En Italie, un drame de la 2e guerre mondiale devenu enjeu politique

Le monument «Toutes les cibles potentielles» de l'artiste romain Emilio Leofreddi dédié aux victimes du fascisme, alors que des manifestants participent à une marche pour marquer le 78e Jour de la Libération, près de la pyramide Cestia de Rome, à Rome, le 25 avril 2023. (AFP)
Le monument «Toutes les cibles potentielles» de l'artiste romain Emilio Leofreddi dédié aux victimes du fascisme, alors que des manifestants participent à une marche pour marquer le 78e Jour de la Libération, près de la pyramide Cestia de Rome, à Rome, le 25 avril 2023. (AFP)
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Publié le Vendredi 09 février 2024

En Italie, un drame de la 2e guerre mondiale devenu enjeu politique

  • Une loi de 2004 a institué une journée annuelle du Souvenir le 10 février, dont la 20ème édition est marquée par des commémorations destinées à perpétuer la mémoire de cet épisode
  • C'est une occasion pour «rendre hommage et se souvenir de ceux qui sont morts des mains de communistes partisans de Tito», a estimé le président du Sénat

ROME: Longtemps occultés, l'exécution sommaire d'Italiens et l'exil massif d'italophones fuyant des territoires passés sous souveraineté yougoslave après la Seconde Guerre mondiale constituent aujourd'hui un enjeu de mémoire nationale, non sans arrière-pensées politiques et au prix d'arrangements avec la vérité historique.

Une loi de 2004 a institué une journée annuelle du Souvenir le 10 février, dont la 20ème édition samedi est marquée par des commémorations destinées à perpétuer la mémoire de cet épisode encore méconnu à l'étranger.

C'est une occasion pour "rendre hommage et se souvenir de ceux qui sont morts des mains de communistes partisans de Tito", chef des partisans yougoslaves, a estimé mercredi le président du Sénat Ignazio La Russa, cofondateur du parti post-fasciste Fratelli d'Italia avec la Première ministre Giorgia Meloni, dhttps://arab.news/9rhg7ont le gouvernement a annoncé la semaine dernière la création d'un musée dédié à ces événements.

Un discours loin d'être innocent dans la bouche de ce collectionneur notoire de bustes de Mussolini, alors que la plupart des victimes de ces exécutions, parfois jetées encore vivantes dans des fosses ("foibe" en italien), étaient des militaires et fonctionnaires du fascisme, tués vers la fin de la Guerre lors de deux épisodes.

Le premier en 1943 est "la conséquence des violences commises par les fascistes italiens contre les minorités slovène et croate qui, après la capitulation de l'Italie, se vengent des violences subies, pas contre tous les Italiens mais contre les Italiens représentant l'Etat fasciste", explique Eric Gobetti, historien auteur d'un livre de référence sur le sujet ("E allora le foibe?", éd. Laterza, 2020, non traduit), dans un entretien avec l'AFP.

Le second en 1945 correspond à "un règlement de comptes à la fin de la guerre des partisans yougoslaves qui ont libéré ces territoires en combattant ceux qui ont combattu aux côtés des nazis, comme cela s'est produit en France et dans tant d'autres pays qui ont été libérés".

"Les victimes sont donc essentiellement des collaborateurs des Allemands", souligne-t-il en s'appuyant sur "les résultats de la recherche historique".

Une précision nécessaire alors que deux récits se font concurrence: celui inscrit dans la loi instituant le jour du Souvenir et présentant les Italiens exclusivement comme des victimes des partisans de Tito, contre celui des historiens présentant une version plus contextualisée rappelant les exactions du fascisme contre les minorités avec une politique d'assimilation et d'italianisation forcée.

Cette bataille concerne aussi les chiffres: au total, "on peut parler au maximum de 5.000 victimes, tout chiffre supérieur est complètement inventé", selon Eric Gobetti. La Federesuli, association représentant les exilés, revendique en revanche entre 6.000 et 10.000 morts.

«Version antihistorique»

Mêmes dissonances concernant l'exode déclenché par le déplacement des frontières qui font perdre à l'Italie des territoires du nord-est acquis à la fin de la Grande Guerre, similaire à ceux advenus en Pologne ou en Allemagne: pour les historiens comme Eric Gobetti, les exilés furent environ 250.000, pour Federesuli 350.000.

"90% de la communauté italienne autochtone émigra en raison du climat de violence inspiré par le régime communiste yougoslave de Tito", se retrouvant "déracinée dans des camps de réfugiés créés en Italie pour les accueillir", rappelle Lorenzo Salimbeni, porte-parole de Federesuli.

