PARIS: Un peu plus d'un mois après les menaces de censure, les députés ont commencé à débattre lundi en commission d'un texte fixant les objectifs énergétiques de la France qui acte notamment une relance massive du nucléaire.
"Nous commençons aujourd'hui un débat pour combler une lacune gouvernementale", a déclaré le rapporteur de la proposition de loi Gremillet, le député macroniste et ancien ministre Antoine Armand à l'orée des discussions en commission des Affaires économiques.
En effet, cette proposition de loi venue du Sénat entend répondre à l'absence de loi de programmation énergétique, pourtant rendue obligatoire par la loi énergie-climat de 2019. La chambre haute a adopté mi-octobre ce texte du sénateur LR Daniel Gremillet.
Le gouvernement avait un premier temps envisagé la publication au printemps d'un décret fixant cette feuille de route énergétique très attendue par les acteurs du secteur, donc sans vote à l'Assemblée, mais il a dû faire marche arrière.
Fin avril, les députés de l'opposition, en premier lieu du Rassemblement national, avaient agité le chiffon rouge de la censure. Ils avaient arraché au Premier ministre François Bayrou l'inscription du texte sénatorial à l'agenda de l'Assemblée avant la publication du décret. La discussion en séance publique doit se tenir à partir du 16 juin.
"Si ce débat a lieu aujourd'hui dans cette commission, s'il n'a pas été contourné par décret silencieux, c'est bien grâce à Marine Le Pen et à la mobilisation des députés du Rassemblement national", s'est félicité lundi le député RN Maxime Amblard. "Enfin, la représentation nationale va pouvoir un peu débattre de la politique énergétique de notre pays", s'est-il exclamé.
Le décret de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe la feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035.
En préparation depuis plusieurs années, cette PPE doit mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050 mais suscite de fortes divisions sur le partage entre le nucléaire et les renouvelables.
Le projet de planification prévoit à ce stade de ramener la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique d'environ 60% en 2023 à 42% en 2030, puis 30% en 2035.
En rupture avec la précédente PPE, qui prévoyait de fermer des réacteurs, le nouveau texte acte une relance de l'atome, avec la construction de six nouveaux EPR2. L'ambition du rythme de déploiement des renouvelables est confirmée, en particulier pour l'éolien en mer.
- Orientation pro-nucléaire -
Début mai, François Bayrou avait assuré que cette PPE "n'est pas écrite à l'avance" et promis aux parlementaires de les "écouter attentivement" avant la publication du décret.
Le Premier ministre avait donné comme priorité "de réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées" et défendu un "mix électrique" associant une "orientation de base pro-nucléaire" à un "soutien raisonné aux énergies renouvelables".
Des orientations proches de celles défendues dans la proposition de loi qui prévoit notamment la construction de 14 réacteurs EPR2 d'ici 2050, le maintien d'une part du nucléaire dans la production d'électricité à plus de 60% à l'horizon 2030 ou encore un mix énergétique décarboné à plus de 50% en 2030.
Lors des débats en commission, le RN, partisan du nucléaire, a défendu vouloir réduire la part des énergies éolienne et solaire dans le mix énergétique de la France.
A l'inverse, la gauche a critiqué la part d'effort dévouée au nucléaire. La députée écologiste et ancienne ministre Dominique Voynet a dénoncé un texte "politico-religieux" avec pour "seul objectif" de "témoigner de la foi irrationnelle" dans le recours au nucléaire.
Elle a fustigé les "douze ans de retard", une facture d'une vingtaine de milliards d'euros et une "rentabilité médiocre" de l'EPR de Flamanville, avant d'interoger: "Est-ce raisonnable de privilégier la fuite en avant ?"
En milieu de soirée, les députés ont commencé à examiner les premiers articles. Contre l'avis du rapporteur, la commission a notamment adopté un article amendé par le groupe LFI, qui prévoit de revenir sur le statut d'EDF, société anonyme depuis 2004, pour rétablir sa première forme juridique, un établissement public industriel et commercial.
De même, un autre amendement du groupe LFI qui vise au rétablissement des tarifs réglementés de vente de gaz a été adopté, notamment avec les voix du RN, contre l'avis du rapporteur également.
Peu avant minuit, les députés ont voté pour la suppression de l'article 2. Il prévoyait d'abroger l'élargissement progressif de la composante carbone au sein de la fiscalité énergétique.
"La fiscalité carbone est un des leviers pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles", a défendu le député écologiste Charles Fournier pour la suppression. Comme le député MoDem Philippe Bolo, pour qui "se priver de cet outil", ce serait "ignorer le coût de l'inaction qui pesera sur nos enfants".
Les débats en commission doivent reprendre mardi à partir de 17H00. Il reste encore 417 amendements à étudier.