Plus de 6 000 migrants disparus l'an dernier, selon une ONG, en voulant gagner l'Espagne

Un bateau transportant 156 migrants arrive au port maritime de La Restinga, dans la municipalité d'El Pinar sur l'île canarienne d'El Hierro, le 15 décembre 2023 après leur sauvetage par le navire Salvamar Adhara Salvamento Maritimo (sauvetage en mer) dans les eaux (Photo de STRINGER / AFP).
Un bateau transportant 156 migrants arrive au port maritime de La Restinga, dans la municipalité d'El Pinar sur l'île canarienne d'El Hierro, le 15 décembre 2023 après leur sauvetage par le navire Salvamar Adhara Salvamento Maritimo (sauvetage en mer) dans les eaux (Photo de STRINGER / AFP).
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Publié le Mardi 09 janvier 2024

Plus de 6 000 migrants disparus l'an dernier, selon une ONG, en voulant gagner l'Espagne

  • Les migrants disparus en tentant de gagner l'Espagne sont partis en premier lieu des côtes du Sénégal (3 176), pays confronté à plusieurs épisodes de troubles politiques meurtriers depuis deux ans
  • L'ONG a recensé par ailleurs 611 morts ou disparus l'an dernier sur la route migratoire reliant le Maroc et l'Algérie aux côtes Sud de l'Espagne

MADRID: Au moins 6 618 migrants sont morts ou ont disparu en tentant de rejoindre l'Espagne en 2023, année marquée par un afflux migratoire sans précédent dans l'archipel des Canaries, selon un rapport publié mardi par l'ONG espagnole Caminando Fronteras.

Ce chiffre, qui équivaut à 18 migrants disparus par jour en moyenne, a pratiquement triplé par rapport à celui de 2022 et est "le plus élevé" comptabilisé par l'ONG depuis le début de ses recensements en 2007, a dénoncé devant la presse sa coordinatrice, Helena Maleno.

S'élevant contre ces "chiffres de la honte", Caminando Fronteras a critiqué le fait que les autorités espagnoles ou des pays d'origine de ces migrants privilégient le "contrôle migratoire" au "droit à la vie" de ces personnes recherchant une vie meilleure en Europe et ne donnent pas assez de moyens aux sauveteurs.

A titre de comparaison, un rapport de l'ONG, qui s'appuie sur les appels de détresse des migrants en mer ou de leurs familles, recensait l'an dernier 11 200 migrants morts ou disparus en tentant de rejoindre l'Espagne entre 2018 et 2022, soit six par jour en moyenne sur cette période.

L'Organisation internationale des migrations (OIM), qui s'appuie quant à elle sur des témoignages indirects et des articles de presse, a comptabilisé l'an dernier plus de 1 200 morts ou disparus sur les routes migratoires vers l'Espagne.

Mais cette organisation des Nations Unies souligne toutefois que ses chiffres sont "probablement" une sous-évaluation "considérable" de la réalité étant donné la difficulté à documenter ces naufrages et le fait que la majorité des corps ne sont pas retrouvés.

Partis en premier lieu du Sénégal

Ce bond des drames migratoires intervient alors que le nombre de migrants arrivés clandestinement en Espagne a presque doublé en 2023, à 56 852 personnes, en raison d'un afflux sans précédent dans l'archipel des Canaries, selon des chiffres publiés la semaine dernière par le gouvernement espagnol.

L'immense majorité des disparitions de migrants tentant de rejoindre l'Espagne (6 007 sur le total) est intervenue, selon Caminando Fronteras, sur la route migratoire extrêmement dangereuse entre les côtes du Nord-Ouest de l'Afrique et l'archipel espagnol des Canaries, dans l'océan Atlantique.

Les migrants effectuent cette traversée, l'une des plus mortifères au monde, sur plusieurs centaines de kilomètres et durant plusieurs jours ou semaines sur des embarcations de fortune bondées.

S'ils dérivent trop à l'ouest et manquent les Canaries ou s'ils ne sont pas repérés par les sauveteurs, ils sont condamnés au naufrage ou à mourir de faim, de soif ou d'hypothermie.

Selon l'ONG, les migrants disparus en tentant de gagner l'Espagne sont partis en premier lieu des côtes du Sénégal (3 176), pays confronté à plusieurs épisodes de troubles politiques meurtriers depuis deux ans et qui fait face actuellement à un flot de départs vers les Canaries.

L'ONG a recensé par ailleurs 611 morts ou disparus l'an dernier sur la route migratoire reliant le Maroc et l'Algérie aux côtes Sud de l'Espagne.

Elle a en outre comptabilisé 363 femmes et 384 enfants parmi l'ensemble des victimes de l'an dernier.

