France : face au revirement américain, Macron relance le débat sur une dissuasion européenne

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Publié le Samedi 01 mars 2025

France : face au revirement américain, Macron relance le débat sur une dissuasion européenne

  • Cependant, le scénario d'une dissuasion nucléaire européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l'autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine. Depuis son origine dans les années 1960, la dissuasion française voulue par le général
  • Cependant, le scénario d'une dissuasion nucléaire européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l'autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine.

PARIS : Face au spectaculaire rapprochement des États-Unis de Donald Trump avec la Russie, Emmanuel Macron a remis sur la table l'idée très sensible d'un partage de la dissuasion nucléaire française au niveau européen, qui divise la classe politique.

Le président français, à la tête d'une des deux puissances nucléaires en Europe avec le Royaume-Uni, s'est dit prêt à « ouvrir la discussion » sur une dissuasion nucléaire européenne, après l'affrontement verbal entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky vendredi à Washington. Cet affrontement laisse craindre un désengagement des États-Unis en Ukraine et une rupture historique de leur alliance avec les Européens.

Emmanuel Macron répondait au futur chancelier allemand Friedrich Merz, qui a jugé nécessaire que l'Europe se prépare « au pire scénario », celui d'une Otan dépourvue de la garantie de sécurité américaine, y compris nucléaire.

Marine Le Pen, leader du Rassemblement national (RN, extrême droite), considère toutefois que les États-Unis restent « évidemment » un allié de la France au sein de l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique nord), cette alliance militaire entre pays européens, États-Unis et Canada.

« Sortons-nous de l'Otan ? Non, bien sûr, ceux qui disent cela ne sont pas des gens raisonnables. »

- « Servilité atlantiste » -

Et donc, la dissuasion nucléaire de la France doit rester « française » et « on ne doit pas la partager », a-t-elle estimé samedi en marge du Salon de l'agriculture, en minimisant la portée des échanges très tendus entre le président américain et son homologue ukrainien, la veille dans le Bureau ovale. « C'est assez normal », a-t-elle estimé, parce que « le chemin de la paix est un chemin qui est difficile ».

Sans se prononcer directement sur la dissuasion nucléaire, le chef de file de La France insoumise (LFI, gauche radicale) Jean-Luc Mélenchon a estimé sur son blog qu'il fallait « faire obstacle » à « l'Europe de la défense ».

Selon lui, les Européens ont reçu avec cette altercation Trump-Zelensky ce qu'ils méritaient. La « servilité atlantiste » des Européens est « payée par un mépris qui les laisse transis de peur ».

Sans surprise, l'idée d'un partage de la dissuasion est soutenue par les plus pro-européens au sein de la classe politique. « Les ennemis de l'Europe doivent savoir que nos partenaires, ceux qui partagent nos valeurs, bénéficient du parapluie nucléaire français », a estimé sur la radio France Inter Valérie Hayer, ex-candidate du camp présidentiel aux élections européennes et actuelle présidente du groupe Renew (centristes) au Parlement européen.

« La France a un rôle immense à jouer parce qu'elle est la seule puissance dotée de l'arme nucléaire de l'Union européenne, parce qu'elle a une industrie de défense puissante », a abondé sur le média audiovisuel franceinfo l'eurodéputé social-démocrate Raphaël Glucksmann.

« Nous changeons d'époque », a souligné sur X l'ancien Premier ministre Michel Barnier (LR, droite) qui, sans évoquer le nucléaire, plaide pour un « aggiornamento stratégique » en Europe, avec par exemple la création d'un « conseil de sécurité européen ».

- Autonomie de décision -

Une quinzaine de dirigeants européens doivent se retrouver lors d'un sommet dimanche à Londres, auquel participera le président ukrainien. Ils y aborderont les actions à mener concernant l'Ukraine et la sécurité, et sans doute s'interrogeront-ils sur leurs alliances.

Cependant, le scénario d'une dissuasion nucléaire européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l'autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine.

Depuis son origine dans les années 1960, la dissuasion française voulue par le général de Gaulle se veut complètement indépendante et repose sur l'appréciation par un seul homme, le président de la République, d'une menace contre les intérêts vitaux du pays.

En février 2020, Emmanuel Macron avait mis en avant « la dimension authentiquement européenne » des intérêts vitaux français, suscitant des débats. Vendredi, il a en même temps relevé que « sa doctrine nucléaire garde un certain mystère parce que l'ambiguïté fait partie de son efficacité ».

La France ne va donc pas dévoiler par avance où elle pourrait frapper, « c'est le choix du chef des armées », c'est-à-dire du président, a-t-il ajouté.

