L'érosion de l'armement est une opportunité pour le Liban et les Arabes

Une vue générale montre la capitale libanaise Beyrouth le 25 août 2024. (AFP)
Une vue générale montre la capitale libanaise Beyrouth le 25 août 2024. (AFP)
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Publié le Mercredi 27 août 2025

L'érosion de l'armement est une opportunité pour le Liban et les Arabes

L'érosion de l'armement est une opportunité pour le Liban et les Arabes
  • La mort lente du Hezbollah peut sembler une bonne nouvelle pour ceux qui ont été épuisés par son hégémonie
  • Le Hezbollah ne sera pas éliminé d'un seul coup ; il périra au terme d'un long processus d'érosion, tandis que le désordre qu'il laisse derrière lui pourrait durer des années

Susciter l'appétit des Arabes pour un plus grand soutien politique et économique au Liban n'est pas une tâche facile. En effet, la liste des déceptions est longue : L'affirmation chroniquement ténue de la souveraineté du Liban, la politique clientéliste de nombreuses élites libanaises et l'exploitation de l'aide arabe pour marquer des points sur le plan intérieur...

Tout cela n'enlève rien à ce fait essentiel : si les États arabes n'élèvent pas le niveau de leur engagement envers le Liban maintenant, alors qu'une nouvelle équation politique prend forme, le vide qui s'ensuivra sera inévitablement comblé par l'Iran, Israël ou le chaos lui-même.

Nous devrions être d'accord sur le fait que rien sur la scène libanaise ne suggère que demain, d'un seul coup décisif, les armes du Hezbollah et son influence déclinante pourraient être anéanties, comme cela s'est produit pour le régime d'Assad en Syrie.

Le chemin à parcourir est bien plus sinueux. Le Hezbollah s'étiole lentement. Il n'est pas le seul à suivre une lente trajectoire de déclin ; les autres projets transnationaux au Levant meurent eux aussi à petit feu. Mais l'ère de son hégémonie absolue est bel et bien révolue, et après avoir semblé intouchable, les fondements de l'emprise du Hezbollah sur le Liban ont volé en éclats suite aux défaites militaires que le parti et ses soutiens ont essuyées.

Mais c'est là que le bât blesse : une mort lente est souvent plus dangereuse qu'un effondrement brutal. L'érosion progressive d'une faction armée qui parvient à éviter l'implosion engendre généralement des années de paralysie, de chantage politique, de stagnation économique et une société oscillant entre la peur d'un avenir incertain et la nostalgie d'un passé imaginaire de stabilité. Une telle turbulence est une recette pour des règlements de comptes mortels.

L'érosion progressive d'une faction armée qui parvient à éviter l'implosion engendre généralement des années de paralysie

Nadim Koteich


En outre, l'histoire récente nous rappelle qu'attendre que le Liban relève seul le défi des armes du Hezbollah (dans l'attente d'un changement dans l'équilibre des forces intérieures ou d'un retrait de l'Iran) n'a fait qu'accélérer l'effondrement du Liban, laissant l'État dépourvu d'outils et sans aucune protection.

Certains affirment que le désengagement arabe, aussi coûteux qu'il ait été, a joué un rôle dans le changement auquel nous assistons aujourd'hui. Laissé à lui-même par ses confrontations et ses guerres, le Hezbollah a atteint un stade d'attrition ; son hégémonie s'affaiblit et le public libanais peut désormais distinguer plus clairement ses véritables alliés de ses adversaires. Cet argument a du mérite. Néanmoins, à ce stade, la priorité n'est pas de justifier les actions passées mais de construire sur le présent. Le déclin brutal du Hezbollah doit être transformé en une opportunité politique et économique de renforcer l'autorité de l'État et d'empêcher l'émergence d'un vide mortel.

Rester les bras croisés présente de grands risques. Attendre la "mort" du parti, le regarder "depuis la rive" en attendant, ce serait gâcher l'opportunité stratégique offerte par l'érosion du Hezbollah. Une intervention précoce - politique, économique et sécuritaire - est indispensable. Sans elle, rien ne pourra empêcher le Liban de tomber dans un nouveau gouffre, ce qui compromettrait gravement la dynamique positive que nous observons ailleurs dans la région.

Cette question ne concerne pas seulement les Libanais. La lente décadence du Hezbollah ne peut être comprise indépendamment des développements récents en Syrie, en particulier depuis la chute du régime de Damas. L'avenir politique du Liban ne peut être redessiné dans le vide. Le changement au Liban ne peut s'inscrire que dans le cadre d'une reconfiguration plus large du Levant dans l'après-guerre : La Syrie sans Assad, l'Irak qui redéfinit son identité politique et l'Iran qui s'enlise dans ses propres crises et appréhensions.

Le Liban ne doit pas être traité comme une île. Il s'agit d'une pièce d'une mosaïque régionale en cours de redéfinition et une stratégie globale dépassant les mesures ad hoc est nécessaire.

Le changement au Liban ne peut s'inscrire que dans le cadre d'une reconfiguration plus large du Levant dans l'après-guerre.

Nadim Koteich


En fait, le changement politique au Liban n'aurait pas été possible sans les efforts de l'Arabie saoudite ; sa pression politique a joué un rôle décisif dans l'arrivée au pouvoir de l'actuel premier ministre et président du pays. Pour préserver et consolider cette réussite, les États arabes doivent aller plus loin. Le soutien à l'État libanais doit être renforcé, même si c'est de manière progressive et à condition que certaines mesures soient prises.

Il s'agit de financer la reconstruction des services publics essentiels, en particulier l'électricité, en mettant en place un mécanisme de contrôle transparent, d'investir dans l'armée et les forces de sécurité intérieure pour en faire des institutions unificatrices et professionnelles, et de coordonner l'engagement du Liban avec une "nouvelle Syrie" afin d'établir un nouvel équilibre des pouvoirs dans le Levant.

La lutte des Libanais doit être motivée par des aspirations politiques et économiques claires. Sans une lumière qu'ils peuvent voir au bout du tunnel, les Libanais seraient les otages de la fausse promesse de "stabilité", perpétuant le cycle d'acquiescement à une milice pour éviter de briser sa fragile paix civile.

La mort lente du Hezbollah peut sembler une bonne nouvelle pour ceux qui ont été épuisés par son hégémonie. Si ce processus n'est pas géré et si le Liban est soutenu par un cadre arabe, il court le risque bien plus grave d'un effondrement perpétuel. Rien n'est plus dangereux que de supposer que la région peut simplement "attendre que ça passe". Le Hezbollah ne sera pas éliminé d'un seul coup ; il périra au terme d'un long processus d'érosion, tandis que le désordre qu'il laisse derrière lui pourrait durer des années.

L'alternative est d'accélérer le processus et de saisir ce moment pour faire de l'usure du Hezbollah la pierre angulaire d'une nouvelle architecture politique au Liban, organiquement liée à la restructuration du paysage politique en Syrie et en Irak, coupant ainsi le projet régional d'hégémonie à la racine.

C'est un moment rare dans l'histoire moderne du Levant. Nous avons l'occasion de construire un ordre régional plus équilibré, mais il pourrait aussi nous échapper, comme tant d'autres l'ont fait auparavant.

Nadim Koteich est directeur général de Sky News Arabia.

X : @NadimKoteich

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.