Les poissons d'Oman créent des remous dans un port en France

Une photo prise le 22 septembre 2014 montre un bateau de pêche rentrant au port de Lorient, dans l'ouest de la France. (Photo Jean-Sebastien Evrard AFP)
Une photo prise le 22 septembre 2014 montre un bateau de pêche rentrant au port de Lorient, dans l'ouest de la France. (Photo Jean-Sebastien Evrard AFP)
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Publié le Samedi 23 décembre 2023

Les poissons d'Oman créent des remous dans un port en France

  • «C'est un non-sens de faire importer du poisson qui vient du Golfe. Du grand n'importe quoi!», dénonce David Le Quintrec, patron pêcheur lorientais
  • «On sacrifie les pêcheurs lorientais en allant créer une structure qui va les concurrencer. La question, c'est: est-ce qu'on veut encore un port de pêche à Lorient?», cingle Damien Girard, chef de file de la gauche et des écologistes à Lorient

BREST, France : Le deuxième port de pêche français, celui de Lorient, va-t-il importer du poisson d'Oman par avion-cargo ? L’idée, évoquée dans le cadre d’une coopération avec le sultanat, hérisse pêcheurs et écologistes, dans une période sensible pour la pêche française.

«Cette polémique, c'est quand même dommage, car c'est la première fois qu'un port français s'exporte de cette manière-là», regrette Maurice Benoish, président de la SAS Ker'Oman.

Cette société a décroché, dans le cadre d'une co-entreprise, un appel d'offres pour concevoir et gérer le port de Duqm, en mer d'Arabie, au sud du sultanat d'Oman.

Quand le contrat a été décroché fin 2020, la nouvelle a fait peu de bruit. Jusqu'à la venue, cet automne, d'une délégation omanaise au salon Itechmer de Lorient (ouest).

Le maire de Lorient, Fabrice Loher, salue alors «une opportunité (...) pour l'importation de poisson», selon le quotidien Ouest-France.

M. Benoish évoque lui, dans la presse locale, un approvisionnement en poisson frais arrivé en avion-cargo depuis Oman.

«C'était un éventuel financeur qui voulait faire une ligne aérienne pour importer du poisson à Lorient», explique-t-il à l'AFP, tout en assurant que l'importation de poisson n'était pas du tout l'objet du partenariat avec le sultanat.

«Il s'agit d'apporter notre savoir-faire portuaire», détaille-t-il, citant la construction et la réparation navale, la vente de matériel de pêche ou la formation.

«Après, si les mareyeurs le veulent, ils auront un accès à Oman qu'ils n'avaient jamais eu jusqu'à présent. L'avion, c'est un transport normal pour du poisson aujourd'hui», estime-t-il.

Un transport qui alourdit cependant «de 10 fois l'empreinte carbone du poisson», dénoncent les écologistes, qui voient dans le partenariat avec Oman le «symbole d'un développement économique climaticide».

«On sacrifie les pêcheurs lorientais en allant créer une structure qui va les concurrencer. La question, c'est: est-ce qu'on veut encore un port de pêche à Lorient?», cingle Damien Girard, chef de file de la gauche et des écologistes à Lorient.

- «Non-sens»-

Une fois n'est pas coutume, les pêcheurs sont sur la même ligne que les écologistes.

«C'est un non-sens de faire importer du poisson qui vient du Golfe. Du grand n'importe quoi!», dénonce David Le Quintrec, patron pêcheur lorientais.

Les marins sont d'autant plus remontés que le port de Lorient, au rôle moteur dans le partenariat avec Oman, est présidé par Olivier Le Nézet, qui est aussi à la tête du comité des pêches du Morbihan, de Bretagne et du comité national.

«A force d'avoir de multiples casquettes, il en oublie son rôle principal: défendre les pêcheurs français!», fulmine Stéphane Pochic, armateur à Loctudy (ouest).

Des critiques balayées par l'intéressé. «Ce n'est pas Olivier le Nézet qui va faire venir du poisson d'Oman!», lance-t-il, en dénonçant «une tempête dans un verre d'eau».

«On est là pour amener des compétences, point! Le reste c'est de la littérature», assure-t-il. Importer du poisson, «c'est un choix d'entreprise privée. Je ne vais pas décider pour une entreprise de mareyage. S'ils veulent le faire, c'est leur choix», ajoute M. Le Nézet.

Deuxième pour la pêche en France, le port de Lorient importe déjà de grandes quantités de poissons, pour ses mareyeurs et usines de transformation. Le port traite 80.000 à 100.000 tonnes de produits de la mer chaque année, pour seulement 18.109 tonnes de poissons débarqués par les pêcheurs en 2022.

En France, 80% des produits de la mer sont d'ailleurs importés. Mais le transport en avion et le soutien des collectivités à la SAS Ker'Oman (sous formes d'avances remboursables) ont attisé la polémique.

Ce partenariat, «c'est une opportunité très importante pour valoriser les compétences du pays de Lorient dans le domaine de la mer», estime Pascal Le Liboux, vice-président de Lorient Agglomération, en parlant d'une «petite avance remboursable» qui ne coûtera «pas un centime au contribuable».

Parallèlement, «on investit de manière massive dans la modernisation du port pour assurer un avenir à la pêche bretonne», assure l'élu.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.