L'idée d'une dissuasion nucléaire européenne pose aussi la question de la crédibilité d'un parapluie franco-britannique. Selon l'institut Sipri, la France dispose de 290 têtes nucléaires, le Royaume-Uni de 225, contre 3 708 pour les États-Unis.

 


Ukraine: Zelensky accueilli par Macron à Paris pour faire le point sur les négociations

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine. (AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine. (AFP)
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  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée
  • Cette nouvelle visite en France, la dixième depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, intervient au lendemain de discussions entre délégations américaine et ukrainienne en Floride

PARIS: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine, a constaté un journaliste de l'AFP.

Cette nouvelle visite en France, la dixième depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, intervient au lendemain de discussions entre délégations américaine et ukrainienne en Floride, et à la veille d'une rencontre à Moscou entre l'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, et le président russe Vladimir Poutine.

 


La France fixe une nouvelle doctrine d'intervention en mer contre les traversées clandestines vers l'Angleterre

Un bateau de la Gendarmerie maritime française navigue à proximité de bateaux de passeurs transportant des migrants qui tentent de traverser la Manche au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 27 septembre 2025. (AFP)
Un bateau de la Gendarmerie maritime française navigue à proximité de bateaux de passeurs transportant des migrants qui tentent de traverser la Manche au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 27 septembre 2025. (AFP)
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  • La France prévoit de lancer prochainement des opérations en mer pour intercepter les “taxi-boats” transportant clandestinement des migrants vers l’Angleterre
  • Cette initiative intervient après une hausse des traversées de la Manche, avec plus de 39 000 arrivées en 2025

LILLE: Après des mois de discussions, la France a annoncé vendredi qu'elle allait débuter "prochainement" des opérations visant à intercepter en mer des petits bateaux clandestins en chemin vers l'Angleterre, avant qu'ils n'embarquent des groupes de migrants.

Ce changement de doctrine engagé par Paris sous pression de Londres était en gestation depuis plusieurs mois.

Les forces de l'ordre françaises peinent à trouver la parade face aux "taxi-boats", un mode d'action des passeurs consistant à faire partir une embarcation d'un point éloigné des principales plages de départ où sont rassemblés les migrants.

Le taxi-boat s'approche ensuite du rivage et vient récupérer des passagers directement dans l'eau, avant de poursuivre sa route vers l'Angleterre.

"La Gendarmerie maritime sera bientôt en mesure d'effectuer des opérations de contrôle et d'intervention en mer, sur des embarcations soupçonnées d'être des taxi-boats", a déclaré à l'AFP la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar), confirmant des informations du journal Le Monde.

Le quotidien évoque un document signé par le préfet maritime mais aussi ceux du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais.

Le ministère de l'Intérieur français n'a pas souhaité réagir.

Côté britannique, un porte-parole du gouvernement a simplement rappelé vendredi à l'AFP que Londres a "déjà travaillé à s'assurer que les autorités en France réforment leurs tactiques en mer afin qu'elles puissent intervenir dans les eaux peu profondes".

- Pas de filets à ce stade -

Actuellement, une fois une embarcation clandestine en mer, seul le dispositif de secours intervient en cas de besoin, en raison des risques que présentent ce type d'opérations, comme prévu par les conventions internationales.

Désormais, il pourra aussi y avoir des "opérations de contrôle et d'intervention (...) issues d'études menées par l'ensemble des services de l’État concernés", a précisé la Prémar. Elles "comportent des dispositions prenant en compte la primauté de la sauvegarde de la vie humaine".

Ces futures opérations de la gendarmerie maritime sont prévues en amont de l'embarquement de passagers, pour ne pas mettre leurs vies en péril, selon une source proche du dossier.

"L'ensemble des travaux sur le sujet se fait en lien avec les parquets concernés", a souligné à l'AFP la procureure de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Cécile Gressier.

En outre, la Prémar précise que "l'emploi de filets visant à stopper le taxi-boat n'est pas envisagé à ce stade".

Cette méthode, mentionnée la semaine dernière dans la presse, avait soulevé l'indignation d'associations d'aide aux migrants et d'ONG comme Amnesty International.

Pour le professeur de droit international Thibaut Fleury-Graff, "les interceptions sont susceptibles d'être contraires au droit de quitter tout pays" inscrit dans le Pacte de l'ONU sur les droits civils et politiques, et doivent respecter "l'ensemble des droits de la personne humaine".

Les taxi-boats embarquent leurs passagers sur une ou plusieurs haltes et repartent en direction de l'Angleterre surchargés, transportant régulièrement plus de 70 candidats à l'exil dans des conditions périlleuses.

Au moins 27 migrants sont morts cette année lors de ces dangereuses tentatives de traversées de la Manche, selon un décompte de l'AFP.

