers une reprise robuste en 2021. Après une contraction de 4,4% en 2020, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance mondiale de 5,2% pour l’année, ce qui nous mènera légèrement au-dessus du niveau de la fin de 2019. Ces «années perdues» de croissance ralentiront l’économie mondiale et, pendant plusieurs années, de nombreux individus ne pourront que récupérer petit à petit leurs revenus d’avant-crise ou leurs emplois perdus, mais au moins nous allons dans la bonne direction.

Quant à la région Mena, le FMI prévoit une croissance de 3,2% en 2021 après une contraction de 5% cette année. Le retour de la région à un niveau de production de référence pré-Covid attendra probablement une autre année, en 2022. Le FMI prévoit une croissance de 3,1% de la cheville ouvrière économique régionale, l’Arabie saoudite; une croissance de 2,8% pour la plus grande économie d’Afrique du Nord, l’Égypte; et une hausse de 2,5% pour l’Irak après une sévère contraction de 12%.

Au niveau mondial, le FMI souligne que la crise «a touché de manière disproportionnée les femmes, les employés informels et ceux dont le niveau d’instruction est relativement faible». L’organisme mondial de prêt a également noté que la pandémie «inversera les progrès accomplis depuis les années 1990 dans la réduction de la pauvreté dans le monde et augmentera les inégalités».

Des tendances similaires peuvent être observées dans la région Mena. Ce sont des tendances à court terme avec des impacts à long terme en raison de leur nature perturbatrice. Après tout, l’année 2021 marquera le 10e anniversaire de plusieurs étapes importantes dans les soulèvements qui ont secoué le monde. Le Printemps arabe était en plein essor en 2011, avec des répercussions dramatiques sur le leadership régional et la géopolitique mondiale.

Compte tenu de cette tendance à court terme d’augmentation des inégalités et de pression croissante sur les travailleurs de l’économie informelle, il convient de rappeler ce qui a déclenché le soulèvement en Tunisie, qui s’est ensuite répandu dans toute la région. Bien au-delà de son propre destin tragique, Mohammad Bouazizi, le vendeur de fruits et légumes à qui on a enlevé son permis de travail et qui s’est immolé, a constitué un symbole.

Dans le monde entier, la pandémie a également révélé de multiples fractures entre les pays les plus résilients, bien gouvernés ou riches (les trois ne vont pas toujours ensemble) et les autres.

Afshin Molavi

Il a été le symbole des inégalités généralisées dans le monde arabe. Il représentait le triste sort de toute une génération de jeunes aux ailes brûlées par la corruption, la mauvaise gestion et le manque de leadership visionnaire. Il était un visage derrière le niveau élevé de chômage et de sous-emploi chez les jeunes, un être humain réel qui faisait tout ce qu’il pouvait pour subvenir aux besoins de ses frères, sœurs et parents.

Où est la région aujourd’hui? Dans la plupart des pays les plus durement touchés du Levant et d’Afrique du Nord, les causes profondes des troubles n’ont guère bougé. Rappelons-nous le taux de 30% de chômage des jeunes souvent évoqué lors des soulèvements? Ce chiffre demeure à peu près le même aujourd’hui. Qu’en est-il des Bouazizi d’aujourd’hui qui ont vécu le grand confinement de l’année dernière? Ils ont du mal à se débrouiller lorsqu’ils manquent une semaine de travail, et a fortiori plusieurs mois.

Dans le monde entier, la pandémie a également révélé de multiples fractures entre les pays les plus résilients, bien gouvernés ou riches (les trois ne vont pas toujours ensemble) et les autres. Ceux bien gouvernés ou riches ont généralement mieux géré la pandémie que les autres. Prenons l’exemple de la Corée du Sud, de Taïwan, de Singapour ou des Émirats arabes unis: tous ont suscité une approbation internationale en matière de lutte contre la pandémie.

Dans la région Mena, ces différences ont été visibles : la plupart des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) disposaient à la fois des ressources et de la capacité de l’État pour mieux gérer la pandémie que de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Levant, ce qui a révélé davantage les écarts entre le CCG et les autres.

En ce qui concerne la géopolitique, chaque fois qu’un nouveau président américain entre en fonction, les systèmes géopolitiques font face à un test de résistance. Le président élu Joe Biden sera confronté à une région à la fois familière et étrangère par rapport à l’époque où il était vice-président. Une région toujours confrontée aux mêmes problèmes économiques et de gouvernance, mais qui n’attend plus que Washington initie des alliances et orchestre des mouvements géopolitiques. Un exemple concret est l’influence croissante de la Chine dans la région malgré les efforts du président Donald Trump pour faire reculer les ambitions géopolitiques de Pékin.

Les principaux alliés des États-Unis dans la région préféreraient ne pas choisir entre Pékin et Washington, de sorte qu’un apaisement des relations entre la Chine et les États-Unis serait une bonne nouvelle, en particulier à un moment où les vaccins chinois joueront probablement un rôle de premier plan dans les vaccinations de masse dans la région.

La façon dont Biden traitera le «dossier Iranien» sera également surveillée de près. Une chose est sûre: il ne sera pas aussi simple de revenir sur l’accord nucléaire iranien, étant donné les niveaux actuels d’uranium enrichi dans le pays (12 fois les niveaux convenus), les nouvelles sanctions et la méfiance des extrémistes iraniens à l’égard de tout futur accord américain.

Enfin, une «petite» bonne nouvelle pour la région. Le FMI prévoit une hausse de 12% des prix du pétrole. Les hausses de prix profitent non seulement aux producteurs de pétrole, mais aussi aux économies voisines grâce aux envois de fonds des travailleurs expatriés et aux dépenses régionales.

L’année de reprise à venir devrait apporter un certain soulagement au niveau régional, mais les braises économiques, sociales et géopolitiques restent vives – et nous savons tous à quelle vitesse une petite étincelle peut provoquer un grand incendie.

Afshin Molavi est chercheur principal au Foreign Policy Institute de la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies, et rédacteur en chef et fondateur du New Silk Road Monitor. 

Twitter: @AfshinMolavi

NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com