Budget: Lecornu écarte plusieurs demandes de la gauche

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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Publié le Samedi 27 septembre 2025

Budget: Lecornu écarte plusieurs demandes de la gauche

  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu promet un gouvernement d’ici début octobre, tout en écartant plusieurs revendications de la gauche, dont le retour de l’ISF ou un moratoire sur la réforme des retraites
  • Le PS menace de voter une motion de censure, dénonçant une fermeture totale au dialogue, tandis que LFI appelle toute la gauche à faire front dès la reprise des travaux parlementaires le 1er octobre

PARIS: Le Premier ministre Sébastien Lecornu a promis vendredi soir un gouvernement pour début octobre et écarté plusieurs demandes de la gauche, alors qu'il disait vouloir tendre la main aux socialistes pour ne pas être censuré.

"Le compte n'y est pas" a d'emblée réagi le numéro deux de la CFDT Yvan Ricordeau, qui prévoit avec les autres syndicats une nouvelle journée de mobilisation jeudi.

"Aucun effort n'a été réalisé", a dénoncé sur TF1 le patron du PS Olivier Faure, le parti estimant dans un communiqué que le Premier ministre a "fermé toutes les portes".

"Sans changement majeur d’orientation, nous censurerons ce gouvernement", indiquent encore les socialistes, qui accepteront néanmoins de rencontrer M. Lecornu "une dernière fois" à Matignon, "la semaine prochaine".

Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, en a profité pour appeler le reste de la gauche à voter la motion de censure qui sera déposée par ses députés dès le début de la session parlementaire qui s'ouvre le 1er octobre.

Alors que le président de la République avait invité son Premier ministre à "travailler" avec les socialistes, "ce soir la porte a été fermée", décrypte un responsable du bloc central.

Sébastien Lecornu, nommé il y 17 jours, promet, dans un entretien au Parisien, un gouvernement "avant le début des travaux parlementaires", soit début octobre, mais il ne s'engage pas sur une date précise.

Il a convié les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat vendredi prochain, selon Matignon.

Après avoir multiplié les consultations, il évacue toute volonté de "débauchage" de personnalités issues du PS - qui lui-même ne veut pas entrer au gouvernement - car ses futurs ministres devront "partager les grandes orientations du socle commun" composé de la droite et du centre.

- "Feuille blanche" -

"Il ne ferme pas de portes, il ouvre les débats" qui auront lieu au Parlement ou par le dialogue social, estime son entourage.

Mais il ne lève pas beaucoup le voile sur le contenu de son budget, écartant surtout plusieurs revendications des syndicats et de la gauche, comme le retour de l'impôt sur la fortune, supprimé depuis 2017, ou la taxe Zucman.

"Faut-il encore augmenter les impôts globalement ? Je ne le veux pas", affirme le nouveau locataire de Matignon, fidèle au mantra fiscal d'Emmanuel Macron, même si "certains augmenteront" et "d’autres diminueront" dans le prochain budget.

Autre demande d'une partie de la gauche, la suspension de la réforme des retraites n'est pas à l'ordre du jour: cette option "ne règlerait aucun des problèmes" que sont pour lui la situation des femmes et la pénibilité au travail, dit-il.

Sébastien Lecornu assure néanmoins que le prochain budget ne sera pas "d'austérité et de régression sociale", et repartira d'une "feuille blanche" que les parlementaires sont invités à remplir.

Il efface donc le plan de son prédécesseur François Bayrou qui prévoyait 44 milliards d'euros d'économies et promet que "les moyens consacrés aux retraites" augmenteront de six milliards d'euros, et ceux pour la santé de cinq.

Il esquisse quelques pistes de baisse des dépenses: réduire de 6 milliards d'euros le "train de vie" de l'Etat, une "meilleure maîtrise des dépenses sociales et des collectivités territoriales", ainsi qu'un "projet de loi ambitieux de lutte contre les fraudes sociales et fiscales" qui sera présenté au Conseil des ministres en même temps que les projets de budget.

Le président du Medef (patronat) Patrick Martin s'est réjoui auprès de l'AFP de "la priorité" que semble accorder le Premier ministre à la réduction des dépenses publiques.

