RIYAD: Au cœur du parc Al-Watan, dans le quartier historique d’Al-Futah, s’élève une silhouette familière mais méconnue : le Burj Al Khazzan. Ce château d’eau, haut de 61 mètres, construit dans les années 1970 par l’architecte suédois Sune Lindström, a longtemps assuré une fonction essentielle : stocker l’eau d’une capitale en pleine expansion.
Mais aujourd’hui, alors que Riyad redéfinit son urbanisme à l’aune de la Vision 2030 et du programme Green Riyadh, le Burj s’apprête peut-être à entamer une nouvelle vie. Une vie culturelle, écologique, symbolique.
Le projet de transformation, encore au stade conceptuel, a été imaginé par Stella Amae, cabinet d’architecture franco-japonais basé à Paris et Barcelone, suite à une consultation du Public Investment Fund (PIF).
« Le Burj est un objet singulier. Il parle de patrimoine, d’eau, de mémoire collective. On veut en faire un repère vivant, un Arbre de Vie (Tree of Life)», explique Alexandre Stella, co-fondateur du studio.
Le design s’inspire du tronc du dattier, arbre emblématique de la région, et des motifs triangulaires de l’architecture najdi. La structure deviendrait une façade bioclimatique qui interagit avec l’air, la lumière, le son et l’humidité, créant un véritable écosystème sensoriel.

« On voulait une peau vivante, qui respire. Elle capterait les sons de la ville, diffuserait une lumière douce, intègrerait des nichoirs pour oiseaux… Ce ne serait pas un monument figé, mais un organisme urbain », ajoute-t-il.
Plus qu’un geste architectural, le projet ambitionne de répondre à un besoin social : créer un lieu de rencontre, de contemplation et de transmission, au cœur d’un quartier déjà riche en institutions culturelles.
Un lieu de vie au cœur de la ville
Le programme prévoit :
- un espace public à la base de la tour, mêlant activités culturelles et commerces,
- un rooftop conçu pour accueillir des événements et offrir une vue imprenable sur le parc,
- une mise en lumière subtile de la structure, activée lors de célébrations ou d’occasions spéciales.
« Ce quartier manque d’un point central, d’un espace de rassemblement. Le château d’eau pourrait devenir ce noyau symbolique », souligne Stella.

Une architecture durable, réversible et expérimentale
Le projet s’inscrit dans une démarche de design durable, réversible et expérientiel, avec une attention particulière portée à l’impact environnemental et à la pérennité de l’intervention.
L’un des choix techniques majeurs est l’utilisation de béton fibré ultra-hautes performances (BFUP) — Ultra-High Performance Fibre Concrete (UHPFC) — une technologie issue de l’ingénierie française de pointe, permettant d’assurer à la fois la solidité structurelle et la durabilité de l’ouvrage dans le temps.
Autre point clé : la réversibilité de l’intervention. La façade bioclimatique est conçue comme une structure démontable, légère et non invasive, permettant de préserver l’intégrité du bâtiment d’origine. En cas de besoin, il serait possible de restaurer l’état initial du château d’eau, dans une logique de respect patrimonial et de temporalité architecturale.
Le projet mobilise également des talents créatifs internationaux, comme Jouan Studio pour le design sonore et BOA Light Studio pour l’éclairage. Aucun partenaire local n’a encore été associé, le projet étant encore à un stade exploratoire.
L’objectif affiché : une livraison à l’horizon 2030, en écho aux grands jalons de transformation de la capitale saoudienne.
Stella Amae n’en est pas à son coup d’essai dans la région. Le cabinet a déjà contribué à plusieurs projets d’envergure au Moyen-Orient. Il a notamment collaboré à un projet résidentiel à Diriyah Gate 2 (DGDA II – LA01 Southern District), aux côtés de AS.Architecture Studio (Paris), ainsi qu’à la Imam Mohammad Ibn Saud Grand Mosque à Diriyah, développée avec le cabinet X-Architects (Dubaï).
Actuellement, Stella Amae travaille également sur le Al Sufouh Antiquities Department Stores and Studies Center à Dubaï, un centre de recherche et musée d’archéologie, également en partenariat avec X-Architects.
Mais le projet potentiel du Burj Al Khazzan occupe une place particulière dans leur approche : « Il interroge le patrimoine urbain, l’eau, la mémoire… Ce n’est pas juste un objet architectural. C’est un morceau de ville, un morceau d’histoire, que nous souhaitons transformer en avenir, » explique Alexandre Stella.
Transformer un ancien château d’eau en Arbre de Vie : une métaphore forte pour une ville qui cherche à faire pousser une nouvelle urbanité, respectueuse du passé et tournée vers un avenir plus durable.