Aux portes de Paris, la spirale sans fin des rixes interquartiers

Des membres du collectif des "Gilets roses", un groupe de mères qui luttent contre la délinquance dans les quartiers, marchent lors d'une maraude dans le quartier des Tarterets, à Corbeil-Essonne, en banlieue parisienne, le 24 novembre 2021. (Photo Julien De Rosa  AFP)
Des membres du collectif des "Gilets roses", un groupe de mères qui luttent contre la délinquance dans les quartiers, marchent lors d'une maraude dans le quartier des Tarterets, à Corbeil-Essonne, en banlieue parisienne, le 24 novembre 2021. (Photo Julien De Rosa AFP)
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Publié le Samedi 02 décembre 2023

Aux portes de Paris, la spirale sans fin des rixes interquartiers

  • Fin mai, Rayane Lemmouchi, dentiste de 25 ans originaire de Toulouse, a été poignardé à mort dans la rue alors qu'il sortait d'un repas de famille aux Lilas
  • Près de 67.000 habitants vivent sur les trois communes du sud-ouest de la Seine-Saint-Denis. Parmi eux, une cinquantaine d'adolescents et jeunes hommes participeraient aux rixes

LES LILAS, France : Quand une rixe mortelle entre adolescents éclate en Seine-Saint-Denis, c'est souvent dans cette minuscule zone. Entre les communes des Lilas, du Pré-Saint-Gervais et de Romainville, le quotidien de jeunes hommes est rythmé par les rivalités interquartiers.

Lundi s'ouvre aux assises des mineurs le procès de huit jeunes hommes accusés d'avoir passé à tabac Yuriy, collégien de 15 ans, dans le XVe arrondissement de Paris en janvier 2021.

Avant et après lui, de nombreux adolescents et jeunes hommes ont été grièvement blessés voire tués dans des contextes de rixes.

Fin mai, Rayane Lemmouchi, dentiste de 25 ans originaire de Toulouse, a été poignardé à mort dans la rue alors qu'il sortait d'un repas de famille aux Lilas.

«Jamais je n'aurais cru qu'une violence pareille existait», témoigne à l'AFP Hassiba Chachoua, sa tante maternelle.

Habitant depuis peu en Seine-Saint-Denis et exerçant dans le cabinet dentaire de sa tante, le jeune homme était étranger aux rivalités interquartiers.

«Non seulement ils l'ont tué, mais ils nous ont détruits à jamais», confie Hassiba Chachoua, dont les deux aînés, qui étaient avec Rayane ce soir-là, n'osent plus sortir dans leur ville, de peur de croiser les meurtriers de leur cousin.

Aucune interpellation n'a encore eu lieu.

«C'est insupportable pour nous de les savoir vivre leur vie, dormir chez leurs parents, travailler, aller à l'école comme si de rien n'était», déclare la dentiste.

Dans ce coin de la Seine-Saint-Denis, la liste de victimes, notamment mineures, ne cesse de s'allonger: Fossary, 16 ans en 2015; Aboubakar, 13 ans en 2018; Kewi, 15 ans en 2019; Ibrahima, 16 ans en 2021...

A chaque drame la même stupeur et pour les acteurs de terrain la même lassitude face à un phénomène complexe à endiguer.

- Couteaux et barres de fer -

«C'est une +guerre des boutons+ mais qui se règle avec des barres de fer, jusqu'au jour où il y en a un qui sort un couteau», analyse une source policière évoquant leur arsenal: barres de fer, couteaux, marteaux, scies pliantes...

Près de 67.000 habitants vivent sur les trois communes du sud-ouest de la Seine-Saint-Denis. Parmi eux, une cinquantaine d'adolescents et jeunes hommes participeraient aux rixes.

«C'est une histoire de collégiens et un peu de lycéens», poursuit la même source. Passé vingt ans, les jeunes tournent plus ou moins la page.

D'un pas pressé, écouteurs aux oreilles, Julien (prénom d'emprunt), 19 ans, remonte l'avenue Lénine qui délimite Romainville et Les Lilas.

Il y croise un groupe, le meneur le prend à partie. «Il a commencé à venir vers moi et m'a dit +tu fais quoi ici?+. J'ai lancé mon Vélib' pour qu'il ne s'approche pas et j'ai couru», raconte le Romainvillois en survêtement noir de la Juventus Turin.

