Face à Trump, Bayrou virulent, Macron en diplomatie

Le président français Emmanuel Macron (à droite) et le Premier ministre français François Bayrou (à gauche) assistent aux commémorations marquant les 10 ans de l'attentat islamiste contre le journal satirique Charlie Hebdo à Paris, le 7 janvier 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à droite) et le Premier ministre français François Bayrou (à gauche) assistent aux commémorations marquant les 10 ans de l'attentat islamiste contre le journal satirique Charlie Hebdo à Paris, le 7 janvier 2025. (AFP)
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Publié le Samedi 08 mars 2025

Face à Trump, Bayrou virulent, Macron en diplomatie

  • Le ton offensif de François Bayrou contraste avec celui plus modéré d'Emmanuel Macron
  • Jeudi soir, à l'issue d'un sommet extraordinaire de l'Union européenne à Bruxelles sur la défense et l'Ukraine, Emmanuel Macron a même assuré que la France était un "allié loyal et fidèle" de Washington

PARIS: Deux partitions françaises vis-à-vis de Donald Trump ou chacun dans son rôle ? Le ton offensif de François Bayrou contraste avec celui plus modéré d'Emmanuel Macron, qui négocie tous azimuts sur l'Ukraine pendant que son Premier ministre prépare l'opinion à un budget très ardu, orienté défense.

Dans son allocution télévisée mercredi soir, le chef de l'Etat a visé nommément son homologue russe Vladimir Poutine mais n'a pas cité Donald Trump. Et s'il a alerté sur la "menace russe", il ne s'est pas attardé sur les risques créés par une administration américaine en plein rapprochement avec Moscou.

Jeudi soir, à l'issue d'un sommet extraordinaire de l'Union européenne à Bruxelles sur la défense et l'Ukraine, Emmanuel Macron a même assuré que la France était un "allié loyal et fidèle" de Washington, et qu'elle avait "respect et amitié" pour Donald Trump - une manière aussi de "réclamer la même chose" en retour.

Son Premier ministre s'est lui montré beaucoup plus pugnace, devant le Parlement puis vendredi sur Europe 1 et CNews, en accusant le milliardaire républicain d'opérer un "renversement des alliances".

Sans aller jusqu'à le qualifier d'ennemi, François Bayrou lui a "donné tort" de "renverser les lois qui faisaient que nous vivions en paix" et de "faire de ses alliés des adversaires et des ennemis".

Il s'est aussi demandé si on pouvait encore qualifier le président américain d'allié, dès lors qu'il a décidé "de passer dans le camp" des "adversaires" de l'Europe, en provoquant une "destruction de l'ordre international".

- "Plus mollo" -

Chacun joue sa partition naturelle, plus diplomatique pour le chef de l'Etat, plus tournée vers l'opinion française pour le Premier ministre.

"La parole qui fait foi sur l'international c'est celle du président", rappelle l'entourage d'Emmanuel Macron.

Pour l'Elysée, la priorité est de mettre en accusation la Russie, réelle "menace existentielle" pour les Européens à ses yeux, tandis que les États-Unis, eux, "n'attaquent pas la France" malgré les bouleversements géopolitiques en cours.

Surtout, Emmanuel Macron doit garder le contact et l’oreille de Donald Trump pour arracher une place à la table des négociations entre le président américain et Vladimir Poutine, et un accord de paix "durable" que les Européens et l'Ukraine veulent assorti de solides "garanties de sécurité".

Après le sommet extraordinaire de l'Union européenne sur la défense et l'Ukraine, le président français a encore téléphoné à son homologue américain.

Le chef de l'Etat "a une obligation d’y aller plus mollo parce c'est son domaine réservé", explique l'entourage de François Bayrou, qui défend une relation de "co-responsabilité" avec le président dont il respecte les prérogatives sur la politique étrangère et la défense.

"Un certain nombre de gens aimeraient qu'il y ait une querelle, une guerre" au sommet de l'État, mais "c'est impossible (...) parce que la situation du pays est trop grave", a assuré le chef du gouvernement vendredi.

- "Bad cop" -

Le Premier ministre joue au "bad cop", le rôle du méchant, pour "établir un rapport de force", avance le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.

Il a aussi "besoin de maximiser" la menace géopolitique "pour faire passer l'agenda budgétaire, arriver à contenir le Rassemblement national et plus marginalement le Parti socialiste", ajoute-t-il.

Or, de l'aveu même de François Bayrou, le prochain budget pour 2026 relève de la "quadrature du cercle" car il devra intégrer une hausse importante des dépenses militaires tout en réduisant le déficit public. Et sans augmenter les impôts, a martelé mercredi Emmanuel Macron.

Le chef du gouvernement veut "garder son équilibre politique" pour rester en place et "faire en sorte que l’Ukraine ne soit plus un sujet de discussion, afin qu'on soit tous embarqués contre nos adversaires", explique M. Moreau-Chevrolet.

