Le mystère de Cléopâtre: l’IMA dépoussière la légende et lui rend justice

L’exposition de l’IMA ne se contente pas de montrer, elle invite à déconstruire les clichés, à explorer les strates d’un récit façonné par les vainqueurs, à redécouvrir une Cléopâtre plus proche de la cheffe d’État que de la courtisane.  (photo Arlette Khouri)
L’exposition de l’IMA ne se contente pas de montrer, elle invite à déconstruire les clichés, à explorer les strates d’un récit façonné par les vainqueurs, à redécouvrir une Cléopâtre plus proche de la cheffe d’État que de la courtisane.  (photo Arlette Khouri)
Short Url
Publié le Mercredi 11 juin 2025

Le mystère de Cléopâtre: l’IMA dépoussière la légende et lui rend justice

  • À une époque sans journaux ni télévision, la monnaie était le principal vecteur de communication politique, Cléopâtre s’en est servi pour véhiculer son image
  • Sur ces pièces qui allaient de mains en mains, Cléopâtre apparaît fière, solennelle, entourée de symboles de pouvoir et de fertilité, une véritable déesse protectrice de son peuple

PARIS: Depuis plus de deux millénaires, Cléopâtre ne cesse de fasciner. 

Reine d’Égypte, amante des puissants, femme politique ou simple séductrice, sa légende s’est forgée au croisement de la réalité historique, de la propagande romaine et de l’imaginaire collectif, mais qui était-elle réellement ? 

À Paris, l’Institut du Monde Arabe (IMA) propose une ambitieuse exposition qui entend déconstruire les stéréotypes misogynes et orientalistes pour révéler la figure complexe d’une souveraine érudite et stratège. 

Cette exposition constitue un voyage immersif à travers l’histoire, la légende, le mythe et l’icône, dont le but est de réhabiliter une figure brouillée par les siècles.

Depuis l’Antiquité, Cléopâtre est un objet de fantasmes et de caricatures, les auteurs romains, presque exclusivement masculins et hostiles à la figure féminine du pouvoir, l’ont peinte comme une menace pour l’ordre patriarcal. 

Les femmes n’avaient pas de rôle politique à Rome, pas de droit de vote, pas de sénatrices, pas de magistrates. 

Dans ce contexte misogyne, la souveraine égyptienne ne pouvait être que perverse, manipulatrice ou nymphomane, Horace entre autres la décrit comme une créature aussi séductrice que dangereuse.

Cette vision déformée n’a cessé d’alimenter une légende noire, reprise dans la littérature, les arts et jusqu’au cinéma. 

De la séductrice à la reine frivole, Cléopâtre a été réduite à ses liaisons avec César et Marc Antoine, l’exposition de l’IMA entend inverser cette perspective, en redonnant à Cléopâtre son statut de cheffe d’État et en montrant à quel point les représentations qui la définissent relèvent d’une construction idéologique.

La première section de l’exposition s’emploie à reconstituer l’image historique de Cléopâtre VII Philopator, dernière souveraine de la dynastie des Ptolémées. Grâce à des sources rares mais précieuses, notamment les monnaies qu’elle fit frapper à son effigie.

Les visiteurs découvrent une reine active, soucieuse de son image et de la prospérité de son royaume. 

À une époque sans journaux ni télévision, la monnaie était le principal vecteur de communication politique, Cléopâtre s’en est servi pour véhiculer son image.

Sur ces pièces qui allaient de mains en mains, Cléopâtre apparaît fière, solennelle, entourée de symboles de pouvoir et de fertilité, une véritable déesse protectrice de son peuple.

Contrairement à ce que laissent entendre les chroniqueurs romains, elle ne se contentait pas d’être l’amante de puissants, mais elle gouvernait, réformait, et négociait. 

Sous son règne, l’Égypte connaît une relative stabilité et une politique économique dynamique, le royaume, sous protectorat romain mais encore indépendant, reste une puissance intellectuelle et commerciale majeure, avec Alexandrie pour capitale culturelle du monde hellénistique.

L’exposition souligne également l’écart considérable entre les sources occidentales et les représentations orientales de Cléopâtre. 