Selon Eric Gobetti, l'enjeu est important pour "les politiciens nostalgiques du fascisme, (qui) ont toujours instrumentalisé cet épisode pour se présenter comme des victimes de la Seconde Guerre mondiale et non comme des bourreaux, alors que les fascistes ont de fait contribué à déclencher la guerre et sont responsables de son flot de violences".

Le problème est que cette version révisionniste est reprise dans la loi de 2004. "C'est une version antihistorique, mais c'est celle qui prévaut aujourd'hui", déplore Eric Gobetti.

Dans ce contexte, "quiconque rappelle les faits historiques est considéré comme un négationniste" de ces événements, que certains politiciens n'hésitent pas à appeler "notre Shoah".

L'historien juge à ce propos "frappant" que juridiquement la journée du Souvenir ait "la même valeur que le jour de la Shoah".

Cette réécriture de l'Histoire n'a pas manqué de hérisser les Etats issus de l'ex-Yougoslavie : en 2019, la Slovénie avait ainsi dénoncé le "révisionnisme" italien après qu'Antonio Tajani, alors président du parlement européen, eut évoqué "des milliers de victimes innocentes tuées parce qu'elles étaient italiennes". "Le fascisme était un fait et son objectif était de détruire le peuple slovène", avait répliqué le Premier ministre Marjan Sarec.


Tentative d'assassinat du Premier ministre slovaque, «entre la vie et la mort»

Cette image extraite d'une séquence vidéo obtenue par l'AFPTV montre des agents de sécurité transportant le Premier ministre slovaque Robert Fico vers un véhicule après qu'il ait été abattu à Handlova le 15 mai 2024. (Photo, AFP)
Cette image extraite d'une séquence vidéo obtenue par l'AFPTV montre des agents de sécurité transportant le Premier ministre slovaque Robert Fico vers un véhicule après qu'il ait été abattu à Handlova le 15 mai 2024. (Photo, AFP)
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  • Robert Fico, âgé de 59 ans, devait subir une « intervention urgente » après avoir été acheminé par hélicoptère à Banska Bystrica
  • Selon sa page officielle Facebook, M. Fico a été touché par balle «plusieurs »

BRATISLAVA: Le Premier ministre slovaque Robert Fico se trouve "entre la vie et la mort" après avoir été blessé par plusieurs balles mercredi après une réunion de cabinet, a indiqué le gouvernement de ce pays d'Europe centrale.

Robert Fico, âgé de 59 ans, devait subir une "intervention urgente" après avoir été acheminé par hélicoptère à Banska Bystrica, une ville du centre de la Slovaquie, a précisé le gouvernement dans un communiqué.

Selon sa page officielle Facebook, M. Fico a été touché par balle "plusieurs fois".

"La police a arrêté l'assaillant et donnera davantage d'informations le plus vite possible", a en outre annoncé dans un communiqué la présidente sortante de la Slovaquie, Zuzana Caputova, qualifiant l'agression de son opposant politique d'"attaque contre la démocratie".

La télévision slovaque a diffusé des images d'un homme en jeans menotté au sol.

L'attaque est intervenue après une réunion de cabinet à Handlova, dans le centre de la Slovaquie, selon le journal Dennik N, dont un reporter a entendu plusieurs coups de feu et vu le chef de gouvernement emmené précipitamment dans une voiture par des gardes du corps.

"Aujourd'hui, après une réunion gouvernementale à Handlova, il y a eu une tentative d'assassinat sur le Premier ministre", a confirmé le gouvernement.

M. Fico avait tout d'abord été transporté à l'hôpital de Handlova, dans "l'unité de chirurgie vasculaire", a indiqué à l'AFP la directrice de l'établissement, Marta Eckhardtova, qui n'a pas donné de précisions sur la nature de ses blessures.

Un ex-communiste pro-Poutine

Après être revenu au pouvoir comme Premier ministre en octobre dernier, Robert Fico a mis en doute la souveraineté de l'Ukraine et fait cesser toute aide militaire au pays.

Cet ancien membre du parti communiste, qui a fondé sa propre formation et rejette les étiquettes de "populiste" et de "démagogue", s'est opposé aux sanctions contre la Russie.

En avril, il a néanmoins opéré un changement de ton face à la guerre en Ukraine, prônant une solution pacifique qui respecte "l'intégrité territoriale" de ce pays.