La patronne du Rassemblement national Marine Le Pen, dont la base électorale est divisée sur Donald Trump, a jugé, elle, vendredi que "la première des menaces" pour la France n'était pas la Russie mais "le fondamentalisme islamiste", saluant un président américain qui "tient ses promesses".


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
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  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.

 


Lecornu face à l'Assemblée, son gouvernement suspendu à la réforme des retraites

 C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
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  • Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00
  • Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement

PARIS: C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure.

Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00. Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement.

Mais c'est à partir de 15H00 que les choses se joueront, à la tribune de l'Assemblée nationale, avec sa déclaration de politique générale. Les responsables des groupes parlementaires pourront ensuite lui répondre avant qu'il ne reprenne une dernière fois la parole.

Si l'exercice impose qu'il aborde de nombreux sujets cruciaux pour le pays, l'attention sera focalisée sur les retraites.

"Nous demandons clairement la suspension immédiate et complète de la réforme" de 2023, adoptée sans vote au prix d'un recours au 49.3, a martelé lundi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

La question est délicate pour Sébastien Lecornu, dont la priorité est de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année".

Même le camp présidentiel est divisé sur la question: si certains ne veulent pas voir détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, d'autres espèrent une suspension pour tenter de sortir de la crise politique.

"Il faut bouger clairement sur les retraites et j'espère que le Premier ministre le fera demain", a ainsi estimé lundi le député macroniste Charles Sitzenstuhl.

Selon des sources gouvernementales et parlementaires, Sébastien Lecornu invitera mardi à Matignon les ministres et députés du camp gouvernemental, avant de se rendre à l'Assemblée prononcer son discours.

"Pente naturelle" 

Le PS tiendra un Bureau national à 13H00, a-t-on appris auprès d'une source socialiste. Et se retrouve sous la pression des autres oppositions, RN et LFI en tête.

"C'est le moment de vérité", a lancé lundi le patron du RN Jordan Bardella. Le gouvernement "va évidemment tomber puisqu'il n'y a aucune possibilité de suspension des retraites avec les gens qui sont là-dedans", a jugé pour sa part le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.

A ce stade, deux motions de censure ont été déposées, par LFI et des alliés de gauche, et par la coalition RN/UDR, le parti d'Eric Ciotti.

Le PS pourrait décider de déposer sa propre motion mardi après le discours de politique générale.

Le choix des socialistes sera décisif: leurs voix feraient presque assurément pencher la balance de la censure, qui nécessite 289 voix.

Si tout le reste de la gauche (insoumis, écologistes et communistes) et l'alliance RN-UDR votaient une censure, il ne faudrait même qu'une vingtaine de voix du PS pour faire tomber le gouvernement.

Une équation qui interroge un conseiller de l'exécutif: "est-ce que Faure tient le groupe?"

"On a peut-être une douzaine, une dizaine de députés, qui voteront quand même" la censure, même si le groupe appelait à s'abstenir, a commenté sur LCP le porte-parole des députés socialistes Romain Eskenazi.

Il estime toutefois que si le gouvernement accède à des demandes sur les "retraites, le pouvoir d'achat et la fiscalité", il sera épargné.

"Je pense que la pente naturelle des députés est de dire +franchement, on sanctionne tout ça+", résume une source au sein du groupe. Selon lui, "en leur for intérieur", les députés socialistes sont partagés alors que "les Français sont aussi fatigués" par la crise politique et "qu'ils nous demandent de nous entendre".

D'autant que le PS escompte décrocher d'autres victoires dans l'hémicycle.

L'objectif du projet de budget est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu de 4,7% initialement prévu, un assouplissement qui laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.

"Sur ces bases là, nous allons pouvoir réviser complètement la copie qui va être présentée en Conseil des ministres", a estimé lundi Olivier Faure.


Gouvernement Lecornu: «le devoir de tous c'est d'oeuvrer à la stabilité», exhorte Macron

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
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  • Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin
  • Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté

CHARM EL-CHEIKH: Emmanuel Macron a appelé lundi les forces politiques à "oeuvrer à la stabilité" et non à "faire des paris sur l'instabilité", au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, déjà menacé de censure par LFI et le RN.

"Je trouve que beaucoup de ceux qui ont nourri la division, les spéculations, n'ont pas été au niveau du moment où vit la France et de ce qu'attendent les Françaises et les Français", a insisté le chef de l'Etat à son arrivée en Egypte où il assiste à un "sommet pour la paix" à Gaza.

"Les forces politiques qui ont joué la déstabilisation de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre", a-t-il martelé.

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté.

M. Lecornu, reconduit vendredi, avait été contraint à la démission il y a une semaine, en voyant sa coalition gouvernementale voler en éclats avec la fronde des Républicains (LR).

Face à ce chaos politique, M. Macron a demandé "à tout le monde de se ressaisir, de travailler avec exigence, respect". Et, interrogé sur une possible dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, il a assuré ne "faire aucun pari".

"Je souhaite que le pays puisse avancer dans l'apaisement, la stabilité, l'exigence et le service des Français", a encore déclaré le président.