Dans la littérature arabe du Moyen Âge jusqu’à nos jours, la souveraine est célébrée pour son intelligence, sa sagesse, son rôle de mère nourricière et de protectrice. 

Elle est parfois décrite comme une femme savante, auteure d’ouvrages et même alchimiste, aucune mention sulfureuse sur sa vie intime, mais un profond respect pour son autorité et ses compétences politiques.

Ce contraste éclaire la manière dont les civilisations se sont réapproprié l’image de Cléopâtre selon leurs propres codes culturels, leurs valeurs ou de leurs fantasmes, et là où l’Occident voyait une menace féminine, l’Orient voyait un modèle de leadership.

Répartie sur deux niveaux, l’exposition propose une traversée visuelle et sensorielle de cette transformation. 

Tableaux classiques, sculptures, objets archéologiques, manuscrits, projections, costumes et bijoux jalonnent le parcours. 

On y croise les Cléopâtre incarnée par des comédiennes légendaires, telles que Sarah Bernhardt, Liz Taylor, Sophia Loren ou Monica Bellucci, autant d’incarnations qui illustrent l’évolution d’une figure devenue icône de la sensualité hollywoodienne.

Un dispositif marquant ouvre cette partie : une drachme argentée, reproduite en 3D, flotte en apesanteur, tournant sur elle-même comme un astre, pour rappeler la souveraineté et l’héritage politique de la reine. 

Non loin, un empilement de téléviseurs diffuse plus de 40 publicités françaises et internationales exploitant l’image de Cléopâtre, preuve de sa récupération commerciale.

L’œuvre contemporaine de la créatrice Shourouk Rhaiem, « Kiosk » rassemble des dizaines de produits de consommation décorés à l’effigie de la reine, surchargés de cristaux Swarovski, illustrant l’invasion par l’icône de l’espace marchand.

Plus qu’un personnage historique, Cléopâtre est devenue une figure polyvalente, oscillant entre star hollywoodienne et symbole féministe. 

Dès la fin du XIXe siècle, elle est récupérée par différents mouvements : en Égypte, comme symbole anticolonial, aux États-Unis, par la communauté afro-américaine qui revendique en elle une reine africaine puissante, et plus largement, par les féministes qui y voient l’image d’une femme libre, souveraine jusqu’à la mort.

Ce destin posthume interroge, pourquoi Cléopâtre, dont aucune biographie antique ne subsiste, continue-t-elle à nourrir autant d’imaginaires ? 

Peut-être parce qu’elle cristallise les contradictions du rapport au pouvoir féminin, à l’Orient, au corps, à la beauté et à la mémoire.

L’exposition de l’IMA ne se contente pas de montrer, elle invite à déconstruire les clichés, à explorer les strates d’un récit façonné par les vainqueurs, à redécouvrir une Cléopâtre plus proche de la cheffe d’État que de la courtisane. 

En mettant face à face l’histoire et les images, l’analyse et les mythes, cette exposition ambitieuse réhabilite une figure injustement discréditée, et constitue une invitation à repenser l’histoire.

L’exposition qui vient d’ouvrir ses portes se prolonge jusqu’au 21 janvier prochain.


Diriyah: écrin d’histoire, une exposition qui transporte les parisiens au cœur de l’Arabie Saoudite

D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale. (Photo Arlette Khouri)
D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale. (Photo Arlette Khouri)
Short Url
  • D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle
  • Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale

PARIS: À peine franchi le seuil du Grand Palais Immersif à Paris, le visiteur de l’exposition « Diriyah : un écrin d’histoire » quitte le tumulte parisien pour se retrouver transporté au cœur de l’Arabie saoudite.
Le parcours débute par un long couloir aux murs sobres, délicatement éclairés, recouverts de tapis tissés artisanalement et ponctués de chants d’oiseaux.
À son terme, une porte massive en bois brut, sculptée selon la tradition ancestrale de Diriyah : l’immersion commence, dans une atmosphère d’apaisement et de sérénité.

