Frankly Speaking: pourquoi les poursuites judiciaires de la CPI à Gaza sont justifiées

Short Url
Publié le Lundi 27 mai 2024

Frankly Speaking: pourquoi les poursuites judiciaires de la CPI à Gaza sont justifiées

  • Le Comité international de la Croix-Rouge est favorable aux poursuites judiciaires au cas où des individus auraient violé les lois des conflits armés
  • M. Carboni a exprimé sa colère face au traumatisme vécu par le personnel palestinien du CICR à Gaza

DUBAÏ: Le 20 mai, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé à la cour d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts commandants du Hamas, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont l’une des fonctions principales consiste à appeler toutes les parties à un conflit à respecter le droit humanitaire international, est favorable aux poursuites judiciaires au cas où des individus auraient violé les lois des conflits armés.

Fabrizio Carboni, directeur régional du CICR pour le Proche et le Moyen-Orient, a clairement exprimé ce point lors d’un entretien accordé à Frankly Speaking, l’émission d’actualité d’Arab News.

«Habituellement, nous ne commentons pas les questions judiciaires, surtout si elles sont liées à un conflit dans lequel nous jouons un rôle important et où notre personnel est présent», a-t-il confié.

«Par principe, en tant que CICR, nous sommes bien entendu convaincus que le droit des conflits armés n’a de sens que si vous poursuivez en justice les personnes qui le violent.»

«Donc, évidemment, au-delà du conflit à Gaza, au-delà de tout cas spécifique, nous soutenons les poursuites.»

«Nous soutenons d’abord les poursuites nationales, puis internationales si les poursuites nationales ne sont pas conformes. Dans le cas de la CPI, notre position est de ne pas faire de commentaire. Nous nous contentons de jouer le rôle d’observateurs», a-t-il ajouté.

Dans ce long entretien, M. Carboni a exprimé sa colère face au traumatisme vécu par le personnel palestinien du CICR à Gaza et il a expliqué, entre autres, l’impact de la guerre à Gaza sur d’autres conflits régionaux et le rôle actuel du CICR dans leur résolution.

cicr
Le personnel du Croissant-Rouge palestinien inspecte une ambulance détruite lors d’une frappe israélienne à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 10 janvier 2024. Quatre médecins et deux autres personnes auraient été tués à l’intérieur du véhicule. (AFP)

Quelle que soit l’ampleur du déséquilibre des forces entre Israël et le Hamas, le droit humanitaire international s’applique aux deux parties, a déclaré M. Carboni à Katie Jensen, l’animatrice de Frankly Speaking.

«Il n’y a pas de hiérarchie à ce niveau. Les parties à un conflit, qu’il s’agisse d’un groupe armé étatique ou non étatique, ont des obligations. Et quand on pense à cette obligation humanitaire, elle est fondamentale. C’est la moindre des choses.»

«Ce ne sont pas des règles très complexes ni sophistiquées. Elles exigent simplement que la population civile soit épargnée. Elles veulent que les civils déplacés reçoivent une assistance de base et aient accès aux services essentiels. C’est le b.a.-ba de l’humanité.»

Le Hamas a violé le droit humanitaire international le 7 octobre lorsque ses combattants ont kidnappé et tué des civils dans le sud d’Israël. Depuis, Israël fait face aux mêmes accusations.

cicr
Les proches de Naor Hassisim, victime de l’attaque du kibboutz de Kfar Aza le 7 octobre 2023 par des militants du Hamas, pleurent sa mort lors de ses funérailles dans un cimetière de la ville d’Ashdod, au sud d’Israël, le 16 octobre 2023. (AFP)

Malgré tous les efforts déployés par le CICR pour contraindre Israël et le Hamas à respecter les règles de la guerre, le comité soupçonne que les deux parties continuent de les violer. M. Carboni a attribué cela à ce qu’il qualifie de «récit de survie».

«Ce que nous ne mentionnons pas souvent, ce sont les émotions. Toutes les parties à ce conflit ont un récit de survie», a-t-il précisé.

«Je ne commente pas. Je ne dis pas que c’est bon ou mauvais. C’est un simple constat. Et lorsque je tiens compte de toutes les parties à ce conflit, cela donne lieu à un récit de survie.»

En novembre de l’année dernière, Israël et le Hamas sont convenus d’une pause humanitaire dans les combats, ce qui a permis un échange de prisonniers et d’otages et a permis aux agences humanitaires d’acheminer des fournitures d’urgence vers Gaza pour venir en aide aux civils.

cicr
Dans cette image combinée, un convoi de véhicules de la Croix-Rouge qui transportent des Israéliens pris en otage (gauche) par des militants du Hamas arrive au terminal de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 30 novembre 2023, dans le cadre d’un échange avec des prisonniers palestiniens. À droite, on voit un bus de la Croix-Rouge et une délégation qui arrivent devant la prison militaire israélienne d’Ofer, près de Ramallah, pour aller chercher les prisonniers palestiniens concernés par l’accord. (Photo AFP)

Cependant, les combats ont rapidement repris et les efforts déployés par les médiateurs pour obtenir un cessez-le-feu permanent ont échoué.

