«Ai-je vraiment fait un si mauvais film?» Rami Yasin se confie sur «Bloodline»

Rami Yasin est le scénariste et le réalisateur de «Bloodline» (Photo fournie).
Rami Yasin est le scénariste et le réalisateur de «Bloodline» (Photo fournie).
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Publié le Samedi 09 janvier 2021

«Ai-je vraiment fait un si mauvais film?» Rami Yasin se confie sur «Bloodline»

  • «Le feu s’était propagé. Nos voisins ont essayé de la retenir. Mais elle a couru à travers le feu. J’ai grandi en croyant que les mères se transforment en super-héroïnes»
  • Le projet a attiré un large public, puis a été sévèrement critiqué sur les réseaux sociaux

DUBAI: Il n’est pas facile d’innover. Il suffit de poser la question à Rami Yasin, scénariste et réalisateur de «Bloodline», présenté comme «le premier film arabe sur les vampires.»

Cela fait deux mois que «Bloodline» a été diffusé sur la plate-forme VIP Shahid de MBC, où il semblait au départ être un succès, avec des chiffres d'audience hautement impressionnants. Cependant, cela a été rapidement suivi d'un raz-de-marée de moqueries sur les réseaux sociaux. Yasin était stupéfait. La réalisation de ce film était le rêve de toute une vie. Désormais, il n'arrête pas de penser qu'il a fini par réaliser le film le plus mal compris de 2020.

«Je me suis dit: «Est-ce que j'ai vraiment réalisé un si mauvais film?» Je ne pouvais tout simplement pas le concevoir. À un moment donné, je voulais juste quitter le monde et je ne pouvais pas quitter le monde, alors j'ai quitté mon appartement, j'ai pris une petite valise, loué une chambre d’hôtel, et je suis resté seul pendant deux jours», confie Yasin à Arab News. «Puis j'ai réalisé que cela ne reflétait pas le film. C'était le reflet du manque de préparation du public pour ce genre de film.

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«Bloodline» a été créé sur la plate-forme VIP Shahid de MBC. (Photo fournie)

Des années avant que Yasin ne devienne un producteur de renom, des années avant de devenir le premier assistant réalisateur sur le célèbre film de George Clooney «Syriana», c’était un petit garçon jordanien grandissant à Abu Dhabi, dont le père était présentateur de télévision, fan de cinéma, et dont la mère avait de super pouvoirs, ce qu’il ne savait pas encore.

Il aimait déjà les films d'horreur, et en particulier les films sur les vampires. Un jour, alors qu’il était âgé de six ans, quelque chose s’est passé qui lui inspirerait sa propre histoire de vampires quelques décennies plus tard. Lui et son frère ont accidentellement mis le feu à l'appartement familial, alors qu'ils jouaient avec des allumettes. Après que sa mère leur a sauvé la vie, elle s'est rendu compte que son plus jeune fils était toujours à l’étage supérieur dans l'appartement.

«Le feu s’était propagé dans l'escalier. Nos voisins ont essayé de la retenir, mais elle a couru à travers le feu, a emmené mon frère, couru sur le balcon, a sauté sur le rebord d’un mur, restant debout et attendant l'arrivée des pompiers. Après cela, j'ai grandi en croyant que les mères se transforment en super-héroïnes ».

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La réalisation de ce film était le rêve de toute une vie. Désormais, Yasin n'arrête pas de penser qu'il a fini par réaliser le film le plus mal compris de 2020. (Photo fournie)

«Bloodline» raconte l’histoire d'une mère comme la sienne. Il est différent des nombreuses histoires de vampires qui l'ont précédé, s’éloignant des thèmes de «Dracula» et de «Twilight.» Il relate l'histoire d'une femme prénommée Lamia - interprétée par la star égyptienne Nelly Karim - qui sauve son fils d'une mort certaine en le transformant en vampire, puis se bat pour empêcher leur famille de se décomposer à la suite de sa transformation.

Selon Yasin, une multitude d’éléments a fait que son histoire a été mal interprétée par le public du Moyen-Orient. Premièrement, c'est un drame familial surnaturel, et non un simple film d'horreur. Pourtant, la campagne de lancement l’a présenté aux spectateurs comme un film d'horreur faisant peur, ce que le film n'essaie même pas de transmettre, se concentrant plutôt sur le voyage émotionnel de la mère.

«Le défi était de faire en sorte que le public n'ait pas peur de cette famille, mais ait peur pour elle», affirme Yasin. «Nous essayons de créer ce sentiment d'appréhension, que des événements puissent se succéder et mettre la famille en danger. Vous voulez que la famille survive et réussisse.»

