PARIS: Le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui n'a pas encore dévoilé son gouvernement, veut comme ses prédécesseurs continuer à s'appuyer sur l'alliance entre la droite et le centre. Mais celle-ci a montré ses limites depuis un an à l'Assemblée, détaille une analyse de l'AFP.
Les quelque 11.000 scrutins publics à l'Assemblée nationale depuis 2017 (hors votes à main levée), passés en revue par l'AFP, montrent une entente déclinante entre les députés du camp présidentiel (MoDem, Renaissance, Horizons) et des Républicains (LR), dont les votes sont de plus en plus proches de ceux du Rassemblement national.
- De moins en moins d'accord
Pendant les passages à Matignon du LR Michel Barnier (sept.-déc. 2024) et du Modem François Bayrou (déc. 2024-sept.2025), un député LR ne votait en moyenne que 67% du temps comme un député Renaissance, MoDem ou Horizon.
Cette entente entre la droite et le bloc central était légèrement supérieure sous les gouvernements précédents Borne (2022-2024) et Attal (janvier-juin 2024), auxquels LR ne participait pourtant pas.
Les députés LR s'alignaient alors sur 71% des votes du bloc central, permettant régulièrement de dégager une majorité.
A contrario, les votes du groupe LR à l'Assemblée s'accordent désormais plus fréquemment avec ceux des députés Rassemblement national. Similaires moins d'une fois sur deux sous la législature précédente (2022-2024), ils sont identiques dans 72% des cas depuis la dissolution.
Le chef de file des députés Républicains Laurent Wauquiez a lui voté comme Marine Le Pen et son allié ex-LR Eric Ciotti (groupe UDR) respectivement 86% et 93% des scrutins. Mais seulement 78% avec le chef des députés Renaissance Gabriel Attal.
Même entre les groupes du bloc central, l'union se désagrège. Les députés Modem, Renaissance et Horizons accordaient quasi-systématiquement leurs votes sous les gouvernements Borne et Attal (95% en moyenne). Depuis la dissolution, ils n'ont plus que 80 à 85% de votes similaires.
- Nouvelles alliances sur les sujets sociétaux
L'accord de gouvernement entre LR et le bloc central reste toutefois fiable sur les sujets régaliens, selon une classification des votes par sujet effectuée par l'AFP.
Ce fut le cas pour la réforme Attal sur la justice des mineurs définitivement adoptée en mai. Les Républicains, Horizons et le MoDem avaient voté unanimement pour, tout comme la grande majorité des députés Renaissance.
Mais cette alliance prévaut moins sur les sujets sociétaux : les députés LR se rapprochent plutôt du RN, et le camp présidentiel vote davantage avec les députés du bloc de gauche, en particulier les socialistes.
Ce redécoupage des alliances est apparu nettement sur le vote sur l'aide à mourir en mai. Les groupes de gauche et du camp présidentiel avaient majoritairement voté pour, tandis que les députés LR et RN s'y étaient pour la plupart opposés. Un mois plus tôt, les partis de gouvernement s'étaient déjà divisés sur l'extension aux petites communes des listes paritaires hommes-femmes aux élections municipales.
- Consignes de vote moins suivies
Les partis du gouvernement peinent aussi à faire suivre les consignes de vote parmi leurs propres députés. Deux députés LR ont en moyenne un vote similaire sur 87,5% des scrutins : seul le groupe indépendant et hétéroclite Liot affiche moins d'unité.
Au sein du bloc central, la cohésion s'effrite aussi par rapport à la législature précédente, où elle dépassait 95%. Deux députés Horizons n'ont en moyenne plus que 88% de votes communs, une homogénéité légèrement meilleure chez Renaissance (91%).
Les consignes sont appliquées plus strictement dans l'opposition, en particulier aux extrémités de l'hémicycle: deux députés RN votent la même chose dans 97% des scrutins, et le taux monte à 99% chez les insoumis, groupe le plus uniforme sur les trois dernières législatures.