Le vétéran et l'irrévérence, ou la possibilité d'une union Microsoft-TikTok

"Le seul chevalier blanc potentiel de la situation, c'est Microsoft", estime l'analyste Dan Ives de Wedbush Securities. L'acquisition serait un "tour de force, surtout à la valeur actuelle d'environ 40 milliards de dollars". (Photo AFP).
"Le seul chevalier blanc potentiel de la situation, c'est Microsoft", estime l'analyste Dan Ives de Wedbush Securities. L'acquisition serait un "tour de force, surtout à la valeur actuelle d'environ 40 milliards de dollars". (Photo AFP).
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Publié le Mardi 04 août 2020

Le vétéran et l'irrévérence, ou la possibilité d'une union Microsoft-TikTok

  • Microsoft négocie avec ByteDance, la maison-mère chinoise, pour racheter TikTok
  • Facebook ou Google auraient pu faire partie des repreneurs potentiels, mais ils font face à des enquêtes multiples sur leurs pratiques potentiellement anti-concurrentielles

SAN FRANCISCO : "Hello ‘brioche à la cannelle’ (...), tu peux bannir cette appli, il y en aura une nouvelle, c'est l'offre et la demande", rappe Maya2960 sur TikTok, en s'adressant au président Donald Trump, qui menace d'interdire le réseau social aux Etats-Unis.

Microsoft négocie avec ByteDance, la maison-mère chinoise, pour racheter TikTok. Le vétéran de l'informatique sauverait ainsi la jeune appli en danger, et s'assurerait une place de choix dans l'univers fructueux des réseaux sociaux grand public.

La plateforme de partage de vidéos courtes, généralement musicales, décalées ou humoristiques, a connu une trajectoire ascensionnelle. Elle compte un milliard d'utilisateurs.

Mais Washington l'accuse, avec une ferveur renouvelée ces derniers jours, de communiquer des infos personnelles aux autorités chinoise - ce que TikTok a toujours fermement nié.

Depuis les premières menaces d'interdiction proférées par le locataire de la Maison blanche, des créateurs assidus expriment leur désarroi avec humour.

"Tu peux essayer de nous censurer, tu peux faire un caprice, mais la constitution est de notre côté (...) la liberté d'expression ne peut pas être bannie", continue Maya2960, dans sa vidéo visionnée 1,8 million de fois.

Elle estime, comme d'autres utilisateurs, que Donald Trump cherche à se venger des rangées de sièges vides lors de son meeting de campagne à Tulsa (Oklahoma) fin juin.

Des adolescents avaient proclamé sur TikTok qu'ils avaient commandé de nombreux billets d'entrée avec la ferme intention de ne pas y aller.

- Idéalisme et capitalisme -@ch1ppychip, de son côté, a posté un clip intitulé "Moi en train de convaincre Trump de nous laisser garder TikTok", où elle s'étale de la peinture orange sur le visage (une référence au teint du président) et construit un mur en brique (allusion à la frontière mexicaine).

D'autres ont affiché leurs comptes Instagram ou YouTube, afin de ne pas perdre leurs fans, sources de revenus publicitaires.

Le comédien et rappeur Elijah Daniel assure que "tout le monde s'est précipité sur Clash", une application de création, visionnage et monétisation de vidéos.

Le président, qui s'était opposé à une cession de l'application, s'est ravisé ce weekend. 

Lundi, il a publiquement soutenu un rachat par une entreprise américaine, comme Microsoft - mais avant le 15 septembre, ou il bloquera l'appli.

Une solution qu'approuve un groupe de créateurs de contenu, signataires d'une lettre à Donald Trump publiée sur le site Medium dimanche.

"Nous ne nous attendons pas à ce que la génération de nos parents comprenne (le succès de TikTok). Ils pensent sans doute que nous sommes naïfs et désespérés à l'idée de perdre nos fans", remarquent Max Beaumont et une vingtaine d'autres créateurs.

Selon eux, la plateforme n'a rien à voir avec ses grandes rivales, où les interactions sont déterminées par son entourage. "Cela crée un environnement où les utilisateurs sont seulement exposés à des personnes qui partagent leurs idées", rappellent-ils.

"TikTok est différent : les contenus que vous consommez peuvent venir de n'importe qui".

"Chevalier blanc" 

Si la transaction aboutit, Microsoft saura-t-il faire grandir ce modèle sans le dénaturer ?

Le rachat assurera l'avenir de la plateforme aux Etats-Unis, "mais elle ne progressera peut-être pas aussi vite sans les technologies d'intelligence artificielle développées par byteDance pour la recommendation de contenus", pointe Josh Constine, investisseur chez SignalFire et ancien de techCrunch.

La société de Redmond (Etat de Washington), fondée il y a 45 ans, s'est construite sur le succès des logiciels de bureautique (comme Word) et, plus récemment, sur le cloud (informatique dématérialisée).

Les aventures du groupe hors des marchés professionnels "ont eu des résultats mitigés, au mieux", remarque Rich Greenfield, analyste chez LightShed. 

"Pensez à Skype, Mixer, Hololens, Linkedin et même Minecraft, qui n'a pas pris l'ampleur qu'il aurait pu avec un autre acheteur".

Certes, Microsoft, c'est aussi les jeux vidéo, avec la Xbox. Mais fin juin, la société a fermé sa plateforme de streaming de jeux vidéo Mixer, laissant le champ libre au géant du secteur Twitch (Amazon) et à ses deux rivaux, YouTube Gaming et Facebook Gaming.

Facebook ou Google auraient pu faire partie des repreneurs potentiels, mais ils font face à des enquêtes multiples sur leurs pratiques potentiellement anti-concurrentielles.

"Le seul chevalier blanc potentiel de la situation, c'est Microsoft", estime l'analyste Dan Ives de Wedbush Securities. L'acquisition serait un "tour de force, surtout à la valeur actuelle d'environ 40 milliards de dollars".

"Si TikTok est bien manoeuvrée, sa valeur pourrait atteindre les 200 milliards d'ici quelques années, étant donné le parcours fulgurant de l'appli en termes d'utilisateurs et d'engagement".


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.