Si l’on accorde au CICR une nouvelle pause humanitaire, M. Carboni est convaincu qu’il peut faire une grande différence dans la vie des Palestiniens coincés à Gaza et des otages toujours détenus par le Hamas.

«Nous pourrions faire une différence pour le peuple palestinien, car l’aide pourrait augmenter de manière significative pendant cette pause», a-t-il soutenu. «Nous pourrions avoir accès à de nombreuses zones en toute sécurité et aider davantage de Palestiniens.»

«En même temps, nous pourrions obtenir la libération des otages et celle des Palestiniens détenus par Israël. C’est une forme d’espoir.»

Une partie de la mission du CICR consiste à intervenir dans les négociations relatives aux otages. M. Carboni a déclaré que les familles des otages toujours détenus à Gaza sont dans un «état de torture permanent». «Malheureusement, nous savons très peu de choses sur le sort des personnes prises en otages», a-t-il déclaré.

cicr
Un enfant regarde une Palestinienne tenir le corps enveloppé d’un bébé tué lors des bombardements israéliens dans une clinique de Rafah, le 26 mai 2024. (AFP)

«Cela fait partie de cet environnement politique et militaire où l’on négocie tout, même ce qui ne devrait pas être négocié, comme la libération des otages, puisque [la prise] d’otages est strictement interdite.»

«Vous imaginez sans doute dans quelle condition se trouvent les otages. En voyant l’ampleur des combats et des bombardements, ainsi que la situation à Gaza, vous pouvez imaginer ce que vivent les otages.»

«Un petit mot sur les familles des victimes. Quand on est membre de la famille d’un otage ou simplement d’un individu porté disparu, on ne sait pas s’il est mort ou vivant, s’il est en bonne santé ou pas. Cette situation est un état de torture permanent pour les familles.»

«Je ressens véritablement cette douleur auprès des familles des otages. Elle est la même pour toute famille, palestinienne ou israélienne, qui ne sait pas où se trouve l’être aimé. Et c’est pourquoi, en tant que CICR, nous essayons de faire tout notre possible pour trouver une réponse et libérer immédiatement les otages.»

M. Carboni a révélé que, il y a quelques semaines, on espérait un cessez-le-feu et la libération des otages. «Nous pensions vraiment – tout comme beaucoup d’autres gens – que nous y arriverions», a-t-il confié.

«Et puis, tout d’un coup, tout s’est effondré. Et je peux vous dire que l’incidence psychologique de cet échec sur la population civile de Gaza et les familles des otages est dévastatrice.»

cicr
Des gens manifestent à Tel-Aviv le 9 novembre 2023, appelant le Comité international de la Croix-Rouge à agir pour la libération des otages enlevés par des militants palestiniens le 7 octobre. (AFP)

Pendant ce temps, selon lui, les humanitaires sont à court de mots pour décrire la misère que subit le peuple palestinien à Gaza sous l’offensive israélienne. Il met en lumière l’urgence d’une désescalade à Gaza, où Israël combat le groupe militant palestinien Hamas depuis le 7 octobre de l’année dernière.

«Il est urgent de réduire le niveau de violence», a-t-il souligné. «Ce que nous voyons aujourd’hui à Gaza est intolérable.»

«La population palestinienne traverse une période de misère que j’ai du mal à décrire. Après sept, huit mois, j’ai l’impression qu’on a épuisé à peu près tous les mots possibles pour décrire ce que la région vit.»

«Je suis vraiment inquiet, car nous n’avons plus de mots. Je crains que, à un moment donné, la situation du peuple palestinien à Gaza, y compris celle des otages, ne soit plus d’actualité, parce que nous tournons en rond, parce que nous ne voyons pas d’amélioration, parce que cette misère semble infinie.»

«Chaque fois que je pense à Gaza, je pense à mes collègues palestiniens qui sont piégés là-bas. Je pense à leurs enfants, à leur famille, au fait qu’ils aient de nouveau été déplacés.»

«La plupart d'entre eux venaient de la ville de Gaza. Puis ils ont emménagé à Khan Younès. Puis à Rafah. Maintenant, ils sont de nouveau contraints de se déplacer. Et je pense à eux.»

«Je pense, d’une part, à leur courage, et, d’autre part, à ce sentiment de ne pouvoir les aider, de ne pouvoir apaiser leur détresse, leur anxiété, leur frustration.»

«En tant que père, en tant que parent, je ressens également la peine de mes collègues qui ont des enfants. Cela fait maintenant six ou sept mois que ces enfants vivent sur un champ de bataille. Gaza est un cas très particulier. Vous êtes en permanence sur le champ de bataille.»

«Chaque jour, ces enfants entendent le bruit des bombes. Ils voient des gens se faire tuer. Ils voient des gens blessés. Ils voient leurs parents impuissants.»

