Bangladesh: le prix Nobel Muhammad Yunus va diriger un gouvernement intérimaire après la fuite de la Première ministre

Le lauréat bangladais du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus (2R) s'adresse aux médias alors qu'il s'apprête à partir après avoir déposé un appel pour l'extension de sa liberté sous caution au tribunal d'appel du travail à Dhaka, le 3 mars 2024. (AFP)
Le lauréat bangladais du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus (2R) s'adresse aux médias alors qu'il s'apprête à partir après avoir déposé un appel pour l'extension de sa liberté sous caution au tribunal d'appel du travail à Dhaka, le 3 mars 2024. (AFP)
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Publié le Mercredi 07 août 2024

Bangladesh: le prix Nobel Muhammad Yunus va diriger un gouvernement intérimaire après la fuite de la Première ministre

  • La présidence bangladaise a annoncé tôt mercredi que le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus allait diriger un gouvernement intérimaire, après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina
  • Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré que ce gouvernement devra "respecter des principes démocratiques, l'Etat de droit et le reflet de la volonté du peuple"

DACCA: La présidence bangladaise a annoncé tôt mercredi que le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus allait diriger un gouvernement intérimaire, après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina.

La décision "de former un gouvernement intérimaire (...) avec Yunus comme chef" a été prise lors d'une rencontre entre le président Mohammed Shahabuddin, de hauts dignitaires de l'armée et des responsables du collectif "Students Against Discrimination" ("Etudiants contre la discrimination"), principal mouvement à l'origine des manifestations initiées début juillet, a-t-elle indiqué.

"Le président a demandé au peuple de l'aider à surmonter la crise. La formation rapide d'un gouvernement intérimaire est nécessaire pour surmonter la crise", indique un communiqué de la présidence.

Muhammad Yunus avait indiqué mardi être prêt à prendre la tête d'un gouvernement intérimaire. "J'ai toujours mis la politique à distance (...) Mais aujourd'hui, s'il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors je le ferai", avait-il affirmé dans une déclaration écrite à l'AFP.

L'économiste de 84 ans, connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance, pionnière en la matière, s'était attiré l'inimitié persistante de Sheikh Hasina, qui l'accusait de "sucer le sang" des pauvres.

Nahid Islam, un dirigeant du collectif d'étudiants, a confirmé la décision à des journalistes après une réunion de trois heures à la présidence, qualifiant les discussions de "fructueuses". Le président Shahabuddin a accepté que le gouvernement intérimaire "soit formé dans les plus brefs délais", a-t-il déclaré.

S'adressant mardi à la presse, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré que ce gouvernement devra "respecter des principes démocratiques, l'Etat de droit et le reflet de la volonté du peuple".

Mardi, le président Shahabuddin avait par ailleurs dissous le Parlement, ce que réclamaient les étudiants protestataires et le principal parti d'opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui exige des élections d'ici trois mois.

Lundi a été la journée la plus meurtrière depuis le début du mouvement, avec au moins 122 morts, et au moins 10 autres personnes ont été tuées mardi, portant le bilan à au moins 432 morts, selon un décompte de l'AFP basé sur des sources policières, gouvernementales et médicales.

La contestation a abouti lundi au départ de Sheikh Hasina, 76 ans, contrainte de s'enfuir en hélicoptère. Elle a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu'elle ne faisait que "transiter" par le pays avant de se rendre à Londres. L'appel du gouvernement britannique à une enquête de l'ONU sur les "niveaux de violence sans précédents" au Bangladesh a cependant mis en doute cette destination.

- La police demande pardon -

Dans le pays troublé, le principal syndicat de policiers du Bangladesh a demandé "pardon" pour avoir tiré sur des étudiants, dans un communiqué publié mardi, affirmant que les policiers avaient été "forcés d'ouvrir le feu" puis présentés comme les "méchants". Il a annoncé une grève pour garantir la sécurité des forces de l'ordre.

Le chef de la police nationale a été limogé par le président Shahabuddin, ont indiqué les services du chef de l'Etat.

L'armée a procédé à plusieurs remaniements parmi ses hauts gradés, notamment en rétrogradant certains d'entre eux jugés proches de Mme Hasina.

Le chef de l'armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, avait annoncé lundi la formation prochaine d'un "gouvernement intérimaire". Après son allocution, des millions de Bangladais étaient descendus dans les rues de Dacca. Les manifestants avaient envahi le Parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et brisé des statues du père de la Première ministre déchue, Sheikh Mujibur Rahman, héros de l'indépendance du pays.

La situation a été plus calme mardi à Dacca, où la circulation a repris et les magasins ont rouvert, mais les administrations sont restées fermées.

Les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Mme Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays. Des commerces et des maisons appartenant à des hindous - un groupe considéré par certains comme proche de Mme Hasina - ont également été attaqués, selon des témoins.

L'Inde voisine, les Etats-Unis et l'Union européenne ont exprimé leurs inquiétudes après des informations faisant état d'attaques contre des minorités.

"De telles attaques contre les minorités vont à l'encontre de l'esprit fondamental du mouvement étudiant antidiscrimination", a fustigé Iftekharuzzaman, directeur de Transparency International Bangladesh.

- Khaleda Zia libérée -

Revenue au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l'issue d'une élection sans véritable opposition.

Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d'un régime réservant près d'un tiers des emplois dans la fonction publique aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance. Le gouvernement de Mme Hasina avait été accusé par les organisations de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence.

Le président avait ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations.

L'ex-Première ministre et cheffe de l'opposition Khaleda Zia, 78 ans, a été libérée mardi, selon son parti. Grande rivale de Mme Hasina, la cheffe du BNP avait été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.

Pour Thomas Kean, du think-tank International Crisis Group, les nouvelles autorités font face à un formidable défi, celui de "reconstruire la démocratie au Bangladesh, qui a été gravement abîmée ces dernières années".


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.