Trump mise sur Riyad pour amorcer un processus de paix

Le président américain Donald Trump s'entretient avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane lors d'un sommet du G20 au Japon. (Reuters)
Le président américain Donald Trump s'entretient avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane lors d'un sommet du G20 au Japon. (Reuters)
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Publié le Lundi 12 mai 2025

Trump mise sur Riyad pour amorcer un processus de paix

Trump mise sur Riyad pour amorcer un processus de paix
  •  Le partenariat avec l'Arabie saoudite et le CCG devrait être au cœur de la nouvelle politique américaine au Moyen-Orient
  •  Ils partagent les mêmes objectifs de paix régionale et de prospérité partagée

La décision du président Donald Trump de choisir l’Arabie saoudite comme première destination de sa tournée internationale pourrait marquer un tournant pour la région et servir les intérêts des États-Unis. Intervenant dès les débuts de son mandat, cette visite pourrait poser les bases d’une nouvelle approche américaine au Moyen-Orient, plus attentive aux dynamiques régionales. Trump, en concertation avec les dirigeants du Conseil de coopération du Golfe (CCG), pourrait ainsi tracer une nouvelle voie vers la paix et la prospérité, rompant avec les cycles de conflit et de tensions.

Au cœur des discussions: le commerce, les investissements, la coopération sécuritaire et la résolution des conflits régionaux. Les États-Unis et les pays du CCG jouent un rôle central dans l’économie mondiale. Tous partagent les bénéfices d’une conjoncture favorable, mais subissent également les effets des ralentissements économiques. Alors que le FMI a récemment revu à la baisse ses prévisions de croissance et que J.P. Morgan estime à 60% le risque d’une récession, le sommet pourrait représenter une opportunité pour infléchir cette tendance.

Cependant, des tensions subsistent. La dépréciation récente du dollar américain a eu des répercussions sur les économies du CCG, dont les exportations – principalement libellées en dollars – en ont pâti. À cela s’ajoutent les effets négatifs des droits de douane américains, notamment ceux imposés depuis 2018 sur l’aluminium et l’acier, ainsi que la récente hausse de 10% sur d'autres produits exportés vers les États-Unis.

Pour remédier à ces déséquilibres, un nouvel accord commercial est nécessaire, avec des réductions tarifaires réciproques et une promotion agressive des investissements. Alors que les États-Unis semblent sceptiques à l'égard du système commercial mondial, Riyad devrait mettre l'accent sur l'octroi mutuel du statut de «nation la plus favorisée» et explorer la possibilité d'étendre le traitement national à l'investissement et aux services. Le résultat serait spectaculaire non seulement pour la croissance du commerce et des investissements entre le CCG et les États-Unis, mais il pourrait également envoyer un message positif pour inverser les tendances négatives mondiales.

En ce qui concerne la sécurité, les deux parties devraient renouveler leur engagement en faveur de la sécurité mutuelle, de la paix et de la stabilité de la région, mais la situation mondiale et régionale tendue exige davantage. Elles ont déjà mis en place un cadre de partenariat stratégique, qui a été approuvé avec enthousiasme lors du premier sommet de Trump à Riyad en 2017, mais qui s'est depuis atrophié. Il faut le redynamiser en convoquant d'urgence les plus de dix groupes de travail conjoints sur des questions telles que la sécurité régionale, la sécurité maritime, la défense aérienne et la lutte contre le terrorisme. Les réunions et les visites de sites récemment organisées par les experts nucléaires des États-Unis et du CCG constituent un bon début de coopération dans ce domaine, qu'il convient d'encourager.

Trump a déclaré qu'il aspirait à mettre fin aux guerres et à faire la paix. Riyad sera le bon endroit pour lancer cela cette semaine. En commençant par Gaza, le cessez-le-feu et l'acheminement de l'aide urgente devraient faire partie de cet effort, d'autant plus qu'il semble qu'il y ait une politique délibérée visant à affamer les civils et à les priver des moyens de survie de base, tels que les soins de santé. Trump peut inverser cette tragédie et restaurer la position de l'Amérique dans la région.

Une action déterminée en faveur de la mise en œuvre de la solution à deux États contribuerait à désamorcer le conflit, à contrecarrer les efforts des extrémistes pour prolonger la violence et à permettre des progrès vers la paix et la prospérité régionale. La nouvelle nomination d'un vice-président pour l'Autorité palestinienne, une exigence clé de la communauté internationale, devrait être utilisée pour réunifier Gaza avec la Cisjordanie, en écartant le Hamas dans le processus, une autre exigence clé pour une paix à long terme. L'Égypte a proposé un plan intérimaire pour gérer Gaza pendant la période de transition en choisissant un comité indépendant et non partisan pour diriger la bande. Ce plan a été approuvé par la plupart des pays. Le ministre des Affaires étrangères d'Arabie saoudite dirige le comité multilatéral chargé de mobiliser le soutien en faveur de ce plan.

