Les Balkans et l'UE, de si longues fiançailles

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononce son discours annuel sur l'état de l'Union lors d'une session plénière au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, le 13 septembre 2023. (Photo de FREDERICK FLORIN / AFP)
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononce son discours annuel sur l'état de l'Union lors d'une session plénière au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, le 13 septembre 2023. (Photo de FREDERICK FLORIN / AFP)
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Publié le Vendredi 15 mars 2024

Les Balkans et l'UE, de si longues fiançailles

  • L'Albanie, de loin le pays le plus europhile de la région, a attendu 13 ans entre son statut de candidate et l'ouverture des négociations, en juillet 2022
  • L'UE a récemment mis sur la table six milliards d'euros, sous la forme d'un plan de croissance visant à rapprocher les Balkans de Bruxelles

BELGRADE: L'ouverture quasi assurée des négociations d'adhésion avec l'Union européenne a levé un vent d'enthousiasme en Bosnie. Mais depuis 30 ans dans les Balkans, Bruxelles a tendance à souffler le chaud, puis le froid, lassant les opinions et favorisant les luttes d'influence.

"Nous avons ouvert la principale porte de l'UE et il n'y a pas de marche arrière", s'est félicité mardi Nermin Niksic, Premier ministre de l'entité croato-bosniaque, quand la Commission européenne a officiellement recommandé aux 27 Etats membres l'ouverture de négociations d'adhésion avec la Bosnie. Mais le surplace est probable.

"Les négociations, c'est l'UE qui dit +vous devez faire ci, adopter cette loi+. Et chaque jour qui passe sans que nos pays ne travaillent sur les questions européennes, ils prennent du retard", explique Aleksandra Tomanic, directrice exécutive du Fonds européen pour les Balkans.

"Il y a tout un ensemble de critères politiques, institutionnels, économiques..", poursuit-elle. "Les défis sont multiples, c'est pourquoi le chemin sera très long".

Le Monténégro, officiellement en discussion depuis 2012, et la Serbie depuis 2014, le savent bien.

L'Albanie, de loin le pays le plus europhile de la région, a attendu 13 ans entre son statut de candidate et l'ouverture des négociations, en juillet 2022. Six mois après l'invasion russe en Ukraine.

L'UE «beaucoup plus consciente»

"Nous constatons récemment que l'Union européenne est beaucoup plus consciente, dans les actes, et pas seulement dans les paroles, de l'importance stratégique que les Balkans occidentaux ont pour elle. C'est triste qu'il ait fallu un Vladimir Poutine pour que cela arrive", a pointé Edi Rama, le Premier ministre albanais, mi février depuis Bruxelles.

Pour le ministre albanais de l'Europe et des Affaires étrangères, Igli Hasani, "le processus s'éternise et l'UE a si souvent hésité que les gens en sont fatigués". Résultat, "une baisse du soutien au processus d'intégration, et une baisse de confiance dans l'UE".

"Cela a bien sûr créé une ouverture à des influences hostiles, au premier rang desquelles la Russie", a-t-il rappelé mercredi lors d'une conférence à Budapest.

"Les Balkans sont redevenus un terrain de jeu géopolitique il y a quelques années", également pour la Turquie et les Etats-Unis, abonde Mme Tomanic. Et en octobre, la Serbie a signé avec la Chine, devenue son deuxième partenaire commercial, un accord de libre-échange.

Pour lutter contre ces influences, l'UE a récemment mis sur la table six milliards d'euros, sous la forme d'un plan de croissance visant à rapprocher les Balkans de Bruxelles.

"La commission veut aller vite parce qu'il est important de donner un signe de notre volonté de vouloir aller de l'avant avec les Balkans", explique à l'AFP Emanuele Giaufret, ambassadeur de l'Union européenne en Serbie.

«Alignement»

Le plan est articulé autour de quatre piliers: intégration au marché unique, marché commun régional, accélération des réformes fondamentales et augmentation de l'assistance financière.

Mais "les paiements seront soumis à des conditions strictes quant à la réalisation des réformes", ont mis en garde les ambassadeurs des États membres de l'UE. En mettant l'accent "sur l'alignement des partenaires sur la politique étrangère et de sécurité commune".