27 000 départs évités

L'Espagne compte pour principal partenaire dans sa lutte contre l'immigration illégale le Maroc avec qui il a normalisé ses relations en 2022 au prix d'un revirement controversé sur le dossier sensible du Sahara occidental.

Mais Madrid a également accru sa coopération récemment avec le Sénégal ou la Mauritanie.

Le ministre espagnol de l'Intérieur a d'ailleurs salué jeudi ce travail en commun avec les pays d'Afrique de l'ouest qui a permis, selon lui, "d'éviter le départ de plus de 27 000 migrants" l'an dernier "dont nous avons sauvé les vies".

Selon l'agence européenne Frontex, les migrants arrivés aux Canaries proviennent principalement du Maroc et du Sénégal mais aussi, dans une moindre mesure, de Gambie, Guinée et de Côte d'Ivoire notamment.

L'Espagne n'est souvent qu'une étape pour ces migrants en provenance d’Afrique, dont une bonne partie se dirige ensuite vers d'autres pays européens plus au nord, dont la France.


Dans l'est ukrainien pilonné par les drones, les routes se couvrent de filets

Depuis des mois, Moscou attaque les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV ("First Person view", ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord.  Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs. (AFP)
Depuis des mois, Moscou attaque les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV ("First Person view", ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord. Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs. (AFP)
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  • Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs
  • Si, après trois ans d'invasion meurtrière de l'Ukraine par la Russie, leur utilisation est devenue courante des deux côtés, leur nombre et leur portée ne cessent d'augmenter

DOBROPILLIA: Sur l'autoroute de Dobropillia, dans l'est ukrainien, une voiture gît, un trou béant en guise de moteur, les portières constellées d'éclats: elle vient d'être touchée par un drone russe, à plus de 25 km du front.

Depuis des mois, Moscou attaque les hommes et les véhicules avec de petits drones FPV ("First Person view", ou "vue subjective" en français). Dotés d'une caméra embarquée, ces engins permettent à leurs pilotes de voir les images du terrain en direct comme s'ils étaient à bord.

Ces drones restent identiques à ceux que l'on trouve dans le commerce, mais sont équipés d'explosifs.

Si, après trois ans d'invasion meurtrière de l'Ukraine par la Russie, leur utilisation est devenue courante des deux côtés, leur nombre et leur portée ne cessent d'augmenter.

Pour s'en prémunir, le commandant Denis et son équipe couvrent les routes du Donbass de kilomètres de filets verts, montés sur des poteaux de quatre mètres, donnant à l’ensemble des allures de courts de tennis géants qui s'étend à travers champs.

"Quand un drone heurte le filet, sa course est court-circuitée et il ne peut pas cibler les véhicules", explique, sous un soleil de plomb, le jeune commandant de brigade du génie de 27 ans.

Une protection efficace, selon les soldats ukrainiens, même si les pilotes russes arrivent à pénétrer les filets par des ouvertures et attendent, depuis l'intérieur, le passage de véhicules pour attaquer.

L'armée russe recouvre également ses axes routiers pour abriter les lignes d'approvisionnement proches du front, selon un rapport du ministère russe de la Défense datant d'avril.

Les yeux vers le ciel 

"C'est la guerre des drones", résume Denis. Son équipe et lui sont protégés par des soldats équipés de fusils à pompe chargés d'abattre les FPV, qui ont déjà grièvement blessé plusieurs de ses hommes. "Même les civils ont fini par s'habituer", lâche le commandant.

Sous les filets, une voiture soviétique fonce, un drapeau blanc accroché à l'antenne, dans l'espoir de ne pas être prise pour cible.

Serveuse dans un petit café-supérette à Dobropillia, Olga a fini par prendre d'étonnants réflexes : "Quand je conduis, j'ouvre les vitres pour éviter les éclats de verre si jamais le drone me touche", explique-t-elle à l'AFP avec un naturel déconcertant.

Olga, 45 ans, garde aussi son sac sur le siège à côté d'elle "pour pouvoir sauter rapidement" de la voiture en cas d'attaque.

Derrière son comptoir, la blonde aux yeux bleu électrique écoute les récits de ses clients, victimes des attaques quotidiennes.

"J'ai été poursuivi par un FPV sur 200 mètres", raconte l'un, "il est tombé devant moi", décrit l'autre en faisant des gestes vers le ciel.

Nouvelle tactique 

Le danger ne se limite pas aux routes. Depuis début juillet, l'armée russe a commencé à utiliser ses drones FPV pour frapper la ville de Dobropillia.

Selon les soldats ukrainiens, c'est la première fois qu'une ville aussi éloignée du front est massivement et quotidiennement touchée, révélant de nouvelles tactiques russes.