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Selon Yasin, beaucoup de choses ont conduit son histoire à être mal interprétée par le public du Moyen-Orient. (Photo fournie)

Pour compliquer encore les choses, les spectateurs, peu habitués au genre, s'attendaient à ce qu'un film sur les vampires soit semblable à ceux réalisés dans d’autres pays, tels que «Underworld», «Blade», ou «Interview with a Vampire.» Au lieu de cela, ils ont assis à quelque chose de totalement nouveau, les laissant incertains sur la manière de juger le film de Yasin.

«En tant que cinéaste, je pense vraiment que les gens (dans la région) ne sont pas prêts à prendre des risques avec les films d’horreur. Il n'y a pas eu des années et des années de production de films d'horreur pour habituer le public à ce genre cinématographique. En conséquence, cela n'a tout simplement pas fonctionné pour certains publics, car ils considèrent les films d'horreur soit comme des films étrangers, soit comme de très grands films où tout est question d'effets spéciaux», explique Yasin.

En raison de la pandémie de la Covid-19, «Bloodline» a été exclusivement diffusé en streaming, sans un parcours dans les salles de cinéma de la région, comme initialement prévu. Bien que cette décision ait fait du film un succès financier immédiat, ce changement influe sur la façon dont le public perçoit un film, selon Yasin, car nous sommes souvent plus critiques à l'égard des films en les regardant sur notre canapé, car nous ne sommes pas vraiment plongés dans la vision du cinéaste.

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«Bloodline» a été exclusivement diffusé en streaming, sans un parcours dans les salles de cinéma de la région, comme initialement prévu (Photo fournie)

«C'est une expérience complètement différente. Quand vous allez au cinéma, les cinéastes vous invitent dans leur univers. À la maison, vous invitez les cinéastes chez vous, et il y a un jugement important qui se produit à la suite de ce changement», précise Yasin.

La réaction négative à «Bloodline» a été particulièrement difficile pour Yasin, car le film a également marqué ses débuts en tant que réalisateur, après une attente de plusieurs décennies. Yasin a commencé sa vie professionnelle dans la publicité. Après des années de succès, il s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas abandonner son rêve de faire des films, quittant son emploi pour déménager au Canada et travailler comme assistant sur des plateaux de cinéma, assimilant toutes les connaissances qu’il pouvait.

Quand un ami lui a présenté une opportunité à Dubaï, il est revenu, franchissant les échelons de projet en projet, réussissant le mieux en tant que producteur avec Image Nation, basée à Abu Dhabi. Pendant tout ce temps, il écrivait, attendant le moment où il pourrait passer lui-même derrière la caméra, plutôt que de contribuer à la vision d’un autre réalisateur, même s’il aimait le faire.

«Bloodline» lui a apporté cette chance, et il était reconnaissant d'avoir enfin pu raconter l'histoire qu'il avait gardée en tête presque toute sa vie, ainsi qu’aux nombreux amis qui l'avaient aidé à le faire.

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La réaction négative à «Bloodline» a été particulièrement difficile pour Yasin, car le film a également marqué ses débuts en tant que réalisateur. (Photo fournie)

«Vous ne pouvez pas cacher vos sentiments, ce que vous aimez, ou ce que vous appréciez, vous vous devez d’y être fidèle. Il y a tellement de moi dans ce film. C'est exactement le reflet du genre d’idées présentes constamment dans mon esprit, ma vision du monde et de beaucoup d'autres choses aussi», affirme Yasin.

«Bloodline» était un travail empreint de passion pour Yasin, et cette passion ne s'est pas évanouie. Alors même qu'il pense à de nouveaux projets en tant que scénariste, notamment une mini-série surnaturelle, et continue son travail prolifique en tant que producteur, Yasin continue de se retrouver attiré par le film.

«Je continue, en moyenne, de le regarder une fois par semaine. Je ne sais pas si d'autres cinéastes le font. Il y a tellement de choses que j'aime dans ce film. Maintenant, bien sûr, je vois des choses que j'aurais peut-être faites différemment, mais je le regarde encore et encore parce que je continue de vivre cette immersion. Je pense qu'il y a un très beau voyage émotionnel dans le film, je suis toujours touché par cela à chaque fois que je le vois. Je vous le jure, et peut-être suis-je fou, mais c’est la réalité. Je l'ai écrit, réalisé, produit, et j’ai même joué dans le film, mais à part cela, je le regarde pour la trentième fois et je ressens toujours la même émotion», précise-il. «Je sais que quelqu'un d’autre ressent également la même chose.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com