Son allié au gouvernement, Peter Pellegrini, a remporté le mois dernier la présidentielle devançant largement un diplomate pro-européen, en faisant de la guerre en Ukraine un élément clés de la campagne dans ce pays de 5,4 millions d'habitants membre de l'Union européenne et de l'Otan.

Sa coalition gouvernementale a notamment adopté un projet de loi controversé sur la radio et la télévision publiques RTVS que le pouvoir en place accuse de manquer d'objectivité

Vive émotion en Europe

Les dirigeants des institutions de l'Union européenne ont vivement réagi à la nouvelle.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déploré "l'attaque ignoble" contre le Premier ministre slovaque, jugeant que "de tels actes de violence n'ont pas leur place dans notre société et sapent la démocratie, notre bien commun le plus précieux".

"Rien ne peut jamais justifier la violence ni de telles attaques", a souligné le président du Conseil européen Charles Michel, tandis que le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg s'est déclaré "consterné".

En Hongrie, frontalière avec la Slovaquie, le Premier ministre Viktor Orban s'est dit "profondément choqué par l'attentat odieux perpétré contre mon ami, le Premier ministre Robert Fico".

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé l'attaque "épouvantable" contre le Premier ministre slovaque. Et le président russe Vladimir Poutine a parlé d'un "crime odieux", en décrivant Robert Fico "comme un homme courageux et déterminé".

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est pour sa part dit "bouleversé par le lâche attentat" car "la violence ne peut avoir sa place dans la politique européenne".

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a exprimé "la plus ferme condamnation de toute forme de violence et d'attaque aux principes de base de la démocratie et de la liberté". Et le Premier ministre britannique Rishi Sunak s'est dit "choqué d'apprendre cette nouvellle épouvantable".

 

 


Un feu de forêt menace une ville pétrolière de l'ouest du Canada, nouvelles évacuations

Située en Alberta (ouest), cette ville de 70.000 habitants est doublement connue car elle est le centre de la production de pétrole du Canada  (Photo, AFP).
Située en Alberta (ouest), cette ville de 70.000 habitants est doublement connue car elle est le centre de la production de pétrole du Canada (Photo, AFP).
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  • Tous les regards sont néanmoins tournés vers la région car le risque est grand à cause des installations pétrolières
  • Le Canada possède 10% des réserves mondiales d'or noir, dont une très grande partie se trouve dans les sables bitumineux

FORT-MCMURRAY: Nouvelle alerte au Canada: des milliers d'habitants ont reçu l'ordre mardi d'évacuer en raison de l'approche d'un feu de forêt à proximité de Fort McMurray, le plus gros complexe de sables bitumineux du pays.

Située en Alberta (ouest), cette ville de 70.000 habitants est doublement connue car elle est le centre de la production de pétrole du Canada et aussi le symbole de la plus grosse catastrophe de l'histoire du pays, en termes de destruction, après avoir été partiellement ravagée par les flammes en 2016.

"Nous observons un comportement extrême du feu" qui "est poussé vers la ville par le vent", a déclaré Josée St-Onge, porte-parole des pompiers de l'Alberta, lors d'une conférence de presse.

"La fumée réduit la visibilité et il est difficile de déterminer les distances exactes", a-t-elle complété, précisant que les "pompiers avaient été retirés de la première ligne pour des raisons de sécurité" face à un feu trop intense.

Cet incendie, qui a déjà consumé 9.600 hectares de forêt, se trouve à maintenant seulement 13 kilomètres de la ville. Tous les quartiers sud (Prairie Creek, Abasand, Grayling Terrace et Beacon Hill) ont donc reçu un ordre d'évacuation en milieu de journée mardi.

Mardi en fin d'après-midi sous un ciel obscurci par la fumée des feux de forêt, d'immenses files de voitures se pressaient sur l'autoroute pour quitter la zone. De nombreux habitants sont encore traumatisés par le chaos qui a entouré l'évacuation en 2016 des 90.000 habitants par l'unique route d'accès de la ville entourée de forêt.

"Je suis très angoissée car en 2016 mon appartement a brûlé donc je revis tout cela", raconte Ashley Russell, résidente de Fort McMurray.

Cette dernière n'habite pas dans un quartier évacué mais elle a déjà fait ses "valises", pour ne pas être prise au dépourvu comme il y a huit ans. "Je suis prête à partir".

Après avoir vécu l'an passé la pire saison d'incendies de son histoire, le Canada a connu l'un de ses hivers les plus chauds, avec peu de neige dans de nombreuses régions.