«Ils étaient une dizaine. Si je m'arrêtais d'un coup, il allait sortir un couteau ou me donner des patates avec ses potes. Ils se sentent forts en groupe», assure-t-il.

Sa conscience des rivalités a commencé dès la 6e, lorsqu'il a été menacé dans les vestiaires de son ancien club de sport, aux Lilas. Il n'y a jamais remis les pieds.

- «Toujours sur ses gardes» -

D'après le sociologue Marwan Mohammed, les rixes auraient fait «a minima 120 morts» en France depuis 30 ans.

Au-delà de cette violence ultime, il y a aussi les blessés graves, ceux handicapés à vie, et tous ceux qui adaptent leur vie à cette réalité, relevait-il lors du lancement début octobre de son livre «Y'a embrouille» (éd. Stock essais).

«Ils s'empêchent eux-mêmes de quitter le secteur et de choisir une spécialité ou un métier qui pourrait leur plaire. Ils ne vont pas aller à Aubervilliers parce qu'il faut traverser Le Pré-Saint-Gervais», explique la source policière.

«Les embrouilles font la ville, organisent les déplacements, leur représentation de la ville», abonde Marwan Mohammed. «Le coût invisible de l'embrouille est considérable».

Julien a développé des stratégies lors de ses passages en terrain ennemi. «Je fais attention. Il faut toujours être sur ses gardes, on sait jamais ce qui peut venir par derrière», explique-t-il.

Via une boucle WhatsApp, autorités, éducateurs de rue, élus s'informent dès que des tensions montent pour intervenir.

Certaines descentes restent toutefois imprévisibles. D'où viennent ces rivalités qui façonnent une normalité parallèle ?

«Quand on les confronte pour demander l'origine, ils disent que ça a toujours été comme ça», soupire le gradé de la police, atterré par la «crétinerie» qui mène à la violence.

«Ça part d'une ancienne histoire entre les grands et ça a fini chez les petits», tente Julien, sans en savoir bien plus.

Dans son enquête «A la base c'était lui le gentil» (éd. XXI Bis), le journaliste Ramsès Kefi rapporte différentes rumeurs sur l'embrouille originelle dans ce «triangle des Bermudes»: une histoire de casquette, un match de foot perdu, une séance de cinéma qui a dégénéré...

Depuis, les violences se transmettent de génération en génération.

Pour la tante de Rayane, «on ne peut pas dire +ça existe depuis 50 ans+, on baisse les bras et on assiste aux marches blanches jusqu'à la prochaine victime. C'est le signe même de l'échec des autorités et de la société face à ce phénomène».


En plein réchauffement franco-britannique, Macron et Starmer «main dans la main» sur l'Ukraine

Keir Starmer, 62 ans, et Emmanuel Macron, 47 ans, se sont rapidement alliés pour s'assurer que tout accord mettant fin à ce conflit respecte les intérêts de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe. (AFP)
Keir Starmer, 62 ans, et Emmanuel Macron, 47 ans, se sont rapidement alliés pour s'assurer que tout accord mettant fin à ce conflit respecte les intérêts de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe. (AFP)
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  • Le travailliste Keir Starmer est arrivé en juillet à Downing Street avec la promesse de "réinitialiser" les relations avec ses alliés européens
  • "Avant même d'arriver aux affaires, Keir Starmer a donné la priorité à l'établissement d'une relation solide avec le président Macron", explique une source à Downing Street, sous couvert d'anonymat

LONDRES: Après les tensions des années Brexit, les relations franco-britanniques se sont considérablement réchauffées avec le duo formé par Keir Starmer et Emmanuel Macron, qui oeuvrent à mobiliser les Européens derrière l'Ukraine face au tumultueux retour de Donald Trump à Washington.

Les relations entre les voisins étaient tombées très bas sous les successifs gouvernements conservateurs britanniques, après le vote choc de 2016 signant la sortie du Royaume-Uni de l'UE.

Le travailliste Keir Starmer est arrivé en juillet à Downing Street avec la promesse de "réinitialiser" les relations avec ses alliés européens.

"Avant même d'arriver aux affaires, Keir Starmer a donné la priorité à l'établissement d'une relation solide avec le président Macron", explique une source à Downing Street, sous couvert d'anonymat.