D’emblée, l’exposition plonge le public dans une expérience multisensorielle. Les projections géantes des portes sculptées des maisons de la cité, décorées de pigments minéraux aux motifs simples et joyeux, rappellent le raffinement discret de l’architecture locale.
Plus loin, un salon inspiré des habitations traditionnelles accueille les visiteurs. Assis au son apaisant du oud, ils dégustent café et figues, un goûter authentique qui évoque l’hospitalité saoudienne.

L’exposition déroule ensuite une série d’images monumentales retraçant la vie quotidienne d’autrefois : cavalerie, danses, vannerie et artisanats. Mais le point d’orgue du parcours est une immersion totale d’environ quatre minutes dans les rues de Diriyah.
Le spectateur se retrouve au milieu des habitants, partagé entre marchés animés, activités agricoles et scènes de fête : une expérience surprenante, qui donne l’impression de voyager sans quitter Paris.

Diriyah ne se limite pas à son passé. Située aux portes de Riyad, elle est aujourd’hui au cœur de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, un vaste plan de développement qui fait du patrimoine et de la culture des leviers de rayonnement international.

Cette exposition n’est pas seulement une prouesse visuelle : elle incarne l’esprit d’une cité majeure de l’histoire saoudienne. Diriyah, berceau de l’État saoudien, est en effet le lieu où la dynastie Al Saoud a vu le jour au XVIIIᵉ siècle, au sein du site d’At-Turaif.
Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, At-Turaif est un ensemble exceptionnel de palais et de demeures en briques de terre crue, restaurés avec soin et visités aujourd’hui par des millions de personnes. Il permet de revivre les origines politiques et culturelles du Royaume.

Mais Diriyah ne se limite pas à son passé. Située aux portes de Riyad, elle est aujourd’hui au cœur de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite, un vaste plan de développement qui fait du patrimoine et de la culture des leviers de rayonnement international.
Diriyah s’étend sur 11,7 km² et se compose de quartiers mêlant espaces résidentiels, commerciaux et culturels. Le projet de développement prévoit plus de 30 hôtels, des parcs, des zones de loisirs, ainsi que la création de 178 000 emplois.

Depuis son ouverture au public en 2022, Diriyah a déjà attiré plus de trois millions de visiteurs.

Parmi ses joyaux contemporains, les terrasses de Bujairi séduisent par leurs restaurants raffinés et leurs boutiques, tandis que le wadi Hanifa, une vallée verdoyante transformée en oasis moderne, invite à la promenade entre arbres nouvellement plantés, pistes cyclables et sentiers équestres.
Ce mélange de patrimoine et de modernité fait de Diriyah une destination unique, alliant mémoire historique, innovation et respect de l’environnement.

« Nous voulons que les visiteurs s’imprègnent pleinement de la vie de Diriyah, qu’ils ressentent son passé, son présent et son avenir », explique Saeed Abdulrahman Metwali, directeur général de la stratégie d’orientation touristique et du design.
Selon lui, l’expérience immersive proposée à Paris est une manière de donner un avant-goût de la richesse culturelle et humaine que Diriyah réserve à ses visiteurs : « À travers ces images, on découvre les habitants, les marchés, les maisons et l’âme de la cité. L’idée est d’offrir une perception vivante et authentique, qui incite à venir découvrir Diriyah sur place. »

Les chiffres confirment d’ailleurs cet engouement : depuis son ouverture au public en 2022, Diriyah a déjà attiré plus de trois millions de visiteurs.
L’objectif est ambitieux : en accueillir 50 millions d’ici 2030, grâce à une offre hôtelière et culturelle sans cesse enrichie.

L’exposition parisienne, de courte durée (du 12 au 14 septembre), illustre la volonté de Diriyah de s’ouvrir à l’international et témoigne de sa stratégie visant à se positionner comme un lieu mondial du tourisme culturel, où se conjuguent tradition et modernité.