Pourtant, les rues semblent paisibles, des mères de famille font leurs courses avec leurs enfants. Mais, quand elles n'ont pas les yeux en l'air pour tenter d'apercevoir des drones, elles les gardent rivés au téléphone, pour s'informer sur la messagerie Telegram de la présence de FPV au-dessus de la ville.

Soudain, un sinistre zonzonnement de drone emplit l'atmosphère. Tout le monde se précipite dans les magasins et s'accroupit, les visages déformés par la peur.

La menace passée, une femme sort timidement de son abri, le nez vers le ciel, puis reprend ses sacs de courses laissés au sol et repart comme si de rien n'était. Un spectacle angoissant devenu quotidien.

L'échoppe voisine de celle d'Olga a récemment été touchée par un FPV, laissant sa propriétaire dans le coma. Une atmosphère "effrayante" s'est installé en ville, décrit-elle.

"Maintenant, on sursaute à chaque courant d'air", raconte Olga à l'AFP. "La journée passe, la nuit passe, et on est content de se réveiller, avec encore des bras et des jambes".

Tous en danger 

Malgré les attaques sur les routes, Olga reçoit ce dont elle a besoin pour faire tourner son petit café, les fournisseurs faisant un détour par des chemins plus éloignés du front.

Mais elle ne sait pas pour combien de temps: "tout est en suspens maintenant, nous vivons au jour le jour", dit-elle.

Chaque jour, les victimes  affluent dans le petit hôpital de la ville. Selon son directeur, Vadym Babkov, les FPV "n'épargnent ni les travailleurs médicaux ni les civils".

Comme les routes "ne sont pas encore couvertes à 100 %" par les filets, les ambulances doivent prendre des détours de plusieurs kilomètres, diminuant l'espoir de survie des patients, explique l'homme de 60 ans.

"Maintenant, nous sommes tous en danger", conclut Vadym, sombre.


Inde: les pilotes rejettent les premières conclusions sur l'accident du vol 171 d'Air India

Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad.  Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts. (AFP)
Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad. Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts. (AFP)
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  • L'enregistreur des conversations du cockpit a indiqué que l'un des pilotes avait demandé à l'autre "pourquoi il a coupé l'alimentation en carburant" et que ce dernier avait répondu "qu'il ne l'a pas fait", a toutefois précisé l'AAIB
  • Les enquêteurs n'ont pas publié la retranscription exacte de leur dialogue

NEW DELHI: Deux associations de pilotes de ligne indiens ont vivement rejeté les résultats préliminaires de l'enquête sur l'accident du Boeing 787 d'Air India le 12 juin dans le nord-est de l'Inde, qui suggèrent la possibilité d'une erreur humaine.

Dans un premier rapport publié samedi, le Bureau indien d'enquête sur les accidents aériens (AAIB) a révélé que l'alimentation en kérosène des deux réacteurs de l'avion avait été interrompue juste après son décollage d'Ahmedabad.

Cette coupure des interrupteurs a causé une brusque perte de puissance des deux moteurs de l'avion, qui est tombé sur des bâtiments proches de l'aéroport en causant 260 morts.

Le document de l'AAIB ne tire pour l'heure aucune conclusion ni ne pointe aucune responsabilité .

L'enregistreur des conversations du cockpit a indiqué que l'un des pilotes avait demandé à l'autre "pourquoi il a coupé l'alimentation en carburant" et que ce dernier avait répondu "qu'il ne l'a pas fait", a toutefois précisé l'AAIB.

Les enquêteurs n'ont pas publié la retranscription exacte de leur dialogue.

"Nous avons le sentiment que l'enquête suit une piste qui présume la responsabilité des pilotes et nous nous y opposons fermement", a réagi l'Association des pilotes de ligne indiens (ALPA).

L'ALPA, qui revendique 800 membres, a regretté le "secret" qui entoure l'enquête et regretté de ne pas y être associée en tant qu'"observatrice".

Une autre organisation, l'Association des pilotes commerciaux indiens (ICPA), s'est pour sa part déclarée "très perturbée par ces spéculations (...) notamment celles qui insinuent de façon infondée l'idée du suicide d'un pilote".

"Une telle hypothèse n'a aucune base en l'état actuel de l'enquête", a poursuivi l'ICPA en réaction aux propos d'experts suggérant que la catastrophe pourrait être le fruit du suicide d'un pilote.

La catastrophe aérienne, la plus meurtrière depuis 2014 dans le monde, a causé la mort de 241 passagers et membres d'équipage du Boeing 787, ainsi que 19 autres personnes au sol.

Un passager a miraculeusement survécu.

 


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.