La Turquie commémore le séisme du 6 février 2023, pire catastrophe de son histoire moderne

Vue des maisons de type conteneur abritant les victimes du tremblement de terre de février 2023, à Antakya, dans la province de Hatay, le 12 janvier 2024. Le double tremblement de terre, survenu au milieu de la nuit du 6 février 2023, a tué plus de 50 000 personnes et effacé des pans entiers de villes dans le sud-est de la Turquie. (Photo Ozan Kose AFP)
Vue des maisons de type conteneur abritant les victimes du tremblement de terre de février 2023, à Antakya, dans la province de Hatay, le 12 janvier 2024. Le double tremblement de terre, survenu au milieu de la nuit du 6 février 2023, a tué plus de 50 000 personnes et effacé des pans entiers de villes dans le sud-est de la Turquie. (Photo Ozan Kose AFP)
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Publié le Dimanche 04 février 2024

La Turquie commémore le séisme du 6 février 2023, pire catastrophe de son histoire moderne

  • C'est surtout le sentiment d'avoir été abandonnés par l'Etat qui continue de hanter les proches des victimes qui ont dénoncé le retard des secours, arrivés jusqu'à trois jours plus tard sur les lieux avec des engins de levage
  • Mardi matin pour le jour anniversaire, à 04H17, l'heure du séisme, les rescapés d'Hatay regroupés au sein d'une «Plateforme du 6 février» hurleront ensemble, comme ils l'ont fait cette nuit-là: «Est-ce que quelqu'un nous entend?»

ISTANBUL : La Turquie commémore jusqu'à mardi le séisme du 6 février 2023, la pire catastrophe de son histoire moderne qui a fait plus de 53.000 morts dans le sud-est du pays.

En soixante-cinq secondes, 53.537 vies (selon le dernier bilan des autorités publié vendredi) ont été englouties dans les ruines de leur quotidien, avalées par les amas de béton de leurs logements effondrés sur eux-mêmes et leurs habitants.

Ajoutés aux 6.000 décès enregistrés dans la Syrie voisine, le bilan du désastre s'élève à près de 60.000 morts, ce qui le classe parmi les 10 plus meurtriers des 100 dernières années - le président turc Recep Tayyip Erdogan avait parlé de «la catastrophe du siècle».

Onze provinces parmi les plus pauvres de Turquie ont été touchées, 14 millions de Turcs affectés, et nombre d'entre eux sont toujours sous le choc.

«Ca fait un an, mais ça ne nous quitte pas», confie Cagla Demirel, 31 ans, abritée dans l'une des villes-conteneurs installées à Antakya, l'ancienne Antioche détruite à 90%, dans la province d'Hatay frontalière de la Syrie.

«La vie a perdu tout intérêt», ajoute-t-elle. «Je n'ai plus de famille à visiter, plus de porte à laquelle frapper, plus d'endroit agréable où vivre. Plus rien.»

Au total, plus de 100.000 bâtiments sont tombés, 2,3 millions sont altérés et 700.000 personnes vivent dans des conteneurs.

- «Est-ce que quelqu'un nous entend?» -

«Quand j'entre dans ma maison, je tremble. On survit, mais on a du mal à tenir le coup», résume Kadir Yeniceli, un retraité de 70 ans à Kahramanmaras, à 50 km de l'épicentre.

Mais c'est surtout le sentiment d'avoir été abandonnés par l'Etat qui continue de hanter les proches des victimes qui ont dénoncé le retard des secours, arrivés jusqu'à trois jours plus tard sur les lieux avec des engins de levage.

Mardi matin pour le jour anniversaire, à 04H17, l'heure du séisme qui a cueilli les victimes en plein sommeil, les rescapés d'Hatay regroupés au sein d'une «Plateforme du 6 février» prévoient de se rassembler pour hurler ensemble, comme ils l'ont fait cette nuit-là: «Est-ce que quelqu'un nous entend?»

Rapidement, le président Erdogan, alors en campagne pour sa réélection, avait promis 650.000 nouveaux logements dans l'année.

Onze mois plus tard, selon le ministère de l'Environnement et de l'Urbanisation, la construction de la moitié d'entre eux a été lancée, dont 46.000 sont prêts à être livrés.

Samedi, le chef de l'Etat a remis à Hatay les clés des 7.000 premiers à des familles tirées au sort.

«L'objectif est de livrer 15.000 à 20.000 logements par mois» a-t-il promis. «Il nous est impossible de ramener les vies perdues mais nous pouvons compenser vos autres pertes», a-t-il lancé devant un parterre de notables et de rescapés.

Le chef de l'Etat, qui a aussi inauguré un hôpital de 200 lits à Iskenderum, sur la côte d'Hatay, a appelé ses concitoyens à «faire confiance à l'Etat et à (lui) faire confiance».

Dimanche il se rendra à Gaziantep et mardi à Kahranmanras, un fief de son parti AKP qui a massivement voté pour sa réélection en mai dernier.

Fatih n'est sans doute pas de ceux-là. Il préfère taire son identité: «Est ce qu'il y a eu le moindre progrès en un an? Non. Ils démolissent, récupèrent les métaux, se débarrassent des ruines n'importe où et disparaissent», accuse cet ouvrier du textile de 37 ans, qui a perdu son emploi.

- Au prix fort -

«Pourquoi la municipalité ne fait rien? Personne ne s'occupe de nous», accuse-t-il.

Malgré le risque sismique élevé, la Turquie a payé au prix fort la piètre qualité des constructions et la cupidité des promoteurs coupables d'avoir construit n'importe où, à moindre coût, des résidences qui se sont effondrées en quelques secondes, comme la cité Ebrar, à Kahramanmaras (1.400 morts), ou la luxueuse résidence Rönesans à Antakya, qui s'est couchée sur ses centaines d'habitants.

Or à ce jour, les rares poursuites engagées - une poignée de procès ouverts - épargnent les responsables et les politiques qui ont délivré des permis de construire à tout-va.

Pire, selon des experts interrogés par l'AFP, la Turquie n'est pas mieux préparée aujourd'hui à faire face à un nouveau séisme, malgré les risques élevés dans ce pays assis sur deux failles majeures.

«Il faudrait aller bien au-delà de quelques mesures pansements, entreprendre une refonte complète de la gestion des catastrophes», estime Mikdat Kadioglu, spécialiste de la gestion des risques au département d'ingénierie de l'Université technique d'Istanbul (ITU). «Même si les règles antisismiques étaient désormais respectées, sans étude des sols ou construits sur des terrains inappropriés, tels que le lit de rivières, les bâtiments continueront de s'effondrer».


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.