Un message de Noël de la ville assiégée de Bethléem

Aseptisation des lieux publics à Bethléem dans l'attente des touristes de Noël (AFP)
Aseptisation des lieux publics à Bethléem dans l'attente des touristes de Noël (AFP)
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Publié le Samedi 26 décembre 2020

Un message de Noël de la ville assiégée de Bethléem

Un message de Noël de la ville assiégée de Bethléem
  • Le maire de Bethléem, Anton Salman, fait part des préoccupations de sa ville message, entre pandémie et risque de colonisation israélienne
  • Noël, qui est l'âme de Bethléem, est à la fois une fête chrétienne et une célébration nationale en Palestine

En célébrant la naissance du Christ, nous devons garder en mémoire le message des anges qui appelle les gens à la paix et à la bonne volonté. Pourtant, à l'endroit même où la Vierge a miraculeusement donné naissance au Christ, l'injustice sévit en Palestine.

Au cours des derniers mois, certains ont clamé que l'annexion par Israël du territoire palestinien occupé avait été suspendue à la suite des accords de normalisation conclus avec certains pays arabes. Mais en réalité, rien n'a changé sur le terrain.

Quelques semaines plus tôt, j'ai adressé, en ma qualité de maire de Bethléem, une lettre à toutes les missions diplomatiques en Palestine. Je les ai exhortées à entreprendre des mesures urgentes dans le but de freiner la construction de 1 400 logements dans la colonie illégale de Giv'at HaMatos. En effet, en autorisant la construction de ces logements, Israël cherche à relier les colonies situées au nord de Bethléem, ce qui supprimera définitivement toute possibilité de contiguïté territoriale avec Jérusalem. En d'autres termes, cette action étranglera définitivement la ville de Bethléem et éliminera toute chance de contiguïté territoriale pour un futur État palestinien indépendant.

Ainsi, le gouvernement palestinien ne contrôle que 13 % de notre territoire; les Palestiniens n'ont pas le droit de se développer sur le reste du territoire, qui est en revanche propice à l'expansion continue de la colonisation illégale d'Israël. Mais comment peut-on prétendre que cette attitude ne constitue pas une annexion ? La ville qui véhicule un message universel d'espoir et de paix est devenue un symbole de l'apartheid.

Cette évolution coïncide avec une crise économique profonde qui frappe notre ville. Au prix que nous fait payer chaque année l'occupation israélienne, qui nous prive d'accéder aux ressources naturelles et aux frontières internationales, l’une des composantes de base de toute économie, il faut ajouter la pandémie de Covid-19, qui a enrayé le tourisme, étranger et local.

Certes, l'annexion de la plus grande partie des terres de Bethléem relève de ce que l'on appelle le "Plan de paix" proposé par l'administration Trump, qui n’a fait que pérenniser le déni des droits des Palestiniens. Il est certain que l'élection de Joe Biden est perçue comme une opportunité pour de nombreux membres de la communauté internationale. En ce qui concerne la Palestine, la nouvelle administration est tenue de prendre d'urgence des mesures concrètes visant à réparer les dommages causés par l'administration actuelle. Cela implique notamment de déclarer que le plan Trump n'est plus d'actualité.

Le gouvernement palestinien ne contrôle que 13 % de notre territoire; les Palestiniens n'ont pas le droit de se développer sur le reste du territoire, qui est en revanche propice à l'expansion continue de la colonisation illégale d'Israël.

Anton Salman

Par ailleurs, les États-Unis doivent tirer les leçons des expériences passées. En 1997, lorsque Benjamin Netanyahu a autorisé la construction de la colonie illégale de Har Homa (Jabal Abu Ghneim) sur les terres confisquées à Bethléem, Washington a fermement condamné cette décision. Elle a pourtant opposé deux fois son veto aux résolutions que le Conseil de sécurité des Nations unies avait prises à ce sujet. Du fait de cette ambivalence, la colonie illégale compte aujourd'hui plus de 25 000 habitants et sa population ne cesse de croître. Washington ne devrait pas autoriser que GIv'at HaMatos devienne un nouveau Har Homa.

Bethléem est une ville dotée d'un immense potentiel. Cette année, elle devait se voir attribuer le titre de la capitale de la culture arabe. Des événements ont été prévus, notamment la ré-inauguration de la rue historique de l'Étoile après sa restauration. Cette rue, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, qui comprend l'église de la Nativité, elle-même en cours de restauration méticuleuse, qui continue à donner d'excellents résultats. Si ceci est réalisable dans les circonstances actuelles, que pensez-vous que Bethléem deviendrait si elle avait libre accès au reste du monde ? Si elle retrouvait les terres qui ont été annexées aux colonies israéliennes ? Si elle parvenait à exploiter ses ressources en eau ? Si elle pouvait simplement être rattachée à Jérusalem, comme elle l'a été pendant des milliers d'années ?

Bethléem représente un message d'espoir et de résilience que nous transmettons fièrement au monde entier. Cependant, le chemin qui mène à un avenir prospère est long et semé d'embûches : il passe obligatoirement par l’arrêt de la colonisation israélienne illégale de notre terre. L'occupation israélienne, la poursuite de son processus d'annexion et la Covid-19 ont profondément touché notre ville. Nous sommes toutefois conscients de la responsabilité qui nous incombe en tant que garants d'un patrimoine culturel qui ne disparaîtra jamais.

Noël, qui est l'âme de notre ville, est à la fois une fête chrétienne et une célébration nationale en Palestine. Nous poursuivrons donc notre chemin, en espérant et en œuvrant pour un avenir meilleur fondé sur la liberté, la justice et la paix.

 

  • Anton Salman est avocat et maire de la ville de Bethléem

 

Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com