Une manière de couper les liens des Balkans avec la Russie ?

Depuis février 2022, Belgrade - qui dépend largement de Moscou pour ses importations de gaz - refuse d'appliquer des sanctions contre Moscou.

"D'un point de vue économique, il y a des intérêts russes dans le secteur énergétique, même si on a ouvert une alternative avec l'interconnexion avec la Bulgarie, financée par des fonds européens", reconnaît M. Giaufret.

Mais les chiffres sont têtus, ajoute l'ambassadeur: "Il ne faut pas oublier que 60% des investissements étrangers en Serbie viennent de l'UE, et que plus de 60% des échanges commerciaux sont avec l'UE. Nous sommes le premier acteur économique".

"Le gouvernement serbe montre un intérêt pour le plan de croissance et sa philosophie", ajoute-t-il. "La Serbie a compris l'importance de l'initiative".

Fin février, dans un long post Instagram, le président serbe - dont les saillies antieuropéenne sont aussi fréquentes que les rencontres avec l'ambassadeur russe - a même plaidé pour plus d'intégration.

"J'ai réitéré l'engagement de la Serbie à poursuivre le processus de réforme et d'intégration européenne", a écrit M. Vucic. "Nous avons également discuté du plan de croissance de l'UE pour les Balkans occidentaux, qui devrait renforcer et rapprocher nos économies et nos sociétés".

Selon les derniers sondages, seuls 32% des Serbes font confiance à l'UE. Ils sont 77% en Albanie, 54% au Monténégro. Et 57% en Bosnie.


Volker Turk préoccupé par les mesures «draconiennes» contre les manifestants dans les universités américaines

Des étudiants manifestent sur leur lieu de campement, devant l’entrée du Hamilton Hall, à l’université de Columbia, à New York, le 30 avril 2024. (Reuters)
Des étudiants manifestent sur leur lieu de campement, devant l’entrée du Hamilton Hall, à l’université de Columbia, à New York, le 30 avril 2024. (Reuters)
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  • Des manifestations propalestiniennes se sont propagées dans les universités du Texas, de New York et de la Californie, entre autres régions des États-Unis
  • Les étudiants protestent contre les pertes humaines à Gaza et appellent à un cessez-le-feu

NEW YORK: Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a déclaré, mardi, être préoccupé par «une série de mesures draconiennes» prises par les autorités éducatives et les forces de l’ordre pour disperser les manifestations dans les universités aux États-Unis

Volker Turk déclare: «La liberté d’expression et le droit de se réunir pacifiquement sont fondamentaux pour la société, en particulier lorsqu’il existe de profonds désaccords sur des questions majeures, comme c’est le cas dans le cadre du conflit entre le territoire palestinien occupé et Israël.» 

Des manifestations propalestiniennes se sont propagées dans les universités du Texas, de New York, d’Atlanta, de l’Utah, de la Virginie, du New Jersey, de la Californie et d’autres régions des États-Unis, alors que les étudiants protestent contre les pertes humaines à Gaza, appellent à un cessez-le-feu et exigent que les autorités de leurs universités retirent les investissements des entreprises impliquées dans l’attaque militaire israélienne contre Gaza. 

Bien que largement pacifiques, les manifestations ont été dispersées ou démantelées à certains endroits par les forces de sécurité. Des centaines d’étudiants et d’enseignants ont été arrêtés. Par ailleurs, certains font face à des accusations ou à des sanctions académiques. 

M. Turk se dit préoccupé par certaines réponses disproportionnées des autorités chargées de l’application de la loi dans plusieurs universités, appelant à ce que de telles actions soient minutieusement réfléchies et entreprises «de manière à protéger les droits et libertés d’autrui». 

Il ajoute que toutes ces actions doivent être guidées par le droit humanitaire, tout en «favorisant un débat dynamique et en garantissant des espaces sûrs pour tous». 

Il répète que les activités et discours antisémites, antiarabes et antipalestiniens sont «totalement inacceptables, profondément troublants et répréhensibles». Cependant, le comportement des manifestants doit être évalué et traité individuellement plutôt que par des «mesures radicales qui imputent à tous les membres d’une manifestation les points de vue inacceptables de quelques-uns», ajoute M. Turk. 