Un documentaire met en lumière le patrimoine environnemental des monts Al-Arma

La chaîne de montagnes Al-Arma est située dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad. (SPA)
La chaîne de montagnes Al-Arma est située dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad. (SPA)
Short Url
  • Le film présente de superbes images panoramiques des montagnes d'Al-Arma
  • Le film sera diffusé sur la chaîne Thaqafiya et disponible sur la plateforme Shahid

RIYAD: L'Autorité de développement de la réserve royale Imam Abdulaziz bin Mohammed a annoncé la production d'un nouveau film documentaire sur les monts Al-Arma, un point de repère environnemental situé dans la réserve royale du roi Khalid, au nord-est de Riyad.

Sami Al-Harbi, directeur de la communication de l'autorité, a déclaré que le film présente des images panoramiques époustouflantes des monts Al-Arma, ainsi que des points de vue d'experts et de chercheurs qui discutent de leur importance environnementale et historique particulière.

Il a ajouté que le film sera diffusé sur la chaîne Thaqafiya et disponible sur la plateforme Shahid.

M. Al-Harbi a déclaré que cette production médiatique s'inscrivait dans le cadre des efforts déployés par l'autorité pour sensibiliser à l'environnement et promouvoir l'écotourisme durable, conformément aux objectifs de la Saudi Vision 2030.


Rare découverte d'un tableau de Rubens que l'on croyait disparu

Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte. (AP)
Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte. (AP)
Short Url
  • "C'est un chef d'oeuvre, un Christ en croix, peint en 1613, qui avait disparu, et que j'ai retrouvé en septembre 2024 lors de l'inventaire et de la vente d'un hôtel particulier du 6e arrondissement à Paris", a précisé à l'AFP Jean-Pierre Osenat
  • "C'est rarissime et une découverte inouïe qui marquera ma carrière de commissaire-priseur", a-t-il ajouté.

PARIS: Un tableau du célèbre peintre Pierre Paul Rubens (1577-1640), que l'on pensait disparu depuis 1613, a été retrouvé à Paris dans un hôtel particulier, a indiqué mercredi le commissaire-priseur à l'origine de cette découverte.

"C'est un chef d'oeuvre, un Christ en croix, peint en 1613, qui avait disparu, et que j'ai retrouvé en septembre 2024 lors de l'inventaire et de la vente d'un hôtel particulier du 6e arrondissement à Paris", a précisé à l'AFP Jean-Pierre Osenat, président de la maison de vente éponyme, qui mettra le tableau aux enchères le 30 novembre.

"C'est rarissime et une découverte inouïe qui marquera ma carrière de commissaire-priseur", a-t-il ajouté.

"Il a été peint par Rubens au summum de son talent et été authentifié par le professeur Nils Büttner", spécialiste de l'art allemand, flamand et hollandais du XVe au XVIe siècle et président du Rubenianum, un organisme situé à Anvers près de l'ancienne maison-atelier de Rubens et chargé de l'étude de son oeuvre, selon M. Osenat.

"J'étais dans le jardin de Rubens et je faisais les cent pas pendant que le comité d'experts délibérait sur l'authenticité du tableau quand il m'a appelé pour me dire +Jean-Pierre on a un nouveau Rubens !+", a-t-il raconté avec émotion.

"C'est tout le début de la peinture baroque, le Christ crucifié est représenté, isolé, lumineux et se détachant vivement sur un ciel sombre et menaçant. Derrière la toile de fond rocheuse et verdoyante du Golgotha, apparait une vue montrant Jérusalem illuminée, mais apparemment sous un orage", a-t-il détaillé.

Ce tableau "est une vraie profession de foi et un sujet de prédilection pour Rubens, protestant converti au catholicisme", a poursuivi M. Osenat, précisant que l'oeuvre est dans un "très bon état" de conservation.

Sa trace a été remontée à partir d'une gravure et il a été authentifié à l'issue d'une "longue enquête et d'examens techniques comme des radiographies et l'analyse des pigments", a encore précisé le commissaire-priseur.

Si le peintre a réalisé nombre de tableaux pour l'Eglise, ce chef d'oeuvre, d'une dimension de 105,5 sur 72,5 centimètres, était probablement destiné à un collectionneur privé. Il a appartenu au peintre académique du XIXe siècle William Bouguereau puis aux propriétaires de l'hôtel particulier parisien où il été retrouvé.