"Il est clair qu'ils entretiennent une relation personnelle chaleureuse et ont des compétences complémentaires", selon cette source. "Il y a un immense respect des deux côtés, qui s'est construit en amont du défi actuel et qui est maintenant inestimable".

Le "défi" en question est apparu au grand jour le mois dernier, quand Donald Trump a sorti Vladimir Poutine de l'isolement diplomatique en ouvrant unilatéralement des négociations avec Moscou pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

Keir Starmer, 62 ans, et Emmanuel Macron, 47 ans, se sont rapidement alliés pour s'assurer que tout accord mettant fin à ce conflit respecte les intérêts de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe.

Intermédiaires

Le duo a réuni des dirigeants européens et d'autres partenaires lors de sommets à Paris puis à Londres. Ils oeuvrent, depuis deux semaines, à la constitution d'une "coalition de (pays) volontaires", disposés à défendre un éventuel cessez-le-feu.

Starmer et Macron se disent prêts à déployer des troupes en Ukraine, avec un soutien des Etats-Unis, pour dissuader Vladimir Poutine de violer un accord de trêve.

Le Premier ministre britannique a encore réuni samedi une trentaine de dirigeants alliés pour préciser leur contribution, militaire ou logistique, lors d'une réunion virtuelle.

"Les équipes travaillent main dans la main", dit la source à Downing Street.

Le Royaume-Uni et la France jouent un important rôle d'intermédiaires entre l'Ukraine et l'administration Trump.

Des conseillers à la sécurité nationale des deux pays, ainsi que celui de l'Allemagne, ont rencontré Andriy Yermak - le chef de cabinet du président ukrainien Volodymyr Zelensky - et son équipe à Varsovie cette semaine.

Des tensions demeurent

Historiquement, les relations entre les deux pays ont connu des hauts et des bas.

Des siècles de conflit se sont achevés avec la signature en 1904 de "L'Entente cordiale", une série d'accords resserrant les liens entre Londres et Paris, qui en ont célébré l'an dernier le 120ème anniversaire.

A l'Elysée, on estime que le contact est immédiatement bien passé entre Macron et Starmer, qui avait été reçu par le président français en septembre 2023 en tant que chef de l'opposition britannique.

Depuis son arrivée à Downing Street, et encore plus avec le retour de Trump à la Maison Blanche, les relations se sont intensifiées. L'entourage d'Emmanuel Macron décrit des échanges permanents entre les deux hommes.

Le temps où, en 2021, le conservateur Boris Johnson, alors Premier ministre, lâchait à Emmanuel Macron "Donnez-moi un break" ("Laissez-moi souffler"), en pleine crise diplomatique, semble loin.

En 2022, Liz Truss, alors candidate pour devenir Première ministre, avait botté en touche quand elle avait été interrogée pour savoir si Macron était un ami ou un rival.

"Les relations entre le Royaume-Uni et la France n'avaient pas été aussi fortes depuis des années", dit à l'AFP Mujtaba Rahman, directeur pour l'Europe au sein du cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group.

"C'est une très bonne chose" pour les deux seules puissances nucléaires européennes, souligne-t-il.

Les relations ne sont toutefois pas dénuées de compétition.

Le président français, qui a voulu devancer le Premier ministre britannique à Washington auprès de Donald Trump, revendique une "bonne relation" avec le milliardaire républicain, fort des liens noués lors de son premier mandat, et estime donc être mieux placé pour lui passer des messages.

A Paris, une certaine méfiance plane toujours à l'égard des Britanniques, jugés encore très dépendants des Etats-Unis et susceptibles de mettre en avant leurs intérêts nationaux auprès de Washington.

Des tensions entre les deux pays demeurent par ailleurs sur le Brexit, notamment sur les droits de pêche. La relation est "beaucoup plus compliquée dans le contexte de l'UE", estime Anand Menon, directeur du groupe de réflexion "UK in a Changing Europe". "Il y a des problèmes persistants".

Pour Patrick Chevallereau, ancien attaché de défense à l'ambassade de France au Royaume-Uni, "il y a un gros progrès" dans la relation, mais "il y a encore une marge de progression".

 


La Grande mosquée de Paris prise dans la brouille diplomatique franco-algérienne

En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie. (AFP)
En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie. (AFP)
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  • En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie
  • Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est annoncé à ce repas de rupture de jeune du ramadan, mais pas Bruno Retailleau, alors que le précédent ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin répondait à l'invitation depuis 2022

PARIS: La brouille diplomatique franco-algérienne place en position inconfortable la Grande mosquée de Paris, attaquée plus ou moins directement sur son lien avec Alger, et qui organise mardi son quatrième "iftar des ambassadeurs".

