La chanteuse saoudienne Fulana : “La musique est ma clé pour comprendre le monde”

Nadine Lingawi est plus connue sous son nom de scène Fulana. (Fourni)
Nadine Lingawi est plus connue sous son nom de scène Fulana. (Fourni)
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Publié le Mercredi 18 décembre 2024

La chanteuse saoudienne Fulana : “La musique est ma clé pour comprendre le monde”

  • Lingawi, plus connue sous son nom de scène Fulana, parle de son tout premier album, le projet collaboratif “ground:from”
  • Pour cette artiste née à Vancouver et ayant grandi à Djeddah, ce moment marque un véritable tournant

Dubaï : “Je suis nerveuse, mais aussi très excitée”, confie Nadine Lingawi, chanteuse, compositrice et productrice. “Je sais qu’il faut donner l’impression d’être totalement maître de la situation et parfaitement préparée. Mais c’est mon tout premier album, mon premier véritable projet. Ce n'est pas une œuvre très commerciale, et l'on se demande toujours si cela va trouver son public. Pourtant, au plus profond de moi, une étrange sérénité m’habite. Je n’ai pas le moindre doute : cela marchera, parce que je fais ce que j’aime avec passion”.

Lingawi, plus connue sous son nom de scène Fulana, parle de son tout premier album, le projet collaboratif “ground:from”. Conçu en partenariat avec le duo de musique électronique Input/Output, cet opus marque le premier chapitre d’un album conceptuel en deux volets. Il est décrit avec une allure sombre et intrigante, comme une “lettre à la mort”.

Pour cette artiste née à Vancouver et ayant grandi à Djeddah, ce moment marque un véritable tournant. Ces trois dernières années, elle a consacré son énergie à faire découvrir des titres tels que “Minarets”, “Lore”, “Trouble” et “Reprobate” sous le label indépendant “Wall of Sound”. Principalement anglophone dans ses compositions, elle s’inscrit dans un univers profondément introspectif et empreint d’existentialisme. Malgré cette dimension intimiste, elle a brillé sur certaines des plus grandes scènes musicales d’Arabie saoudite, notamment au premier Festival international de jazz de Riyad en début d’année et lors de l’événement incontournable “MDLBeast XP”.


“Je n’ai jamais vraiment eu l’idée — ou même l’envie — de me produire sur scène ; pour moi, c’était plutôt un passe-temps en grandissant”, confie Lingawi, dont la famille est originaire du quartier historique d’Al-Balad, à Djeddah. “La musique était simplement un moyen d’exprimer des sentiments ou des émotions. Je n’ai jamais été très douée avec les mots ou dans les confrontations. Avec les gens de mon âge, je ressentais souvent les choses plus intensément, mais j’avais du mal à les exprimer. La musique est donc devenue mon refuge, ma clé pour comprendre le monde”. 

À l’origine, “ground:from” n’était qu’un recueil de chansons écrites par Lingawi. Elle avait demandé à Abdulmajeed Alwazna, l’un des membres du duo Input/Output, de produire une seule piste pour un album partiellement écrit. Alwazna a ensuite contacté Husam Al-Sayed, le second membre d’Input/Output et ami de Lingawi. Ensemble, les trois artistes ont revisité l’intégralité de l’album, tandis que Lingawi partageait sa vision et ses aspirations pour ce projet musical.  

“C'est un moment magique, car il est déjà incroyable que des gens veuillent vous aider à créer quelque chose”, explique Lingawi. “Mais c'est encore plus extraordinaire quand ces mêmes personnes cherchent à s'approprier le projet, car elles y mettent alors tout leur cœur”.


Les trois musiciens ont collaboré intensivement pendant deux mois et demi, avec Lingawi faisant régulièrement le trajet entre Djeddah et Riyad pour les sessions d'enregistrement. Ils se réunissaient deux à trois fois par semaine, parfois uniquement pour échanger sur la direction artistique de l’album. Ensemble, ils ont minutieusement analysé chaque sonorité qu’elle avait apportée au studio, décidant avec soin de ce qui méritait d’être conservé et de ce qui devait être écarté.

“Nous avons déconstruit chaque chanson pour en examiner l’essence, prenant ensemble des décisions comme : 'Cela ne fonctionne pas ici, il faut le changer' ou 'Ce son ne convient pas, créons-en un nouveau'“, se souvient Lingawi. “Nous avons écrit, produit et expérimenté main dans la main, et c’est grâce à cette synergie créative que ce projet a vu le jour”.

