Crues: le Pas-de-Calais face à l'indispensable adaptation au changement climatique

Cette photo aérienne montre une partie de la mairie d'Arques inondée, dans le nord de la France, le 4 janvier 2024, suite à la crue de l'Aa. (AFP).
Cette photo aérienne montre une partie de la mairie d'Arques inondée, dans le nord de la France, le 4 janvier 2024, suite à la crue de l'Aa. (AFP).
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Publié le Lundi 05 février 2024

Crues: le Pas-de-Calais face à l'indispensable adaptation au changement climatique

  • Ce triangle de 1.000 km2 entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer, presque entièrement situé sous le niveau de la mer à marée haute, est néanmoins très peuplé
  • Pour le delta de l'Aa, également exposé à l'élévation du niveau marin, le scénario catastrophe cumule fortes précipitations et tempête en mer

LILLE: Dans le Pas-de-Calais, deux mois de crues éprouvantes ont accéléré la réflexion sur la nécessaire adaptation face au changement climatique, notamment dans le delta de l'Aa, vaste polder drainé depuis dix siècles, l'une des zones françaises les plus vulnérables à ce changement.

Ce triangle de 1.000 km2 entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer, presque entièrement situé sous le niveau de la mer à marée haute, est néanmoins très peuplé: 450.000 habitants, une population qui doit encore croître d'ici 2050.

Des pluies inédites sont tombées en novembre, près de trois fois la normale, entraînant trois semaines de crues, puis de nouvelles inondations en janvier lorsqu'il s'est remis à pleuvoir sur un sol saturé.

Ce type d'épisode record "va être de moins en moins exceptionnel dans les années à venir", prévient Simon Mittelberger, climatologue chez Météo France.

"Le nord de la France métropolitaine est l'un des territoires les plus vulnérables aux pluies extrêmes", indique même le chercheur en sciences du climat Davide Faranda.

Raz-de-marée

Pour le delta de l'Aa, également exposé à l'élévation du niveau marin, le scénario catastrophe cumule fortes précipitations et tempête en mer.

Cette zone est parcourue de 1.500 km de canaux et wateringues, mot flamand signifiant "cercles d'eau", qui sont chargés d'évacuer l'excédent d'eau vers la mer à marée basse, auxquels s'ajoute une centaine de stations de pompage.

"On a pompé 305 millions de m3 en trois mois, d'habitude c'est 100 millions en un an", constate Bertrand Ringot, président de l'institution des wateringues.

Autrefois recouvert par la mer, ce territoire devient pendant l'Antiquité un marécage ponctué de cités lacustres, décrit le site internet de l'institution des wateringues.

Après des premières tentatives d'assèchement, au XIIe siècle, les comtes de Flandres drainent toute la plaine maritime et organisent la gestion de l'eau, confiant chaque tronçon de wateringue à un abbé.

Mais lors d'un raz-de-marée en 1570, la mer entre jusqu'à Saint-Omer et cause des milliers de morts.

Equilibre fragile

"Le marais audomarois existe parce que l'homme a développé un équilibre avec la nature. Moines puis maraîchers ont créé ce marais cultivé", souligne le maire de Saint-Omer, François Decoster, chargé en novembre d'une mission sur la prévention des inondations.

Mais la croissance démographique et l'urbanisation fragilisent cet équilibre.

Historien du climat, Emmanuel Garnier cite Blendecques, une des communes les plus touchées par les dernières crues, en exemple. Si vers 1850 l'habitat y était groupé en hauteur autour de l'église, il s'est ensuite étendu dans le lit d'inondation de l'Aa.

Des quartiers entiers y ont été inondés de façon récurrente entre novembre et janvier, lors de crues qui ont fait au moins 640 millions d'euros de dégâts dans les Hauts-de-France.

Dans le bassin de l'Aa, mais aussi de la Canche, la Lys ou la Liane, quelques 6.500 habitations ont été sinistrées en novembre et 2.800 en janvier. Près de 300 demandes de relogement temporaires ont été déposées.

Modernisation des wateringues, augmentation des capacités de pompage, plantation de haies, abandon des maisons trop exposées... Les pistes d'adaptation sont multiples et touchent autant l'urbanisme ou l'agriculture que l'entretien des cours d'eau.

"On est face à des montagnes d'investissements, donc la question est +quelle solidarité nationale vis-à-vis du polder ?+", interroge Bertrand Ringot. "Cela ne peut pas reposer que sur des investissements des collectivités concernées".

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a prévenu que certains territoires ne pourraient sans doute plus être habités. Le délai pour le curage des cours d'eau va être réduit.

Mais il faut également "raisonner sur l'infiltration des eaux pluviales" ou "la récupération des eaux de pluies", prévient M. Ringot.

Dans les prochains mois, deux rapports doivent être remis à Matignon, identifiant les zones où l'artificialisation des sols devra être limitée, et les zones d'expansion des crues repensées -- des choix lourds de conséquences pour l'économie locale.

Le chantier de la gouvernance de l'eau est aussi ouvert, avec la possible création d'un Etablissement public de bassin pour fédérer tous les acteurs.