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est annoncé à ce repas de rupture de jeune du ramadan, mais pas Bruno Retailleau, alors que le précédent ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin répondait à l'invitation depuis 2022.

L'institution doit composer avec d'autres changements, en cette période de ramadan qui voit traditionnellement l'envoi, en renfort temporaire, d'environ 80 "imams psalmodieurs" algériens. Cette année, aucun n'est venu: "le consulat n'a pas reçu de demande de visa" de la part d'Alger, explique une source gouvernementale.

"La situation est compliquée", soupire le recteur de la Grande mosquée Chems-eddine Hafiz.

Pour le sociologue et chercheur au CNRS Franck Frégosi, "la Grande mosquée de Paris fait les frais de la détérioration des relations franco-algériennes".

En janvier, l'institution a été accusée d'avoir organisé, avec l'appui des autorités algériennes, un très rentable système monopolistique de certification halal pour les produits européens destinés à l'Algérie.

Le lien de M. Hafiz avec l'Algérie a aussi été questionné, notamment par l'ancien ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt qui l'a invité début janvier sur CNews à s'occuper "de religion et non de politique", n'étant "pas l'ambassadeur officieux de l'Algérie".

Le recteur, qui a dénoncé des "attaques totalement mensongères", défend son institution. "La Grande mosquée de Paris ne s'est jamais cachée d'avoir une relation (construite) entre l'Algérie et la France. Nous sommes une passerelle vertueuse entre les deux. Ce n'est pas une question d'influence ou de quoi que ce soit", affirmait-il début mars à des journalistes.

Inaugurée en 1926, la Grande moquée bénéficie depuis le début des années 1980 d'un financement annuel de l'Etat algérien d'environ 2 millions d'euros.

L'institution a été montrée du doigt après le refus du recteur de participer à la manifestation contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023, pour ne pas défiler aux côtés du Rassemblement national.

Un "tournant" pour Chems-eddine Hafiz: "avant, j'étais le musulman qu'il fallait fréquenter à tout prix. Après je deviens le pire des antisémites".

"Laxisme" 

La Grande mosquée "avait jusqu'à présent été présentée comme le bon soldat de la République, un peu comme le modèle du bon islam républicain", note Franck Fregosi, auteur d'un récent ouvrage "Gouverner l'islam en France" (Ed. Seuil).

Au point d'apparaître comme l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, après la disgrâce en 2021 du Conseil français du culte musulman (CFCM), représentant de l'islam de France depuis 2003.

En 2022, entre les deux tours de la présidentielle, M. Hafiz avait même organisé un "iftar républicain de soutien à la réélection d’Emmanuel Macron", en présence de l'ancien ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.

"La Grande mosquée de Paris s'est sentie pointée du doigt par un ministère qui avait plutôt été bienveillant à son égard", explique M. Fregosi, en soulignant la stratégie de fermeté de Bruno Retailleau, qui "veut apparaître comme celui qui a réussi ce que les autres n'ont jamais osé faire" sur la structuration de l'islam en France.

La crise diplomatique entre Paris et Alger, née de la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental fin juillet 2024, s'est enflammée autour de l'emprisonnement de l'écrivain Boualem Sansal, arrêté le 16 novembre 2024 à Alger. Dans ce contexte le recteur s'est aussi vu reprocher de ne pas avoir appelé à sa libération.

"Le regarde laxiste qu'on portait sur la Grande mosquée de Paris ne peut plus être le même depuis l'affaire Sansal", estime un bon connaisseur du dossier, qui voit l'institution "prise dans ses ambiguïtés".

La crise a aussi un volet migratoire, et Bruno Retailleau a menacé samedi de démissionner si Paris cédait sur le renvoi de ressortissants algériens en situation irrégulière.

Dans un billet très politique début mars, M. Hafiz avait lui dénoncé les "faiseurs de peurs" qui dans la classe politique et les médias nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne.