«Alors, quand je pense à Gaza, je pense au personnel palestinien du CICR et cela me donne de l’énergie, me touche et, en même temps, me met en colère, car je ne pense pas que mes collègues doivent vivre cela.»

cicr
Des Palestiniens inspectent les destructions après des frappes israéliennes nocturnes sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024, dans le contexte du conflit en cours entre Israël et le Hamas. (AFP)

Lorsqu’on lui a demandé s’il pense que le pire est désormais passé ou si une conflagration régionale plus large qui émanerait de Gaza pouvait en découler, M. Carboni a répondu que l’extension du conflit avait déjà eu lieu, ce qui fait craindre une escalade involontaire.

«Nous n’avons pas à craindre qu’un conflit régional éclate; cela se produit au moment où l’on parle», a-t-il insisté. «Des combats se déroulent au Liban. Il y a également eu cette fameuse nuit où des missiles et des drones ont été lancés de l’Iran sur Israël. Le conflit régional est en train de se produire.»

Au-delà de sa fonction d’organisme d’aide humanitaire, M. Carboni a affirmé que le CICR jouait un rôle essentiel dans le règlement des conflits, dans l’espoir que «la diplomatie et la politique prévaudront, plutôt que le recours à la force».

Cependant, la violence à Gaza a eu un effet néfaste sur les conflits ailleurs dans la région, notamment au Yémen, où la milice houthie, soutenue par l’Iran, est aux prises avec le gouvernement yéménite reconnu par l’ONU depuis 2014.

Depuis le début des combats à Gaza, la milice houthie a lancé des attaques contre les navires commerciaux en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, apparemment en solidarité avec les Palestiniens, ce qui a provoqué des représailles de la part des États-Unis et du Royaume-Uni.

En conséquence, le cessez-le-feu entre les Houthis et le gouvernement yéménite, qui a expiré en octobre 2022, mais est resté en grande partie intact, est remis en question. M. Carboni a déclaré qu’un accord d’échange de prisonniers pourrait remettre sur les rails le processus bloqué.

«La crise à Gaza a ébranlé tous les conflits de la région», a-t-il soutenu. «Je vois les autorités de Riyad essayer néanmoins de faire pression en faveur d’un cessez-le-feu permanent et, éventuellement, d’un accord de paix. L’une des mesures qui renforceraient la confiance serait de poursuivre la libération des détenus.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Vision 2030: le Cabinet remercie les agences impliquées

Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à la session du Cabinet, mardi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à la session du Cabinet, mardi. (SPA)
Short Url
  • Le Conseil des ministres a souligné que la sécurité du Moyen-Orient exigeait d'accélérer la recherche d'une solution juste et globale à la question palestinienne
  • Le Conseil a affirmé que le Royaume poursuivait ses efforts pour accélérer le redressement économique de la République arabe syrienne

RIYAD: Le Conseil des ministres a salué les efforts des agences gouvernementales ayant contribué aux avancées réalisées dans le cadre de la Vision saoudienne 2030, alors que le Royaume se rapproche de l’atteinte de ses objectifs clés, a rapporté mardi l’Agence de presse saoudienne (SPA).

D’après le rapport annuel 2024 de la Vision, 93% des principaux indicateurs de performance ont été entièrement ou partiellement atteints depuis le lancement de l’initiative il y a neuf ans.

Le ministre des Médias, Salman al-Dosari, a précisé que le cabinet avait discuté de la troisième et dernière phase de la Vision 2030, qui débutera en 2026. Cette phase visera à pérenniser l’impact des transformations déjà engagées tout en exploitant de nouvelles opportunités de croissance.

Le Conseil des ministres a également salué le don généreux d’un milliard de riyals saoudiens (266,6 millions de dollars; 1 dollar = 0,88 euro) effectué par le prince héritier Mohammed ben Salmane, destiné à soutenir des projets de logement pour les bénéficiaires saoudiens éligibles et les familles dans le besoin.

Le cabinet a souligné que ce don illustre l’engagement constant du prince héritier à améliorer la qualité de vie des citoyens, ainsi que son intérêt soutenu pour le secteur du logement et les initiatives visant à offrir des logements décents aux familles méritantes à travers le Royaume.

Le prince Mohammed a également informé le Conseil de sa rencontre avec le roi Abdallah II de Jordanie, ainsi que de ses échanges avec le Premier ministre indien Narendra Modi.

Le cabinet a salué les résultats de la deuxième réunion du Conseil de partenariat stratégique saoudo-indien, soulignant le développement continu des relations économiques, commerciales et d’investissement entre les deux pays.

Le Conseil des ministres a souligné que la sécurité du Moyen-Orient exigeait d'accélérer la recherche d'une solution juste et globale à la question palestinienne, conformément aux résolutions de la légitimité internationale, à l'initiative de paix arabe et à la création d'un État palestinien indépendant le long des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Le Conseil a affirmé que le Royaume poursuivait ses efforts pour accélérer le redressement économique de la République arabe syrienne et a renouvelé son appel aux institutions financières régionales et internationales pour qu'elles reprennent et étendent leurs opérations dans le pays.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Short Url
  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Short Url
  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.