Le résultat est une œuvre atmosphérique et contemplative, une exploration profonde de la mortalité. Conçu comme un dialogue intime avec la mort, le premier chapitre invite les auditeurs à un voyage au-dessus du sol, intégrant des éléments sonores tels que le chant des grillons, le gazouillis des oiseaux, le grondement du tonnerre et d'autres sons naturels. Ces textures sonores se combinent pour évoquer une impression de “début de décomposition”, tandis que Lingawi, fidèle à son style introspectif et lyrique, s’adresse directement à la mort elle-même. 

“J'ai toujours été fascinée par la dichotomie de la vie”, confie-t-elle. “J'aime créer des sons qui semblent joyeux alors que mes paroles sont sombres, ou l'inverse. Je pense que cette dualité crée un équilibre, celui que nous cherchons constamment à atteindre dans la vie. Depuis mon plus jeune âge, l'idée de fin et de début m'intrigue profondément. Cela a toujours façonné ma perception du monde et nourrit les réflexions qui occupent souvent mon esprit”. 

“Mais dans cet album, la mort ne se limite pas à l’idée de décomposition ou à nos âmes qui nous quittent. Elle incarne aussi la mort des causes, de l’humanité, des sentiments, ou encore des chapitres de nos vies. C’est davantage une exploration de la fin et du romantisme qui l’entoure. D’une certaine manière, c’est un reflet de moi-même, car j’ai tendance à idéaliser les fins bien plus qu’à savourer les bons côtés des choses. Le premier chapitre exprime ce désir de tension, cette quête de l’unique chose que je ne pourrai jamais atteindre. Dans le deuxième chapitre, cependant, nous faisons un pas en arrière et prenons conscience des conséquences de cette quête : celle de ne pas avoir su apprécier les moments pour ce qu’ils étaient, tant qu’ils étaient encore vivants”.

Le chant de Lingawi, souvent hypnotique par sa clarté émotionnelle, s’entrelace harmonieusement avec les synthés profonds et les guitares ambiants d’Input/Output. Le duo, connu pour sa maîtrise des structures rythmiques et des paysages sonores cinématographiques, contribue à créer un univers musical intensément ancré dans les thèmes profonds de l’album. Le premier chapitre explore principalement la mélancolie de l’amour, la fugacité de la vie et les cycles de perte et de renaissance. Dans le second chapitre, prévu pour le début de l’année prochaine, le trio plonge sous terre, abordant une conversation avec la mort plus sombre, plus brute et intensément honnête.

Le parcours musical de Lingawi a débuté dès son enfance, bercée par les chansons diffusées à la radio lors des trajets en voiture avec sa mère. À 17 ans, elle a commencé à partager sa propre musique en ligne, fruit de ses premières expérimentations avec GarageBand et d’un amour profond pour la poésie slam, qui l’accompagne depuis l’âge de 14 ans.

Pour préserver son anonymat, elle a choisi le nom Fulana, qui signifie “femme anonyme” en arabe.  

“Fulana, c’était ma façon un peu impertinente de dire : ‘Je vais mettre ma musique en ligne, et personne ne saura que c’est moi’”, explique-t-elle. “J’ai voulu garder ce nom, car il m’a permis, non pas de me dissocier, mais d’encourager les gens à se concentrer sur ce que je dis et sur les histoires que je raconte, plutôt que sur ma personne. Cela reste une partie essentielle de qui je suis en tant que musicienne. Je n’ai pas vraiment envie que l’attention soit portée sur moi en tant qu’individu. Cela ne m’intéresse pas tellement”, confie-t-elle. “Ce qui compte, c’est la musique. Si nous pouvions nous concentrer uniquement sur elle, et non sur moi, ce serait parfait”.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Vers l’infini et au‑delà – Goldorak, 50 ans d’inspiration

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  •  50 ans après sa création, la série animée Goldorak continue de marquer l’imaginaire arabe
  • Arab News Japan s’entretient avec son créateur Go Nagai, des fans du Moyen-Orient, et revient sur l’histoire du robot OVNI chargé de protéger notre planète

​​​​​​LONDON: Peu d’importations culturelles ont franchi les frontières de manière aussi inattendue — et aussi puissante — que Goldorak, le robot géant japonais qui, il y a un demi-siècle, est devenu un héros de l’enfance à travers le monde arabe, et plus particulièrement en Arabie saoudite.

