PARIS: Publié il y a quelques semaines aux éditions Gallimard, « Le Faucon » de Gilbert Sinoué, grand romancier franco-libanais né en Égypte, retrace la vie de cheikh Zayed ben Nahyan, émir d’Abou Dhabi.
« Me voici au couchant de ma vie. Je suis né le 6 mai 1918. J’ai quatre-vingt-six ans. Une certitude: j’ai mille ans de souvenirs. En cette heure où le jour décline, assis en tailleur au sommet de cette dune de sable, comme du temps de ma jeunesse au milieu des Bédouins de ma tribu, ces souvenirs, je les vois qui défilent en cortège sur la ligne d’horizon. Je vois des villes qui s’enchevêtrent dans la chevelure du temps. »
Pour revivre et imaginer la vie de celui qui unifia les Émirats arabes unis, Sinoué a passé deux ans à voyager entre Paris et Abou Dhabi.
Ce fascinant roman est l’histoire racontée et rêvée par Zayed ben Nahyan, le petit-fils de Zayed le Grand.
Dans ce récit, Zayed parle à la première personne de sa famille, de ses frères, de sa mère, de ses idées et de ses rêves à la fin de sa vie. Il nous retrace le roman de son accession au pouvoir en succédant à un frère bien aimé, cheikh Chakhbout, qui s’est spontanément, et de son plein gré, écarté pour lui céder le pouvoir afin de moderniser le pays surnommé « le Père de la gazelle ».
Amoureux des faucons, Zayed désirait la modernité mais avec le souci d’une écologie d’avant-garde. Ce bédouin fier de son désert, raconte à 86 ans, au crépuscule de sa vie, ses souvenirs d’une vie exceptionnelle, sa fascination pour les voyages, ses rencontres avec la reine Élizabeth d’Angleterre, ses dîners à Buckingham palace et l’intérêt porté par la reine à son projet de couvrir le désert de grandes surfaces de plantations de palmiers.
Il raconte comment, lors d’une visite officielle, après qu’on lui a fait mention de l’existence de faucons extraordinaires, à 900 kilomètres d’Islamabad, dans une contrée sans aéroport, il insiste pour s’y rendre et part en expédition en Land Rover dans des paysages magnifiques, à la recherche de ces faucons.
Sinoué, à travers les propos de son héros Zayed, nous conte l’amour de ce dernier pour son épouse Fatima, qui lui prodigue de sages et précieux conseils, ainsi que ses souffrances causées par la mort de son frère Hazaa aux États-Unis ou celle de sa mère.
Le Zayed du roman de Sinoué est celui de la vie réelle, un bâtisseur d’une grande générosité. Il a construit des hôpitaux, des écoles, des universités et des avenues grâce à la manne pétrolière d’un pays que son frère Chakhbout n’avait pas réussi à moderniser.
« Le Faucon » de Sinoué est la peinture du destin extraordinaire de Zayed, fondateur des Émirats arabes unis, le roman d’un homme sage amoureux de poésie, de chasse au faucon, de désert, séduit par la modernité, fidèle de l’islam, combattant l’intolérance et le fanatisme.

Le soutien du prince
Au cours de ses voyages exploratoires, sur les traces de Zayed, Sinoué fait la rencontre de l’interprète de cheikh Zayed, resté à ses côtés pendant quarante ans. Il lui donne le nom de Nashibi dans son roman.
Sinoué confie à Arab News que cet interprète, qui veut rester anonyme, fut d'une grande aide car il connaissait parfaitement la vie de cheikh Zayed. Selon Sinoué, le gouvernement des Émirats n’a exercé sur lui aucune pression ni censure. Les archives ont été mises à sa disposition et il a été très soutenu par Ali ben Tamim, qui est à la tête du Centre d’études et de recherches stratégiques des Émirats.
Ce dernier l’a présenté au prince héritier cheikh Mohamed ben Zayed durant un Majlis (terme islamique utilisé pour décrire divers types d'assemblées législatives formelles). Sinoué raconte : « Le prince héritier m'a demandé : « Comment allez-vous faire parler mon père cheikh Zayed ? » Je lui ai répondu : « Je n’écrirai pas ce roman avec ma tête mais avec mon cœur ! » Cheikh Mohamed m’a alors dit : « God bless you ! » Voilà comment l’aventure de ce roman a commencé. Je me suis attaché à la personnalité de cheikh Zayed qui m’a beaucoup fasciné ; il a apporté une aide très importante à de nombreux pays et a fait beaucoup pour l’éducation et le rôle des femmes dans son pays. La chasse au faucon m’a également émerveillé. Je n’avais jamais imaginé ce qu’était l’élevage de faucons ! »
Gilbert Sinoué, de son vrai nom Samir Gilbert Kassab, de nationalité libanaise, est né et a grandi en Égypte, où il a étudié chez les pères jésuites au Caire. Il a deux passions : la musique et la littérature. Il a écrit plusieurs romans dont : « Avicenne ou La Route d’Ispahan », « La Fille du Nil », « Le Dernier Pharaon : Méhémet Ali ».
Sinoué joue de la guitare et a écrit des chansons avec Gabriel Yared quand ils avaient tous deux 20 ans. Il écrit en ce moment un livre sur le Maroc.