Des conditions de sécheresse forte ou extrême dans une grande partie du pays qui font craindre un nouvel été apocalyptique. D'autant plus que cet hiver, le pays a enregistré un nombre record de feux zombies, ces brasiers qui couvent sous la neige dans l'épaisse profondeur des tourbières de la forêt boréale.

3 millions de barils de pétrole 

Toutefois le chef des pompiers de la région Jody Butz a tenu à rassurer la population estimant que "l'activité des incendies est très différente de celle de 2016".

"Nous disposons de ressources abondantes et nous sommes bien placés pour répondre à la situation", a-t-il estimé.

Tous les regards sont néanmoins tournés vers la région car le risque est grand à cause des installations pétrolières. Le Canada possède 10% des réserves mondiales d'or noir, dont une très grande partie se trouve dans les sables bitumineux.

Chaque jour, plus de 3 millions de barils de pétrole sont extraits des sables, d'après les chiffres officiels du gouvernement, contribuant à faire du Canada le quatrième producteur mondial et le premier exportateur de brut vers les Etats-Unis.

Un peu plus à l'ouest, où près de 5.000 personnes ont également été évacuées durant le week-end près de la ville de Fort Nelson dans la province de Colombie-Britannique, la situation était mardi plus favorable.

"Il fait frais, le ciel est couvert et le vent est très léger", a déclaré à l'AFP Rob Fraser, le maire de la ville. "Si cela continue ainsi, nous pourrons peut-être maîtriser cette bête".

Victime des conséquences dévastatrices du réchauffement climatique, le Canada a connu en 2023 la pire saison des feux de son histoire.

Près de 18 millions d'hectares de terres sont partis en fumée - soit une superficie plus grande que la Grèce. Quelque 200.000 personnes ont par ailleurs dû être évacuées et la fumée des incendies s'est répandue jusqu'aux Etats-Unis et même en Europe.


La CPI ne se laissera pas influencer par les «Goliath» de ce monde, promet son procureur

Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan. (Photo, AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan. (Photo, AFP)
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  • Karim Khan a été mis en cause par les ambassadeurs russe et libyen qui ont dénoncé son absence d'action face à l'offensive israélienne à Gaza
  • La Russie avait placé en mai 2023 Karim Khan sur sa liste des personnes recherchées, après que la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président Vladimir Poutine

NATIONS UNIES : Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a assuré mardi qu'il ne se laisserait pas "influencer" par les "Goliath" de ce monde, en référence aux menaces le visant dans des dossiers liés à la guerre en Ukraine et à Gaza.

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU portant sur son enquête sur les crimes de guerre en Libye, Karim Khan a été mis en cause par les ambassadeurs russe et libyen qui ont dénoncé son absence d'action face à l'offensive israélienne à Gaza.

"On peut se demander si l'efficacité de la CPI dans ce dossier n'est pas affectée par un projet de loi (...) visant à sanctionner les responsables de la CPI impliqués dans des enquêtes contre les Etats-Unis ou ses alliés",  a lancé l'ambassadeur russe Vassili Nebenzia, en référence à des informations rapportées par la presse sur un projet en ce sens d'élus au Congrès américains.

"Je veux le rassurer, (...) nous ne nous laisserons pas influencer, que ce soit par des mandats d'arrêt de la Russie contre moi ou des membres élus de la Cour, ou par n'importe quel élu d'une autre juridiction", a répondu Karim Kahn, évoquant des "menaces" personnelles et contre son bureau pour les forcer à "arrêter".

La Russie avait placé en mai 2023 Karim Khan sur sa liste des personnes recherchées, après que la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président Vladimir Poutine pour son rôle dans la déportation d'enfants en Ukraine.

Début mai, la CPI avait déjà lancé une mise en garde aux "individus qui (la) menacent de représailles", elle ou son personnel, en affirmant que de telles actions pourraient constituer une "atteinte à l'administration de la justice".

Elle s'exprimait suite à des informations selon lesquelles la Cour s'apprêtait à délivrer des mandats d'arrêt contre des membres du gouvernement israélien -dont pourrait faire partie le Premier ministre Benjamin Netanyahu- en lien avec les opérations militaires menées par Israël à Gaza en riposte à l'attaque du Hamas.

"Nous avons un devoir de nous battre pour la justice, de nous battre pour les victimes", a insisté Karim Khan mardi devant les membres du Conseil de sécurité.

"Je suis bien conscient qu'il y a des Goliath dans cette salle. Des Goliath avec du pouvoir, de l'influence", mais "nous avons la loi", a-t-il ajouté, assurant qu'il ferait son travail "avec intégrité et indépendance".