Créé au Japon au milieu des années 1970 par le mangaka Go Nagai, Goldorak s’inscrivait dans la tradition des « mecha », ces récits de robots géants. Le genre, façonné par l’expérience japonaise de la Seconde Guerre mondiale, explorait les thèmes de l’invasion, de la résistance et de la perte à travers le prisme de la science-fiction.

Si la série a rencontré un succès modéré au Japon, c’est à des milliers de kilomètres de là, au Moyen-Orient, que son véritable héritage s’est construit.

L’anime « UFO Robot Goldorak » est arrivé à la télévision dans la région en 1979, doublé en arabe et diffusé pour la première fois au Liban, en pleine guerre civile. L’histoire du courageux Actarus, prince exilé dont la planète a été détruite par des envahisseurs extraterrestres, a profondément résonné chez les enfants grandissant dans un contexte de conflits régionaux et d’occupation par Israël.

Ses thèmes — la défense de la patrie, la résistance à l’agression et la protection des innocents — faisaient douloureusement écho aux réalités de la région, transformant la série d’un simple divertissement en un véritable refuge émotionnel.

Une grande partie de l’impact de la série tenait à la réussite de son arabisation. Le doublage arabe puissant et le jeu vocal chargé d’émotion, notamment celui de l’acteur libanais Jihad El-Atrash dans le rôle d’Actarus, ont conféré à la série une gravité morale inégalée par les autres dessins animés de l'époque.

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Au début des années 1980, « Grendizer » s'était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. (Fourni)

Le générique de la série, interprété par Sami Clark, est devenu un hymne que le chanteur libanais a continué à interpréter lors de concerts et de festivals jusqu’à son décès en 2022.

Au début des années 1980, Goldorak s’était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. Pour beaucoup, il s’agissait non seulement d’un premier contact avec les anime japonais, mais aussi d’une source d’enseignements sur des valeurs telles que la justice et l’honneur.

L’influence de Goldorak dans la région a été telle qu’il a fait l’objet de recherches universitaires, qui ont non seulement mis en lumière la manière dont le sort des personnages résonnait auprès du public du Moyen-Orient, mais ont aussi relié sa popularité aux souvenirs générationnels de l’exil, en particulier à la Nakba palestinienne.

Un demi-siècle plus tard, Goldorak demeure culturellement vivant et pertinent dans la région. En Arabie saoudite, qui avait pleinement adopté la version originale de la série, Manga Productions initie aujourd’hui une nouvelle génération de fans à une version modernisée du personnage, à travers un jeu vidéo, The Feast of The Wolves, disponible en arabe et en huit autres langues sur des plateformes telles que PlayStation, Xbox et Nintendo Switch, ainsi qu’une nouvelle série animée en langue arabe, «  Goldorak U », diffusée l’an dernier.

Cinquante ans après les débuts de la série, « Goldorak » est de retour — même si, pour toute une génération de fans de la série originale, dont les étagères regorgent encore de produits dérivés et de souvenirs, il n’est en réalité jamais vraiment parti.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


En ce Noël, unissons-nous pour souhaiter la paix dans toute la région

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  • Noël au Moyen-Orient incarne un message puissant d’harmonie interconfessionnelle, de résilience et de respect mutuel
  • De Bethléem à Riyad, les célébrations deviennent un acte d’espoir partagé et un appel sincère à la paix régionale

RIYAD : Fidèle à une tradition initiée en décembre 2022, Arab News souhaite un joyeux Noël à ses lecteurs chrétiens et à tous ceux qui célèbrent cette fête. Cette édition spéciale met cette année en lumière Noël à travers le Moyen-Orient, en soulignant l’harmonie interconfessionnelle, la résilience et l’intégration culturelle. Le tout est porté par un message particulier, sincère et plein d’espoir : voir la paix se diffuser dans toute la région en 2026.

En tête de cette couverture figure une tribune exclusive du grand érudit Dr Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale et président de l’Organisation des savants musulmans. Son message rappelle un principe essentiel : « Il n’existe aucun texte de la charia interdisant de féliciter les non-musulmans à l’occasion de leurs fêtes religieuses, y compris Noël. » Il présente cette bienveillance non comme un affaiblissement de la foi, mais comme l’expression de sa force — une force qui affirme la dignité humaine et favorise l’harmonie sociale si nécessaire aujourd’hui.