- "Examiner" l'AME -

Alors que la dette publique a encore gonflé au deuxième trimestre à 115,6% du PIB, il dit viser désormais 4,7% de déficit, au lieu de 4,6%, un objectif qu'il juge néanmoins "pleinement compatible" avec celui de 3% en 2029, qui reste inchangé.

Si le Premier ministre semble fermer la porte aux demandes des socialistes, le Rassemblement national va redevenir l'arbitre et la dernière force politique sur laquelle il pourrait s'appuyer pour éviter de tomber.

A cet égard, il dit vouloir "examiner" les évolutions possibles de l'Aide médicale d'Etat (AME), dans le collimateur de la droite et de l'extrême droite mais défendue par la gauche. Il a reçu cette semaine les auteurs d'un rapport sur ce dispositif destiné aux étrangers en situation irrégulière.

A propos du décret de la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie, la feuille de route énergétique de la France, il écarte toute idée de moratoire sur les énergies renouvelables pour éviter une censure du RN. "En revanche, comme pour tout euro d’argent public dépensé, aucune rente ne sera tolérée", dit-il.

Sébastien Lecornu arrive à Matignon avec une cote de confiance proche de celle de François Bayrou lors de son arrivée en décembre 2024, selon un baromètre mensuel Toluna/Harris Interactive.


Survols de drones: la France prête à "contribuer à la sécurité" du Danemark

Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors d'un sommet des Nations unies sur les Palestiniens au siège de l'ONU pendant l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) à New York, le 22 septembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors d'un sommet des Nations unies sur les Palestiniens au siège de l'ONU pendant l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) à New York, le 22 septembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron a proposé un soutien français au Danemark après des survols de drones inconnus affectant notamment l’aéroport de Copenhague et des sites militaires
  • La Première ministre danoise évoque des "attaques hybrides" potentiellement liées à la Russie, qui nie toute implication

PARIS: La France est prête à "contribuer à la sécurité de l'espace aérien danois" après plusieurs survols de drones au-dessus d'aéroports civils et militaire au Danemark cette semaine, a indiqué le président Emmanuel Macron jeudi.

"Je viens de m'entretenir avec la Première ministre danoise, Mette Frederiksen. Je lui ai fait part de la pleine solidarité de la France avec le Danemark après la répétition d'intrusions de drones non identifiés affectant le fonctionnement de l'aéroport de Copenhague", a écrit le président français sur X.

"La France est prête à apporter son appui au Danemark pour évaluer la situation et contribuer à la sécurité de l'espace aérien danois", a ajouté le chef de l'Etat.

Des drones ont été repérés dans la nuit de mercredi à jeudi au-dessus des aéroports d'Aalborg, d'Esbjerg, de Sonderborg et de la base aérienne militaire de Skrydstrup.

Lundi soir déjà, des drones à l'origine non identifiée avaient survolé l'aéroport de Copenhague, bloquant le trafic pendant plusieurs heures.

Des "attaques hybrides" qui pourraient "se multiplier", a affirmé Mette Frederiksen, estimant qu'"il existe principalement un pays qui représente une menace pour la sécurité de l'Europe, à savoir la Russie".

La Russie a "fermement" démenti être impliquée dans ces survols, son ambassade à Copenhague dénonçant une "provocation orchestrée".


Guaino demande une grâce présidentielle sur l'incarcération de Sarkzoy pour éviter "une humiliation"

L'ancien président français Nicolas Sarkozy (à droite) s'adresse à la presse à côté de son avocat Jean-Michel Darrois (à gauche) après le verdict de son procès pour financement illégal de sa campagne par la Libye lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, au tribunal de Paris, à Paris, le 25 septembre 2025. (AFP)
L'ancien président français Nicolas Sarkozy (à droite) s'adresse à la presse à côté de son avocat Jean-Michel Darrois (à gauche) après le verdict de son procès pour financement illégal de sa campagne par la Libye lors de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007, au tribunal de Paris, à Paris, le 25 septembre 2025. (AFP)
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  • Henri Guaino réclame une grâce présidentielle partielle pour éviter l'incarcération immédiate de Nicolas Sarkozy, tout en laissant cours à ses recours juridiques
  • Il fustige une dérive du pouvoir judiciaire, accusant une "guerre" entre justice et politique qui affaiblirait, selon lui, les démocraties occidentales

PARIS: L'ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a demandé vendredi une grâce présidentielle sur l'incarcération de l'ancien chef de l'Etat qui n'est pas susceptible d'appel et est "une humiliation de l'Etat et des institutions".

