KAFR MALIK, TERRITOIRES PALESTINIENS : Depuis son poste de surveillance situé sur une colline isolée de Cisjordanie occupée, Soubhil Olayan veille sur la source d'Ein Samiyah, un point d'eau vital pour des dizaines de milliers de Palestiniens.
Lorsque des colons israéliens ont récemment attaqué le réseau de puits, de pompes et de canalisations qu'il supervise, ce responsable du service local de l'eau a immédiatement saisi les enjeux.
« Il n'y a pas de vie sans eau », dit-il après une attaque qui a temporairement interrompu l'approvisionnement de plusieurs villages environnants.
La source alimente une station de pompage qui constitue, selon la société palestinienne chargée de sa gestion, la principale, voire l'unique, ressource en eau pour quelque 110 000 personnes. Elle est l'une des sources les plus cruciales de Cisjordanie, un territoire confronté à une pénurie chronique d'eau.
Cette attaque s'inscrit dans une série d'incidents récents au cours desquels des colons ont été accusés d'avoir endommagé, détourné ou tenté de s'approprier des ressources en eau palestiniennes.
« Les colons sont arrivés et ont commencé par briser la conduite principale. Et quand elle est cassée, nous devons automatiquement arrêter le pompage vers les villages », explique M. Olayan. « L'eau s'écoule alors dans la terre et s'infiltre dans le sol », ajoute-t-il.
Des techniciens sont intervenus dans la foulée pour réparer les dégâts.
Deux jours plus tard, des colons, dont certains étaient armés, se baignaient dans les bassins situés en contrebas de la source, tandis que M. Olayan surveillait la pression dans les canalisations et les images de vidéosurveillance à distance.
Le système indiquait une pression normale, y compris dans la conduite menant à son village de Kafr Malik. Cependant, les équipes de maintenance n'osaient plus s'approcher de la station par crainte pour leur sécurité.
Depuis le début de la guerre à Gaza, en octobre 2023, les attaques de colons contre des Palestiniens en Cisjordanie se sont multipliées. La semaine précédente, un Palestino-Américain de 20 ans a été battu à mort à Sinjil, un village voisin.
Pour Issa Kassis, président du conseil d'administration de la Jerusalem Water Undertaking, qui gère la source d'Ein Samiyah, ces attaques sont un moyen de contrôler le territoire.
« Quand vous limitez l'accès à l'eau dans une région, les habitants finissent par partir vers des zones où l'eau est disponible », déclare-t-il à l'AFP. « Pour déplacer des populations, l'eau est le moyen le plus simple et le plus rapide. »
Depuis le début du conflit à Gaza, déclenché par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas contre le territoire israélien le 7 octobre 2023, plusieurs responsables israéliens ont publiquement plaidé pour l'annexion de la Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, lui-même colon, a affirmé en novembre que 2025 serait l'année où Israël appliquerait sa souveraineté sur ce territoire palestinien.
M. Kassis accuse le gouvernement israélien de soutenir ces attaques, comme celle contre Ein Samiyah. L'armée israélienne a indiqué à l'AFP ne pas avoir eu connaissance de l'incident et n'avoir ainsi pas pu l'empêcher.
Ce n'est pas un cas isolé. Dans la vallée du Jourdain, des colons ont récemment détourné l'eau de la source d'Al-Auja en amont, selon Farhane Ghawanmeh, représentant de la communauté de Ras Ein Al-Auja. Deux autres sources de la région ont subi le même sort.
À Dura al-Qaraa, un autre village qui utilise Ein Samiyah comme solution de secours, les habitants redoutent l'aggravation des sécheresses et dénoncent la gestion israélienne de l'accès à l'eau.
« Cela fait des années que plus personne ne cultive ici, les nappes ont trop baissé », explique Rafaa Kacem, membre du conseil local. Selon lui, la terre est désormais « quasiment à l'abandon ».
Bien que les pénuries existent depuis 30 ans, les villageois ne peuvent pas forer de puits, malgré la présence de sources locales.
« Nous n'avons aucune option : forer un puits est interdit », déplore-t-il.
Un projet proposé par l'ONU et la Banque mondiale a été abandonné en raison des restrictions légales.
Les terrains concernés se trouvent en zone C, qui couvre plus de 60 % de la Cisjordanie et reste sous contrôle total d'Israël.
Selon l'ONG israélienne B'Tselem, le cadre légal en vigueur entraîne de fortes disparités : 100 % des Israéliens, y compris dans les colonies, ont accès à l'eau courante chaque jour, contre seulement 36 % des Palestiniens en Cisjordanie.
À Dura al-Qaraa, Rafaa Kacem ne cache pas son inquiétude : « Chaque année, l'eau diminue et la crise s'aggrave. C'est de pire en pire. »