Les États-Unis et les États du CCG sont des acteurs importants de l'économie mondiale.

-Abdel Aziz Aluwaisheg

Ailleurs dans la région, certains signes indiquent que l'administration travaille à la désescalade, malgré les protestations d'Israël. Elle a achevé plusieurs cycles de négociations nucléaires avec l'Iran, avec l'aide d'Oman. Il pourrait s'agir du début d'une nouvelle politique iranienne visant à répondre à d'autres préoccupations des États-Unis et du CCG, notamment les programmes de missiles et de drones de l'Iran, ainsi que son soutien à des groupes armés dans la région. Les États du CCG ont développé une voie diplomatique avec l'Iran pour répondre à certaines de ces préoccupations. Une coordination plus étroite entre le CCG et les États-Unis serait utile sur tous ces plans et pourrait conduire à une région plus pacifique. Trump pourrait s'en attribuer le mérite lorsque cela se produira.

Certains signes indiquent également que l'administration Trump adopte une approche plus mesurée à l'égard du Yémen, en annonçant un cessez-le-feu la semaine dernière, également négocié par Oman. Lorsque les responsables israéliens ont protesté, le nouvel ambassadeur de Trump, Mike Huckabee, a déclaré sans ambages: «Les États-Unis ne sont pas tenus d'obtenir la permission d'Israël pour conclure un accord avec les Houthis.» M. Huckabee, fervent défenseur d'Israël, a néanmoins choqué les téléspectateurs israéliens en ajoutant que les États-Unis ne répondraient aux attaques des Houthis que si des citoyens américains étaient blessés.

Ce dont le Yémen a aujourd’hui le plus besoin, c’est d’une relance des pourparlers de paix sous l’égide des Nations unies, gelés durant les campagnes de frappes aériennes. Si la cessation des attaques contre les navires constitue un objectif important, elle ne pourra être pérenne qu’en s’inscrivant dans une solution politique globale et durable.

En Syrie, l’administration Trump a amorcé un dialogue avec le nouveau gouvernement, en soumettant une série de conditions auxquelles Damas a réagi de manière constructive. L’Arabie saoudite joue un rôle de premier plan dans les efforts visant à aider le gouvernement syrien à répondre aux besoins de sa population, à restaurer l’unité nationale et à assumer une posture constructive dans la région. Longtemps opposés à Bachar el-Assad, les États-Unis pourraient désormais accueillir favorablement son remplacement.

Le retrait de la présence iranienne en Syrie, source de préoccupation majeure pour Washington, change également la donne. Le nouveau gouvernement syrien semble engagé à lutter efficacement contre le terrorisme et à empêcher toute résurgence de Daech ou de groupes armés affiliés à l’Iran. Il pourrait ainsi devenir un acteur stabilisateur dans la région, ainsi qu’un partenaire fiable pour les États-Unis.

Cependant, les sanctions américaines continuent d’entraver la reprise de l’aide humanitaire et des investissements internationaux en Syrie. Le président Trump dispose du pouvoir d’y mettre un terme, ou à tout le moins, de suspendre certaines mesures. Une annonce en ce sens depuis Riyad enverrait un signal fort, à la fois humanitaire et stratégique.

Sur l'Ukraine, les États-Unis et l'Arabie saoudite semblent être alignés et l'administration a clairement apprécié les efforts de l'Arabie saoudite depuis le début de la guerre en Ukraine pour parvenir à un cessez-le-feu et entamer des pourparlers de paix, et a récemment accueilli des réunions impliquant des Américains, des Russes et des Ukrainiens à cette fin. Il est regrettable que ces discussions aient cessé. Une annonce de reprise de la médiation serait la bienvenue.

Le président Trump est entré en fonction en promettant de mettre fin aux guerres et d'extraire les États-Unis de leur enchevêtrement avec l'étranger. Les États-Unis pourraient atteindre ces deux objectifs en travaillant avec des acteurs régionaux partageant les mêmes idées. Le partenariat avec l'Arabie saoudite et le CCG devrait être au cœur de la nouvelle politique américaine au Moyen-Orient, car ils partagent les mêmes objectifs de paix régionale et de prospérité partagée.

Au cours de son premier mandat, Donald Trump a entretenu des relations étroites avec les pays du CCG. La réunion de Riyad sera l'occasion de célébrer le fait qu'ils restent des partenaires fiables et importants sur les plans politique, économique et stratégique. L'envoyé américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, a récemment déclaré que cette région pouvait devenir «bien plus importante que l'Europe» pour les États-Unis. Cela pourrait se produire lorsque les deux parties seront en mesure de tirer parti de leurs liens étroits pour accroître considérablement leurs échanges commerciaux et leurs investissements et pour faire face aux crises régionales de manière efficace. L'infrastructure est déjà en place, sous la forme du partenariat stratégique entre le CCG et les États-Unis et de ses homologues bilatéraux entre les États-Unis et les différents pays.

Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du CCG pour les affaires politiques et les négociations. 

X: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com