"Une grâce n'efface pas la condamnation et elle peut être partielle. Donc il ne me paraîtrait pas absurde qu'il soit gracié sur la peine complémentaire, c'est à dire sur l'exécution provisoire (de l'incarcération) qui n'est pas susceptible de recours", a jugé M. Gaino sur RTL.

Sans "arrêter les recours par lesquels il veut prouver son innocence", cette grâce "pourrait très bien éliminer cette décision (d'incarcération) qui est quand même une humiliation, non seulement de Nicolas Sarkozy, mais aussi de l'Etat et des institutions", a-t-il suggéré.

Au titre de l'article 17 de la Constitution, "le président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel".

Elle entraîne la dispense d'exécution totale ou partielle d'une peine ou la commutation de celle-ci en une peine moins lourde.  Elle ne s'applique qu'à une condamnation définitive et exécutoire, mais n'efface pas cette dernière qui continue à figurer au casier judiciaire avec la mention de la mesure gracieuse octroyée.

Dans l'affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, Nicolas Sarkozy a été condamné jeudi à cinq ans d'emprisonnement par le tribunal qui a ordonné sa prochaine incarcération pour association de malfaiteurs sans attendre son procès en appel.

A l'unisson de la droite et de l'extrême droite depuis le jugement, M. Guaino a dénoncé "une sorte de coup d'Etat judiciaire", "un mouvement de fond très dangereux pour les démocraties occidentales par lequel le pouvoir judiciaire est en train de prendre le pas sur le pouvoir politique".

Dans tous les pays, "il y a une guerre qui s'est déclarée entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. C'est une guerre mortifère et très grave pour la justice elle-même", a-t-il estimé.

Aux Etats-Unis, "les juges ont essayé de faire condamner Trump, ils ne sont pas arrivés à le faire à temps. Le résultat, c'est que les électeurs ont marché sur la justice et que la justice est la première victime de cette guerre" avec les représailles du président américain, a-t-il fait remarquer.


Bolloré, Stérin, Pigasse... Dans l'arène politique, ces hommes d'affaires se cachent de moins en moins

Un membre de la sécurité se tient devant le bâtiment abritant Europe 1 à Paris, le 30 juin 2021. (AFP)
Un membre de la sécurité se tient devant le bâtiment abritant Europe 1 à Paris, le 30 juin 2021. (AFP)
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  • Des milliardaires s’engagent de plus en plus ouvertement dans la sphère politique
  • Une polarisation croissante du paysage politico-médiatique : des investissements renforcent les clivages culturels et politiques, illustrant une "bataille de l’influence" entre fortunes opposées idéologiquement

PARIS: Les milliardaires sortent du bois: à droite comme à gauche, une poignée de riches hommes d'affaires investissent la sphère politique et médiatique pour pousser leurs idées, avançant à visage de plus en plus découvert avec des méthodes différentes.

Bâtir la "résistance des forces de droite", mener la "bataille culturelle" pour aboutir à la "victoire politique de la gauche"... Ces slogans n'émanent pas de dirigeants politiques, mais de deux riches investisseurs, respectivement le milliardaire Pierre-Edouard Stérin et le banquier d'affaires Matthieu Pigasse.

Catholique conservateur exilé en Belgique, Pierre-Edouard Stérin reste un personnage discret dans les médias. Mais celui que les coffrets cadeaux Smartbox ont rendu milliardaire perturbe le paysage politique depuis que son projet Périclès, acronyme de "Patriotes enracinés résistants identitaires chrétiens libéraux européens souverainistes", a été rendu public en 2024 par L'Humanité et le JDD.