 


La France échappe à une dégradation de sa note par Fitch

Cette photo prise le 17 janvier 2012 à Paris montre un gros plan d'une page du site de l'agence de notation Fitch. Le 14 mars 2025, Fitch a maintenu la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie d'une "perspective négative" en octobre. (AFP)
Cette photo prise le 17 janvier 2012 à Paris montre un gros plan d'une page du site de l'agence de notation Fitch. Le 14 mars 2025, Fitch a maintenu la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie d'une "perspective négative" en octobre. (AFP)
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  • L'agence de notation Fitch a maintenu vendredi soir la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie en octobre d'une "perspective négative"
  • La perspective négative attribuée le 11 octobre était une menace d'abaissement de la note qui ne s'est pas concrétisée cette fois

PARIS: L'agence de notation Fitch a maintenu vendredi soir la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie en octobre d'une "perspective négative", le gouvernement se disant aussitôt "déterminé" à poursuivre le redressement des finances publiques.

La perspective négative attribuée le 11 octobre était une menace d'abaissement de la note qui ne s'est pas concrétisée cette fois.

Fitch observe que, malgré son "dérapage budgétaire" de 2024 - le déficit public est passé de 4,4% du PIB en 2023 à 6% du PIB - la France conserve une économie "vaste et diversifiée", avec des "institutions fortes et efficaces".

L'agence de notation relève toutefois que le déficit public reste à un niveau élevé et que sa réduction reste difficile en raison de l'incertitude politique et de l'absence de majorité du gouvernement Bayrou à l'Assemblée nationale.

Le ministère de l’Économie français a immédiatement "pris note" de la décision de Fitch "de confirmer la notation française à AA−, témoignant de la très haute qualité de la signature française, et de maintenir sa perspective négative".

- "Bonne qualité" -

"Le gouvernement, écrit Bercy dans un communiqué, est déterminé à poursuivre la mise en œuvre de sa trajectoire de consolidation des finances publiques initiée par la loi de finances 2025 et à l’inscrire dans la durée. La résorption de nos déficits est une priorité".

La note AA- désigne une dette de "bonne qualité". Un abaissement aurait fait tomber la France en A, "moyenne supérieure", avec le risque de taux d'intérêt sur les marchés plus élevés et d'une charge annuelle de la dette qui finisse par devenir le premier budget de la nation, devant l’Éducation.

Les trois grandes agences, S&P, Fitch et Moody's, classent désormais la France de la même façon, Moody's conservant toutefois une perspective stable.

Fitch prévoit un déficit public à 5,5% du PIB cette année et non 5,4% comme espéré par le gouvernement, et la croissance à 0,6% (0,9% pour le gouvernement).

"Cette baisse s'explique principalement par les risques de montée du protectionnisme international et de ralentissement de la croissance en Allemagne, premier partenaire commercial de la France", explique-t-elle.

Le président américain Donald Trump ne cesse en effet d'agiter des menaces de hausse des tarifs douaniers américains depuis son retour à la Maison Blanche en janvier

- Défense et aéronautique -

Jeudi, il s'est dit prêt à porter à 200% les droits sur les alcools européens si Bruxelles n'abandonnait pas l'idée de taxer à 50% le bourbon. Une nouvelle qui serait "particulièrement inquiétante" pour la France, selon Sylvain Bersinger, chef économiste d'Asterès, car elle est un grand producteur d'alcool.

Fitch considère néanmoins que l'impact de ces points négatifs "est quelque peu atténué par l'augmentation des dépenses de défense européennes, qui bénéficiera au secteur français de la défense et de l'aéronautique".

L'UE va en effet augmenter massivement sa capacité de dissuasion face à la Russie, les visées de la politique étrangère américaine étant devenues plus incertaines depuis janvier.

Fitch remarque aussi que l'incertitude politique en France "a diminué après l'approbation du budget 2025". "Mais la confiance des entreprises et des ménages reste faible", observe-t-elle.

La menace d'une future dégradation est toujours là. Fitch émaille sa note d'observations selon lesquelles la situation financière française est pire que celle de ses pairs classés "AA".

"L’incapacité à mettre en œuvre un plan crédible de consolidation budgétaire à moyen terme, par exemple en raison d’une opposition politique ou de pressions sociales, qui conduirait à une stabilisation de la dette à moyen terme", au lieu d'une baisse, serait un facteur de dégradation, prévient-elle.

La dette représentait 113,7% du PIB à la fin du troisième trimestre. Fitch l'anticipe au-dessus de 120% du PIB fin 2028.