Actuellement, les sections de wateringues, associations forcées de propriétaires, ont la charge de l'entretien d'une partie importante du réseau.

"Il ne faut pas perdre la compétence et la présence de terrain et en même temps (...) il faut donner une cohérence d'ensemble", prévient M. Decoster.


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.


Accord UE-Mercosur: semaines décisives à Bruxelles, la France risque l'isolement

Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
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  • La Commission européenne vise à obtenir le feu vert des États membres pour l’accord commercial UE-Mercosur d’ici le 20 décembre, malgré l’opposition française et des agriculteurs inquiets
  • La ratification finale dépendra du Parlement européen, où le vote pourrait être serré, avec une opposition notable de l’extrême gauche, de l’extrême droite et de nombreux députés français et polonais

BRUXELLES: La Commission européenne veut agir vite. Elle se donne jusqu'au 20 décembre pour obtenir le feu vert des États européens sur l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, que la France aura du mal à bloquer.

Le vote des Vingt-Sept, à la majorité qualifiée, pourrait même intervenir début décembre, selon une source au sein de la Commission.

Les agriculteurs européens sont toujours vent debout contre cet accord qu'ils jugent "inacceptable" et voient comme une menace directe pour des filières comme la viande et le sucre.

Mais Bruxelles estime avoir fait ce qu'il fallait pour les rassurer et... amadouer Paris.

La Commission a annoncé en septembre des mesures de sauvegarde renforcées pour les produits agricoles les plus sensibles, promettant une intervention en cas de déstabilisation du marché.

Les diplomates des pays européens devraient d'ailleurs approuver cette clause de sauvegarde ce mercredi.

Elle "sera efficace pour résoudre les problèmes", martèle le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen.

Ce Luxembourgeois insiste au passage sur les "opportunités" que représente ce traité de libre-échange avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay pour les exportations européennes de vins et de produits laitiers. "Nous avons besoin d'exporter", a-t-il souligné après une réunion avec les ministres de l'Agriculture lundi.

Ce rendez-vous à Bruxelles a permis à chacun de réaffirmer ses positions.

Dans le camp des thuriféraires de l'accord, l'Allemagne et l'Espagne appellent à soutenir les exportateurs européens, notamment industriels, au moment où l'UE souffre sur le plan économique.

Ils jugent indispensables de diversifier les partenariats commerciaux depuis l'imposition de taxes douanières dans les États-Unis de Donald Trump.

"Je pense que l'accord avec le Mercosur progresse et qu'il sera ratifié. Nous espérons qu'il pourra entrer en vigueur au début de l'année prochaine", a déclaré le ministre espagnol Luis Planas.

La valse-hésitation des Français commence d'ailleurs à irriter à Bruxelles.

"Plutôt positif" lors d'un déplacement au Brésil, le président Emmanuel Macron avait semblé faire un pas en avant en faveur de l'accord, avant de rétropédaler après le tollé provoqué par ses propos parmi les agriculteurs français comme dans la classe politique.

Depuis, Paris assure que ce traité n'est toujours pas acceptable en l'état et fixe ses conditions.

- Un Parlement européen divisé -

La France voudrait des "mesures miroirs" pour que tous les pesticides interdits dans l'Union européenne "soient véritablement interdits dans les productions issues des pays du Mercosur", a dit la ministre Annie Genevard.

Paris réclame aussi des contrôles plus efficaces pour garantir que les produits importés respectent les normes européennes.

Dans un exercice d'équilibriste, le Premier ministre Sébastien Lecornu a répété l'opposition de la France à l'accord, mais "il ne faut pas qu’on se mente entre nous. Il y a bien des filières françaises qui vont bénéficier du Mercosur. On ne les entend pas beaucoup pour être honnête", a-t-il relevé lundi.

La France semble avoir compris qu'elle aurait du mal à bâtir une coalition suffisamment large pour s'opposer à l'accord, l'Italie penchant plutôt en faveur du traité désormais.

En attendant, Paris multiplie les échanges avec Bruxelles afin d'obtenir des concessions.

Les Français espèrent un geste sur les "limites maximales de résidus" (LMR) de pesticides autorisés, via un texte sur la sécurité alimentaire que doit présenter la Commission mi-décembre.

Sur l'accord en tant que tel, Bruxelles n'a pas l'intention de modifier sa copie en dépit des critiques. Tout juste est-il évoqué d'éventuelles communications ou échanges de lettres pour rassurer une dernière fois les récalcitrants comme la Pologne et la Hongrie.

L'Union européenne vise un feu vert des pays européens avant le sommet du Mercosur du 20 décembre au Brésil.

Mais la ratification devra ensuite passer par un vote du Parlement européen, où la partie pourrait s'avérer serrée.

"Ca ne va pas être facile. L'extrême gauche et l'extrême droite voteront" contre l'accord et dans les autres camps, "tous les Français et la plupart des Polonais" seront contre également, indique une source parlementaire, qui compte 300 opposants potentiels sur un total de 720 élus.

Environ 150 eurodéputés ont déjà appelé le Parlement à se tourner vers la Cour de justice de l'Union européenne pour contester ce traité. Un vote sur ce point pourrait avoir lieu en plénière dans les semaines qui viennent.