Le lycée musulman Averroès de Lille devrait perdre ses financements publics

Des élèves suivent un cours au lycée Averroès à Lille (Photo, AFP).
Des élèves suivent un cours au lycée Averroès à Lille (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 28 novembre 2023

Le lycée musulman Averroès de Lille devrait perdre ses financements publics

  • Si le contrat était effectivement rompu, l'Education nationale cesserait de rémunérer les enseignants, et la Région le personnel parascolaire
  • Avec 98% de réussite au bac, l'établissement figure encore en 2023 tout en haut des classements annuels des hebdomadaires

LILLE: Le lycée privé musulman Averroès, dont le préfet souhaite résilier le contrat avec l'Etat, pourrait bientôt perdre ses financements publics, une commission consultative s'étant déclarée lundi favorable à une telle résiliation.

Si le contrat était effectivement rompu, l'Education nationale cesserait de rémunérer les enseignants, et la Région le personnel parascolaire.

Le préfet devrait prendre une décision "dans les prochains jours", a indiqué une source proche du dossier.

L'établissement de 400 élèves, ouvert en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (devenu Musulmans de France), est pointé du doigt pour un don qatari en 2014, un ouvrage religieux litigieux dans la bibliographie d'un enseignement spirituel, et des irrégularités de gestion.

La "commission de concertation pour l'enseignement privé", qui s'est réunie trois heures durant lundi, s'est prononcée en faveur de la résiliation du contrat avec l'Etat, ont indiqué deux sources proches du dossier.

Sur ses 25 membres -- dont neuf désignées par l'Etat, les autres étant des élus locaux et des représentants de l'enseignement privé -- 16 ont voté pour et 9 se sont abstenus, a précisé une des deux sources.

Fondé il y a 20 ans dans la foulée de l'interdiction du voile dans les lieux scolaires, Averroès est devenu en 2008 le premier lycée musulman à passer sous contrat, et se classe régulièrement depuis parmi les meilleurs de la région.

Contactés par l'AFP, ni le ministère de l'Education ni celui de l'Intérieur n'ont donné suite.

«Simulacre total»

Dénonçant un "simulacre total", l'avocat du lycée, Me Joseph Breham, a indiqué que "si jamais il y avait une décision de résiliation (...) bien évidemment nous saisirions la justice" administrative.

Le président de la Région, Xavier Bertrand, a lui salué une "décision très importante", estimant que le "contenu pédagogique (de l'établissement, NDLR) ne respecte pas les valeurs républicaines".

Depuis 2019, les Hauts-de-France refusent de verser la subvention prévue dans le cadre du contrat, reprochant notamment à Averroès un don qatari de 950.000 euros en 2014.

"Rien" ne permet de penser "que les pratiques enseignantes (...) ne respectent pas les valeurs de la République", avait jugé l'inspection générale de l'Education nationale dans un rapport de 2020.

La commission académique s'est penchée à la fois sur le financement et "le volet pédagogique de l'établissement", et notamment "le contenu du cours d'éthique musulmane," explique une source proche du dossier.

Le rapport de saisine de la commission, dont l'AFP a obtenu copie, pointe notamment la mention, dans la bibliographie de cet enseignement, d'un recueil de textes religieux comprenant des commentaires prônant la peine de mort pour apostasie ou la ségrégation des sexes.

Ce rapport reprend des extraits de presse mettant en cause des enseignants, et cite une inspection du collège, hors contrat, durant laquelle un inspecteur a constaté que "les formulations employées à l'oral et reprises dans les traces écrites des élèves, l'emploi du conditionnel, mènent à une relativité des faits scientifiques en sciences de la vie et de la terre".

«Islam tolérant»

Le préfet déplore également "un système de financement illicite", citant une "enquête ouverte par le parquet de Lille", selon laquelle des associations seraient soupçonnées d'avoir concédé des prêts au groupe scolaire sans en demander le remboursement.

Contacté, le parquet n'a pas pu confirmer, ni infirmer ces faits.

En filigrane est pointé du doigt le lien historique d'Averroès avec l'UOIF, organisation issue du mouvement égyptien des Frères musulmans.

Selon la préfecture, ces "faux prêts" émanent d'associations membres du collectif "Mosquées du Nord", qu'elle qualifie de "frériste", et dont certaines auraient bénéficié de fonds étrangers.

"Personne à part l'autorité préfectorale ne dit qu'il y a un lien avec les Frères musulmans", a rétorqué Me Breham, soulignant que l'association gestionnaire du lycée comprend "des personnes de tous les horizons, tous les points de vue".

Le "lycée promeut un islam contextualisé, tolérant (...), respectueux des lois de la République", a souligné lundi Mohamed Damak, président de l'association Averroès.

L'objectif de ce lycée est de créer une "élite musulmane", explique Bernard Godard, ancien haut-fonctionnaire et spécialiste de l'islam. "Ils ont suivi le modèle des établissements privés catholiques français, qui visent l'excellence", et "séparent l'enseignement du religieux".

Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves). Le groupe scolaire compte plus de 800 élèves, dont 400 sous contrat.