Ce même esprit de solidarité face à la souffrance résonne depuis Bethléem, où le pasteur palestinien, le révérend Dr Munther Isaac, explique que le christianisme palestinien est indissociable de l’identité nationale. En réponse à la dévastation de Gaza, sa communauté a érigé une crèche faite de gravats, l’enfant Jésus enveloppé dans un keffieh. « C’était un message de foi », affirme-t-il. « Le Christ est solidaire de ceux qui souffrent… parce qu’il est né dans la souffrance. »

De cette profondeur naissent aussi des récits de renouveau. À Damas, les illuminations festives réapparaissent alors que des Syriens de toutes confessions s’accrochent à une paix fragile. Au Liban, les célébrations percent la morosité politique par des instants de joie. En Jordanie, les espaces publics s’illuminent de sapins et des hymnes de Noël de Fairouz, tandis qu’aux Émirats arabes unis, la diaspora multiculturelle s’anime dans une effervescence festive et unitaire.

La profondeur historique et intellectuelle de l’héritage chrétien de la région est mise en lumière par le Dr Abdellatif El-Menawy, qui rappelle le rôle indispensable de l’Égypte dans la transformation du christianisme, passé d’un message spirituel à une véritable civilisation. Cet héritage ancien trouve aujourd’hui une expression moderne et dynamique.

En Arabie saoudite, la période des fêtes est reconnue à travers une hospitalité innovante, où des chefs réinventent les menus de Noël en y intégrant des saveurs locales et une identité culinaire créative.

Cette édition spéciale offre bien plus qu’une simple atmosphère festive. Elle dépeint un Moyen-Orient où les différentes confessions approfondissent leurs propres racines en respectant celles des autres, où les célébrations sont tissées de résistance historique, et où le message de Noël — espoir, paix et humanité partagée — résonne avec confiance et optimisme.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le prince héritier parraine le lancement d’un centre de calligraphie arabe à Médine

Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
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  • Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz

RIYAD : Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes à Médine lundi.

Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz, gouverneur de la région de Médine.

Il était accompagné du ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdallah ben Farhane, qui a visité les espaces d’exposition du nouveau centre et assisté à des présentations sur la programmation culturelle et les réalisations du centre.

Ils ont également découvert des collections mettant en valeur l’importance artistique et historique de la calligraphie arabe.

Lors de l’inauguration, le prince Badr a déclaré : « Depuis cette terre d’érudition et de savoir, nous lançons fièrement une plateforme mondiale dédiée à la calligraphie arabe, un patrimoine culturel inestimable. »

Il a ajouté que le soutien « généreux et illimité » du prince héritier envers le secteur culturel avait rendu ce projet possible.

Le ministre a précisé que le centre montrait au monde l’héritage de la calligraphie arabe tout en soulignant l’engagement de l’Arabie saoudite à préserver son identité et son patrimoine culturel.

Selon le prince Badr, le centre représente une vision ambitieuse visant à élever la calligraphie arabe comme outil universel de communication et élément central de l’héritage, de l’art, de l’architecture et du design arabes.

Le centre a également pour objectif de renforcer l’identité culturelle du Royaume et sa présence internationale, en ciblant calligraphes, talents émergents, artistes visuels, chercheurs en arts islamiques, institutions éducatives et culturelles, ainsi que les passionnés d’art et de patrimoine à travers le monde.

Il proposera des programmes spécialisés, incluant services de recherche et d’archivage, enseignement de la calligraphie, bourses académiques, musée permanent, expositions itinérantes, association internationale de calligraphie et incubateur soutenant les entreprises liées à la calligraphie.

D’autres initiatives incluent des programmes de résidence d’artistes, des ateliers dirigés par des experts, l’élaboration de programmes pédagogiques standardisés, ainsi que des partenariats éducatifs internationaux visant à la conservation du patrimoine et à la promotion mondiale de cet art ancestral.

L’établissement du centre à Médine revêt une signification particulière, compte tenu du rôle historique de la ville comme berceau de la calligraphie arabe et de son association avec la transcription du Coran et la préservation du savoir islamique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com