Son objectif, "promouvoir" des "valeurs libérales et conservatrices" dans le champ politique au sens large, a assumé en mai devant une commission parlementaire le directeur de Périclès, Arnaud Rérolle, associé de M. Stérin qui avait, lui, refusé la convocation des députés.

L'investissement se chiffre en millions d'euros: huit en 2024 et une vingtaine prévus pour 2025 pour financer diverses associations, entreprises ou think tanks, selon M. Rérolle.

Parmi ces structures, l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, dont la méthodologie a été régulièrement mise en doute par des économistes et spécialistes, ou encore le média conservateur L'Incorrect, à l'origine de la diffusion d'une vidéo ayant valu aux journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen des accusations de connivence avec le Parti socialiste.

- "Faire contrepoids" -

Cette affaire cristallise justement l'attention des médias d'un autre milliardaire, Vincent Bolloré. Régulièrement accusés par la gauche de promouvoir des idées d'extrême droite -ce qu'ils contestent-, CNews, Europe 1 ou encore le Journal du dimanche (JDD) sont entrés en guerre ouverte contre le service public ces derniers jours, accordant une large place à ce dossier dans leurs éditions.

Le milliardaire conservateur, qui s'est toujours défendu de mener tout "projet idéologique", est-il en train de franchir un cap dans son incursion politico-médiatique ?

Ces derniers jours, des liens ont été établis entre son empire médiatique et la très large diffusion d'une pétition lancée par l'ancien eurodéputé souverainiste Philippe de Villiers appelant à l'organisation d'un référendum sur l'immigration, proposition phare de la droite et de l'extrême droite.

De l'autre côté de l'échiquier politique, l'ancien dirigeant de la banque Lazard, Matthieu Pigasse, 57 ans, a lui aussi investi l'espace médiatique ces dernières semaines, en affirmant son soutien aux mesures de justice fiscale prônées par la gauche.

L'homme d'affaire à la tête du groupe Combat, propriétaire de Radio Nova, du magazine Les Inrockuptibles, de festivals de musique, multiplie les messages sur X et les apparitions dans les médias.

Son défi: mener la "bataille culturelle" pour "faire contrepoids" aux groupes "poussés par des milliardaires de droite ou d'extrême droite".

Et cela passe par des échanges de moins en moins secrets avec les dirigeants politiques.

Interrogé, un cadre du PS affirme que M. Pigasse entretient des relations "amicales" avec le premier secrétaire Olivier Faure. "On pourrait le faire rentrer dans un dispositif politique", ajoute le même, mais "il n'y a rien d'opérationnel pour l'instant".

Idem dans la sphère Stérin, où le bras droit de l'entrepreneur, François Durvye -annoncé sur le départ par plusieurs médias-, a contribué au livret économique du Rassemblement national.

Il "serait un excellent député s'il était investi", reconnaît un proche de Marine Le Pen. Un autre cadre RN tempère néanmoins: "L'influence de Stérin est complètement surestimée."

- "Raidissement" -

Bolloré, Stérin, Pigasse... Vont-ils encourager les autres ultrariches, traditionnellement plus réservés, à changer de braquet dans la guerre de l'influence ?

Bernard Arnault, patron de LVMH déjà propriétaire du groupe Les Echos-Le Parisien et de l'Opinion, est en passe de racheter le magazine Challenges et s'est distingué ces derniers jours pour sa virulente charge contre la taxe Zucman sur les hauts patrimoines.

Quant à Rodolphe Saadé, patron de CMA CGM, il vient d'acquérir le média Brut, en plus d'Altice Médias (BFMTV, RMC).

"Le paysage est en train de changer", estime Michel Offerlé, professeur émérite de sociologie politique à l'ENS. "Mais s'il existe une frange radicalisée de chefs d'entreprise, on n'en est pas à imaginer certains grands patrons français entrer en politique", tempère ce spécialiste du patronat, tout en observant un certain "raidissement du Medef", qui vient d'annoncer un grand meeting patronal le 13 octobre.