«L’incitation à la violence ou à la haine fondée sur l’identité ou les points de vue, qu’elle soit réelle ou supposée, doit être fermement rejetée. Des discours aussi dangereux peuvent rapidement déboucher sur de véritables violences, comme nous en avons déjà été témoins.» 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


La police de New York déloge les manifestants pro-palestiniens de l'université Columbia

Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
Des agents du NYPD arrivent en tenue anti-émeute pour pénétrer par effraction dans un bâtiment de l'université de Columbia, où des étudiants pro-palestiniens sont barricadés à l'intérieur d'un bâtiment et ont installé un campement, à New York, le 30 avril 2024. (AFP)
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  • Des dizaines de personnes, certains portant le keffieh, ont été interpellées et placées dans des bus de la police
  • La présidence de Columbia avait commencé lundi à «suspendre» administrativement des étudiants qui refusaient de quitter le "village" de tentes

NEW YORK: La police de New York est intervenue manu militari mardi soir à l'université Columbia, épicentre de la mobilisation pro-palestinienne sur les campus américains, afin de déloger les manifestants qui se barricadaient dans un bâtiment depuis la nuit précédente.

L'ensemble des manifestants ont été évacués du campus, affirment les médias américains.

La colère étudiante américaine se propage depuis deux semaines des grandes universités de la côte Est à celles de Californie en passant par le sud et le centre, rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam à la fin des années 1960.

A New York mardi soir (vers 01H30 GMT mercredi), c'est en tenue antiémeute, aidés d'un véhicule d'intervention avec échelle, que des dizaines, voire des centaines de policiers, sont entrés sur le campus.

Des agents casqués, grimpant sur l'échelle, sont ensuite entrés via une fenêtre dans le bâtiment occupé.

Des dizaines de personnes, certains portant le keffieh, ont été interpellées et placées dans des bus de la police, a constaté l'AFP. A l'extérieur du campus, la foule criait "Palestine libre!".

"Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix", a écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le périmètre de cet établissement privé de Manhattan.

Jusqu'au 17 mai

Depuis deux semaines, elle et de nombreux autres dirigeants d'universités à travers le pays font face à des manifestants, parfois quelques dizaines seulement, qui occupent leur campus pour s'opposer à la guerre menée par Israël à Gaza contre le Hamas.

Dans sa lettre à la police de New York, Mme Shafik demande aux forces de l'ordre de "maintenir une présence sur le campus au moins jusqu'au 17 mai, afin de maintenir l'ordre et de s'assurer qu'aucun campement ne soit établi." La cérémonie de remise des diplômes est prévue le 15 mai.

Dans la nuit de lundi à mardi, quelques dizaines de protestataires se sont barricadés dans un bâtiment, Hamilton Hall. Le bâtiment a été renommé "Hind's Hall" par le groupe pro-palestinien "Columbia University Apartheid Divest", en hommage à une fillette de six ans tuée à Gaza.

Sur leur compte Instagram, ce groupe a dénoncé une "invasion" du campus.

La présidence de Columbia avait commencé lundi à "suspendre" administrativement des étudiants qui refusaient de quitter le "village" de tentes.

«Chaos»

A six mois de la présidentielle dans un pays polarisé, ce mouvement estudiantin a fait vivement réagir le monde politique.

Joe Biden "doit faire quelque chose" contre ces "agitateurs payés", a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. "Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui", a-t-il ajouté.

"Alors que l'université Columbia est plongée dans le chaos, Joe Biden est absent parce qu'il a peur de s'attaquer au sujet", a écrit sur X le chef républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson dans la soirée. Il réclame depuis longtemps le départ de sa présidente, Minouche Shafik.

"Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche" et ne représente "pas un exemple de manifestation pacifique", avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale du président démocrate Joe Biden.

Les manifestants pro-palestiniens exigent eux que leurs universités coupent les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël.

Columbia refuse.

Mais un autre campus d'élite du nord-est, Brown University à Providence dans le Rhode Island, a annoncé un accord avec les étudiants: démantèlement du campement contre un vote de l'université en octobre sur d'éventuels "désinvestissements de +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+".