En France, 1.700 élèves étaient scolarisés dans des écoles, des collèges et ces deux lycées musulmans sous contrat à la rentrée 2022, selon l'Education nationale.


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.


Accord UE-Mercosur: semaines décisives à Bruxelles, la France risque l'isolement

Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
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  • La Commission européenne vise à obtenir le feu vert des États membres pour l’accord commercial UE-Mercosur d’ici le 20 décembre, malgré l’opposition française et des agriculteurs inquiets
  • La ratification finale dépendra du Parlement européen, où le vote pourrait être serré, avec une opposition notable de l’extrême gauche, de l’extrême droite et de nombreux députés français et polonais

BRUXELLES: La Commission européenne veut agir vite. Elle se donne jusqu'au 20 décembre pour obtenir le feu vert des États européens sur l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, que la France aura du mal à bloquer.

Le vote des Vingt-Sept, à la majorité qualifiée, pourrait même intervenir début décembre, selon une source au sein de la Commission.

Les agriculteurs européens sont toujours vent debout contre cet accord qu'ils jugent "inacceptable" et voient comme une menace directe pour des filières comme la viande et le sucre.

Mais Bruxelles estime avoir fait ce qu'il fallait pour les rassurer et... amadouer Paris.

La Commission a annoncé en septembre des mesures de sauvegarde renforcées pour les produits agricoles les plus sensibles, promettant une intervention en cas de déstabilisation du marché.

Les diplomates des pays européens devraient d'ailleurs approuver cette clause de sauvegarde ce mercredi.

Elle "sera efficace pour résoudre les problèmes", martèle le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen.

Ce Luxembourgeois insiste au passage sur les "opportunités" que représente ce traité de libre-échange avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay pour les exportations européennes de vins et de produits laitiers. "Nous avons besoin d'exporter", a-t-il souligné après une réunion avec les ministres de l'Agriculture lundi.

Ce rendez-vous à Bruxelles a permis à chacun de réaffirmer ses positions.

Dans le camp des thuriféraires de l'accord, l'Allemagne et l'Espagne appellent à soutenir les exportateurs européens, notamment industriels, au moment où l'UE souffre sur le plan économique.

Ils jugent indispensables de diversifier les partenariats commerciaux depuis l'imposition de taxes douanières dans les États-Unis de Donald Trump.

"Je pense que l'accord avec le Mercosur progresse et qu'il sera ratifié. Nous espérons qu'il pourra entrer en vigueur au début de l'année prochaine", a déclaré le ministre espagnol Luis Planas.

La valse-hésitation des Français commence d'ailleurs à irriter à Bruxelles.

"Plutôt positif" lors d'un déplacement au Brésil, le président Emmanuel Macron avait semblé faire un pas en avant en faveur de l'accord, avant de rétropédaler après le tollé provoqué par ses propos parmi les agriculteurs français comme dans la classe politique.

Depuis, Paris assure que ce traité n'est toujours pas acceptable en l'état et fixe ses conditions.

- Un Parlement européen divisé -

La France voudrait des "mesures miroirs" pour que tous les pesticides interdits dans l'Union européenne "soient véritablement interdits dans les productions issues des pays du Mercosur", a dit la ministre Annie Genevard.

Paris réclame aussi des contrôles plus efficaces pour garantir que les produits importés respectent les normes européennes.

Dans un exercice d'équilibriste, le Premier ministre Sébastien Lecornu a répété l'opposition de la France à l'accord, mais "il ne faut pas qu’on se mente entre nous. Il y a bien des filières françaises qui vont bénéficier du Mercosur. On ne les entend pas beaucoup pour être honnête", a-t-il relevé lundi.

La France semble avoir compris qu'elle aurait du mal à bâtir une coalition suffisamment large pour s'opposer à l'accord, l'Italie penchant plutôt en faveur du traité désormais.

En attendant, Paris multiplie les échanges avec Bruxelles afin d'obtenir des concessions.

Les Français espèrent un geste sur les "limites maximales de résidus" (LMR) de pesticides autorisés, via un texte sur la sécurité alimentaire que doit présenter la Commission mi-décembre.

Sur l'accord en tant que tel, Bruxelles n'a pas l'intention de modifier sa copie en dépit des critiques. Tout juste est-il évoqué d'éventuelles communications ou échanges de lettres pour rassurer une dernière fois les récalcitrants comme la Pologne et la Hongrie.

L'Union européenne vise un feu vert des pays européens avant le sommet du Mercosur du 20 décembre au Brésil.

Mais la ratification devra ensuite passer par un vote du Parlement européen, où la partie pourrait s'avérer serrée.

"Ca ne va pas être facile. L'extrême gauche et l'extrême droite voteront" contre l'accord et dans les autres camps, "tous les Français et la plupart des Polonais" seront contre également, indique une source parlementaire, qui compte 300 opposants potentiels sur un total de 720 élus.

Environ 150 eurodéputés ont déjà appelé le Parlement à se tourner vers la Cour de justice de l'Union européenne pour contester ce traité. Un vote sur ce point pourrait avoir lieu en plénière dans les semaines qui viennent.