Après le pire naufrage dans la Manche, qui a fait 31 morts en novembre 2021, le parquet de Paris a demandé vendredi un procès en correctionnelle pour 14 hommes, nés pour la plupart en Afghanistan et en Irak, soupçonnés d'être impliqués dans des réseaux de passeurs à l'origine du drame.

Depuis le 1er janvier, plus de 39.000 personnes sont arrivées sur les côtes anglaises à bord de petites embarcations, selon les données britanniques, soit plus que sur la totalité de 2024.

Plus de la moitié des personnes arrivées clandestinement au Royaume-Uni entre septembre 2024 et septembre 2025 sont de cinq nationalités: Érythréens (la nationalité la plus représentée), Afghans, Iraniens, Soudanais et Somaliens.

Le gouvernement travailliste britannique, sous pression de l'extrême-droite, a annoncé ce mois-ci une réforme qui durcit fortement sa politique d'asile et d'immigration, espérant ainsi décourager les arrivées irrégulières de migrants sur ces "small boats", qu'il peine à endiguer.


France: des ONG inquiètes d'une baisse de l'aide au développement

Le docteur Bertrand Chatelain (à gauche), de l'ONG Médecins du Monde (MdM), examine un réfugié lors d'une opération de maraudage dans le camp de migrants du quartier Stalingrad à Paris, le 12 juillet 2023. (AFP)
Le docteur Bertrand Chatelain (à gauche), de l'ONG Médecins du Monde (MdM), examine un réfugié lors d'une opération de maraudage dans le camp de migrants du quartier Stalingrad à Paris, le 12 juillet 2023. (AFP)
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  • Plusieurs ONG françaises alertent sur un désengagement de la France en matière d’aide au développement, dans un contexte mondial déjà marqué par une baisse générale de la solidarité internationale
  • Les organisations humanitaires redoutent des conséquences majeures pour des millions de personnes

PARIS: Plusieurs ONG françaises, dont Médecins du Monde, ont critiqué vendredi un "désengagement croissant" de Paris envers la solidarité internationale, le gouvernement entendant amputer, dans le prochain budget, l'aide au développement de 700 millions d'euros, dans un contexte international tendu.

Sandrine Simon, directrice santé et plaidoyer de Médecins du Monde, critique une décision qui va "à l'encontre des engagements" de la France dans ce secteur. Elle évoque sa "grande inquiétude" et son "incompréhension".

En France, où l'aide publique au développement a été réduite ces dernières années, les coupes envisagées dans le projet de loi de finances 2026 s'élèvent à 700 millions d'euros, pour un montant alloué de 3,7 milliards d'euros.

"A chaque fois qu'il y a ne serait-ce qu'un million d'euros qui est coupé, on sait qu'il y a des milliers, voire des millions de personnes derrière qui sont affectées", alerte Anne Bideau, directrice générale de Plan International France, rappelant une "tendance à la baisse de l'aide publique au développement un peu partout dans le monde".

"on sait que les conséquences vont être dramatiques, donc on est extrêmement inquiets", ajoute Mme Bideau auprès de l'AFP.

Début 2025, le démantèlement de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), sous l'impulsion du président républicain Donald Trump, avait provoqué une onde de choc internationale.

Mais la fin de l'USAID avait mis en exergue une tendance de fond: le montant accordé par 32 pays riches de l'OCDE et l'Union européenne à l'aide au développement a diminué en 2024 de 7,1% (en terme réel) à 212,1 milliards de dollars, selon une estimation de l'OCDE, une première en six ans.

"On a des crises à répétition, le Soudan, Gaza etc. Il y a une augmentation des besoins et il y a une réduction de l'aide", déplore pour sa part Stéphane Doyon, de Médecins Sans Frontières, ONG qui n'est pas financée par le gouvernement français.

En France, cette coupe est justifiée "par l'effort nécessaire sur les finances publiques - et pas pour des raisons idéologiques comme aux Etats-Unis", affirme une source diplomatique à l'AFP, rappelant qu'elle n'a pas encore été votée.

"Entre la loi de finances 2024 et le projet de loi de finances 2026, on aurait une baisse de moitié de l'aide publique au développement", a calculé la Coordination Sud, qui regroupe des associations françaises de solidarité internationale.

Avec des conséquences concrètes pour les ONG qui comptent sur le soutien de l'Etat.

"Nous espérions recevoir de l'argent de l'Agence française de développement qui vient de nous annoncer qu'ils ne nous soutiendraient pas l'année prochaine", explique Sandrine Simon, de Médecins du Monde, au moment où l'ONG elle-même programme avec "un niveau d'incertitudes très important ce budget 2026, bien au-delà des années passées."

Dans le pire des scénarios, avec des coupes budgétaires massives, plus de 22 millions de personnes pourraient mourir de causes évitables d'ici à 2030, selon une étude menée par des chercheurs espagnols, brésiliens et mozambicains.