«Rétablir l'ordre»

A travers les Etats-Unis, les images de forces de l'ordre en tenue anti-émeute intervenant brutalement sur des campus ont fait le tour du monde. Depuis le week-end dernier, des centaines d'étudiants, enseignants, militants d'une vingtaine d'universités ont été interpellés, certains arrêtés en placés en détention.

A l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, un groupe d'étudiants a revendiqué avoir hissé un drapeau palestinien au centre du campus, avant que la police ne remette en place les couleurs des Etats-Unis, selon la presse.

Ces nouvelles manifestations pro-palestiniennes aux Etats-Unis ont ravivé le débat électrique depuis octobre entre liberté d'expression et accusations d'antisémitisme.

Le pays compte le plus grand nombre de juifs dans le monde après Israël, et des millions d'Américains arabo-musulmans.

La guerre dans la bande de Gaza a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien qui a entraîné le massacre de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste palestinien et sa vaste opération militaire à Gaza a fait 34.535 morts, majoritairement des civils, selon le Hamas.


La Chine affirme que le Hamas et le Fatah ont mené des discussions à Pékin

Des drapeaux du parti politique palestinien Fatah et une affiche de son futur dirigeant Yasser Arafat sont représentés placés dans les débris d'un bâtiment détruit lors d'un précédent bombardement israélien, à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, au milieu du conflit en cours. dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
Des drapeaux du parti politique palestinien Fatah et une affiche de son futur dirigeant Yasser Arafat sont représentés placés dans les débris d'un bâtiment détruit lors d'un précédent bombardement israélien, à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024, au milieu du conflit en cours. dans le territoire palestinien entre Israël et le groupe militant Hamas. (AFP)
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  • La Chine soutient depuis des décennies la cause palestinienne
  • Pékin milite traditionnellement pour une solution basée sur le principe de deux Etats, alors que le processus de paix israélo-palestinien est au point mort depuis 2014

PEKIN: La Chine a annoncé mardi que le Hamas et le Fatah, deux groupes palestiniens qui se déchirent depuis de nombreuses années, ont mené d'encourageantes discussions à Pékin afin de parvenir à une "réconciliation intra-palestinienne".

Après des combats acharnés, le mouvement islamiste Hamas, rival du Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas, s'est emparé du pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza.

L'armée israélienne mène depuis plus de six mois dans ce territoire une offensive d'ampleur, qui a entraîné la mort de nombreux civils, après l'attaque sans précédent du groupe islamiste en Israël.

Le Fatah conserve un contrôle administratif partiel en Cisjordanie, via l'Autorité palestinienne.

"A l'invitation de la Chine, des représentants du Mouvement national de libération de la Palestine (Fatah, ndlr) et du Mouvement de résistance islamique (Hamas, ndlr) se sont récemment rendus à Pékin pour des discussions approfondies et franches sur une promotion de la réconciliation intra-palestinienne", a indiqué mardi Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

"Les deux parties ont pleinement exprimé leur volonté politique de parvenir à la réconciliation par le dialogue et la consultation, ont discuté de nombreuses questions spécifiques et ont réalisé des progrès", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse régulière.

"Ils sont convenus de poursuivre ce processus de dialogue en vue de parvenir au plus vite à l'unité palestinienne."

La Chine soutient depuis des décennies la cause palestinienne.

Pékin milite traditionnellement pour une solution basée sur le principe de deux Etats, alors que le processus de paix israélo-palestinien est au point mort depuis 2014.

Définie par les Etats-Unis comme une rivale, la Chine a renforcé ces dernières années ses relations commerciales et diplomatiques avec le Moyen-Orient, dont une grande partie est traditionnellement sous influence américaine.

La guerre entre Israël et le Hamas, qui a fait des milliers de morts dans les deux camps, a été déclenchée après une attaque sanglante et sans précédent lancée le 7 octobre par le Hamas contre le territoire israélien à partir de la bande de Gaza sous contrôle du mouvement islamiste palestinien.

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé mardi un nouveau bilan de 34.535 morts dans le territoire.