Avec ses tapisseries interactives exposées à Paris, Chloé Bensahel fait chanter les plantes

L'artiste franco-américaine Chloé Bensahel pose lors d'une séance photo, dans le cadre de son exposition au Musée du Palais de Tokyo à Paris le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
L'artiste franco-américaine Chloé Bensahel pose lors d'une séance photo, dans le cadre de son exposition au Musée du Palais de Tokyo à Paris le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 29 avril 2024

Avec ses tapisseries interactives exposées à Paris, Chloé Bensahel fait chanter les plantes

  • En les caressant du plat de sa main, le visiteur se fait magicien
  • Au contact du corps humain et comme irriguées par un réseau sanguin ou neuronal, les tapisseries s'illuminent tandis que des chants byzantins résonnent

PARIS: Ses tapisseries s'éclairent et chantent lorsqu'on les touche: exposée à Paris, l'artiste franco-américaine Chloé Bensahel tisse des oeuvres hybrides, faisant appel aux plantes comme aux nouvelles technologies.

Au Palais de Tokyo, où cette trentenaire expose pour la première fois en solo jusqu'au 30 juin, trois grandes tapisseries aux motifs géométriques et aux couleurs naturelles, tissées en fils de laine, coton, soie et fibres végétales, sont disposées en cercle dans un espace compartimenté par des voilages noirs.

En les caressant du plat de sa main, le visiteur se fait magicien: au contact du corps humain et comme irriguées par un réseau sanguin ou neuronal, les tapisseries s'illuminent tandis que des chants byzantins résonnent.

"Elles font partie d’un groupe d’œuvres que je produis en continu qui s’appellent les +Transplants+, des tapisseries faites à base de plantes invasives comme l’ortie ou le mûrier qui sont des espèces ramenées de voyages coloniaux du 19ème siècle", explique à l'AFP l'artiste, diplômée de la Parsons School of Design de New York et qui a aussi fait ses classes auprès de Sheila Hicks.

Sheila Hicks, «mentor»

Cette figure mondiale de la tapisserie moderne a été son "mentor", dit la jeune femme. Elle lui a notamment permis de "rencontrer des tisserands japonais" et d'apprendre les techniques de tissage au Japon, approfondies par des résidences en Australie, à San Francisco et Paris.

Qu'il s'agisse de soie du XIXème siècle tissée en basse-lisse (technique traditionnelle de tissage à l'horizontal, ndlr), d'une chemise ou de chaussettes brodées au fil d'or, l'artiste performeuse, adepte de la danse et des textes sacrés, donne vie à ses supports en les mélangeant "à du fil conducteur".

"Ce qui m’intéressait, c’était de créer des textes performatifs qu’on incarne. Les plantes ont des histoires qu’elles racontent mais les corps aussi et l’idée de faire une tapisserie interactive est vraiment venue de l’envie de faire un texte qui se raconte par le corps et d’insérer le corps dans l’expérience de l’œuvre", explique-t-elle.

A base de cuivre, le fil conducteur est inclus "dans la tapisserie reliée à un système informatique qui envoie une fréquence en permanence interférant avec le corps humain, conducteur lui aussi et qui déclenche le dispositif sonore", détaille-t-elle.

C'est en 2019 qu'elle a rencontré des ingénieurs de Google et découvert ce système, en résidence à la manufacture des Gobelins à Paris.

Invisible 

Côté son, elle travaille avec des compositeurs - la chorale La Tempête et la compositrice américaine Caroline Shaw - après avoir au départ "installé des électrodes sur des plantes pour capter leurs fréquences et les traduire en fréquences sonores" avec des instruments de musique.

Elle explique: "j’ai voulu remonter dans l’histoire des plantes qui sont sur notre territoire pour imaginer ce qu’elles avaient à raconter".

Se servant du monde botanique comme allégorie du monde humain, l'artiste, aux racines nord-africaine, française et américaine, raconte "des histoires de migration, d'hybridation culturelle et de résilience".

"L’idée de la tapisserie interactive, c’est souvent de matérialiser quelque chose qui est invisible: c’est en touchant qu’on découvre un message secret ou codé. Les plantes, c'est pareil, elles parlent entre elles un langage que nous ne percevons pas car dans cette ère de +l’anthropocène+ on pense qu’on est maître du monde naturel", s'amuse cette "hypersensible" dont le "rapport au texte (est) clairement influencé par (son) judaïsme", de son propre aveu.

Pensionnaire de la villa Albertine, des résidences d'artistes pour promouvoir la langue française au Etats-Unis, et en résidence actuellement au MIT de Boston, elle poursuit ses recherches afin d'imaginer "un textile qui bouge et change de forme" grâce "à des muscles artificiels qui lui permettent de se rétracter et de se détendre", dit-elle.


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi.