La solidarité protège les artistes dans un Moyen-Orient touché par le coronavirus

Des amateurs d'art examinent une œuvre présentée à la galerie Hafez. (Avec l'aimable autorisation de Photo Solutions)
Des amateurs d'art examinent une œuvre présentée à la galerie Hafez. (Avec l'aimable autorisation de Photo Solutions)
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Publié le Dimanche 17 janvier 2021

La solidarité protège les artistes dans un Moyen-Orient touché par le coronavirus

  • Les différents réseaux artistiques, les galeries d'art et les institutions culturelles de la région ont uni leurs efforts dans ces moments difficiles
  • Les subventions, les commandes et les exonérations de loyer ont aidé les artistes des pays du Golfe à survivre à la pandémie et au ralentissement économique

DUBAÏ : L'art présente une dimension interculturelle, que ce soit dans sa forme, sa fonction ou sa signification. Cependant, depuis le déclenchement de la pandémie du coronavirus, le monde a vu les foires, les salles d'exposition, les salles de concert, les musées et les théâtres d'art dramatique fermer boutique et annuler des événements. Cette situation engendre une véritable menace pour les artistes et prive les sociétés des plaisirs qui leur semblaient autrefois si évidents.

Ces dernières décennies, le monde de l'art évoluait dans un circuit international d'expositions, de foires artistiques, de biennales et de spectacles. Artistes, conservateurs, collectionneurs, galeristes et amateurs d'art ont parcouru le monde entier pour se réunir dans des événements allant de Dakar à Mexico. Tel fut le paysage artistique avant que les voyages ne ralentissent pour s'interrompre par la suite en mars 2020.

À présent, avec le retour au verrouillage dans de nombreux pays, l'art est exposé en ligne et à travers les médias sociaux ou sur rendez-vous dans les galeries et les musées. En raison de l'effondrement de l'économie mondiale, la création, la valorisation et la vente d'œuvres d'art sont mises sur la touche. En effet, la priorité pour de nombreux artistes consiste désormais à survivre, tant matériellement que moralement.

Galerie Dr. Dorothea van der Koelen (Mayence et Venise), Art Dubaï 2019. (Avec l'aimable autorisation de Photo Solutions)
Galerie Dr. Dorothea van der Koelen (Mayence et Venise), Art Dubaï 2019. (Avec l'aimable autorisation de Photo Solutions)

Toutefois, l'art et la culture ont trouvé le moyen de s'épanouir au Moyen-Orient, une région pourtant déchirée, depuis longtemps, par les conflits, l'incertitude et les turbulences politiques.

Au début de l'année 2020, le tableau semblait déjà sombre, même avant que les restrictions ne soient imposées. Dans ce contexte, les EAU traversaient un ralentissement économique soutenu, et les tensions géopolitiques menaient au désespoir de nombreuses galeries de la région, en particulier celles du Liban et de l'Iran.

Grâce aux réformes sociales entreprises, à la diversification économique et à une scène culturelle en pleine expansion, l'Arabie saoudite représentait la principale lueur d'espoir. Cependant, la fermeture de ses frontières et l'annulation d'événements annoncés après le mois de mars ont freiné le dynamisme de l'industrie artistique.

La communauté d’art du Moyen-Orient a compris d'instinct qu'elle devait s'unir pour faire face aux difficultés économiques et financières auxquelles elle était confrontée.

Nombre de galeries, établissements et théâtres d'art du Golfe ont repris leurs activités, en dépit des mesures strictes de distanciation sociale. (Fourni)
Nombre de galeries, établissements et théâtres d'art du Golfe ont repris leurs activités, en dépit des mesures strictes de distanciation sociale. (Fourni)

Des organisations comme Art Jameel, le ministère de la Culture des Émirats arabes unis, la Fondation Kamel Lazaar en Tunisie et le Alserkal Avenue, centre artistique dynamique de Dubaï, n'ont pas tardé à lancer des initiatives de soutien aux entreprises créatives et culturelles en favorisant le développement des communautés ainsi que les échanges artistiques. Ainsi, Alserkal Avenue a offert aux locataires un forfait de trois mois de loyer gratuit.

Avançons rapidement jusqu'en janvier 2021. De nombreuses galeries, établissements et théâtres d'art du Golfe ont repris leurs activités, en dépit des mesures strictes de distanciation sociale. Art Dubaï a été l'un des premiers événements à annuler sa foire en 2020, et pourtant, il vient d'annoncer qu'il reprendra son activité comme prévu du 17 au 20 mars à son siège à Madinat Jumeirah.

« Pour nous à Art Jameel, la 2020 a été une année de survie collective. 2021 s'annonce comme une année de reprise collective », confie à Arab News Antonia Carver, directrice d'Art Jameel.

« Nous avons distribué plus de 100 micro-subventions grâce à la Plateforme de recherche et de pratique (Research and Practice Platform) que nous avons inaugurée en avril dernier : ce programme, parmi bien d'autres, a montré que le monde arabe est très riche en talents créatifs et qui ont besoin d'un réseau de soutien continu ».

Certes, la crise est loin de se terminer. « Les artistes et les créateurs du Moyen-Orient ont besoin de toute une série de soutiens, y compris les bourses », ajoute Mme Carver.

La communauté d’art du Moyen-Orient a compris d'instinct qu'elle devait s'unir pour faire face aux difficultés économiques et financières. (Avec l'aimable autorisation de Photo Solutions)
La communauté artistique du Moyen-Orient a compris d'instinct qu'elle devait s'unir pour faire face aux difficultés économiques et financières. (Avec l'aimable autorisation de Photo Solutions)

Comme on le dit souvent, « the show must go on » - peu importe de quelle manière -.

« Il est essentiel de soutenir les artistes et de passer de nouvelles commandes, même sans événements physiques, si l'on souhaite que le monde de l'art perdure », explique Bill Bragin, directeur artistique du Centre des arts de l'Université de New York à Abu Dhabi (NYUAD).

« En réalité, nous n'organiserons probablement pas d'événements physiques avant septembre 2021 », confie-t-il à Arab News. « Je me suis vraiment efforcé de passer outre le langage des « événements physiques » ou des « événements en direct » et de les remplacer dorénavant par des événements en temps réel, organisés via Internet ou par téléphone et qui n’en sont pas moins réels ».

« Un point est primordial : il faut veiller à ce que les artistes soient soutenus », dit-il. Dans cette optique, M. Bragin a commandé plusieurs pièces produites par des artistes basés aux Émirats arabes unis. Elles seront présentées plus tard cette année.

« Nous avons constaté que nous devons agir rapidement », explique M. Bragin. « Les personnes qui travaillent dans le domaine de l'art et de la culture aux EAU éprouvent généralement  un certain sentiment de devoir. C'est une mission importante pour nous à titre personnel, mais aussi pour le pays et pour le développement des EAU. Nous souhaitons tous maintenir l'élan déjà engagé dans le pays. Nous ne voulons pas perdre du terrain ».

Il est essentiel de soutenir les artistes et de passer de nouvelles commandes, même en l'absence d’événements physiques, maintenir la scène artistique en mouvement, explique Bill Bragin, directeur artistique du Centre des arts de l'Université de New York à Abu Dhabi (NYUAD). (Fourni)
Il est essentiel de soutenir les artistes et de passer de nouvelles commandes, même en l'absence d’événements physiques, maintenir la scène artistique en mouvement, explique Bill Bragin, directeur artistique du Centre des arts de l'Université de New York à Abu Dhabi (NYUAD). (Fourni)

Il en est de même pour l'Arabie Saoudite. Si les restrictions imposées sur le coronavirus ont temporairement bouleversé les perspectives de différents secteurs économiques, le monde des arts et de la culture a su aller de l’avant.

« L'année 2020, aussi difficile qu'elle ait été, a prouvé que les hommes sont suffisamment flexibles pour affronter les circonstances inhabituelles », affirme à Arab News Farah Abushullaih, directrice du musée Ithra au Centre du roi Abdelaziz pour la culture mondiale à Dhahran.

« À Ithra, nous avons maintenu notre engagement à mettre la culture à la portée de tous, même lorsque nous avons fermé nos portes. Nous avons lancé la plateforme en ligne Ithra Connect pour interagir avec notre communauté. En effet, cette initiative a bénéficié à plus d'un million de personnes, ce qui témoigne de l'intérêt pour la culture dans le Royaume ».

Outre Ithra Connect, le musée a également mis en place Ithra Open-Call pour soutenir les jeunes artistes saoudiens et l'Exposition Covid-19 (« COVID-19 Exhibit »). Quant à l'exposition annuelle Tanween d'Ithra, elle a été présentée en ligne.

EN BREF: 

Les industries artistiques

* Les arts et l'artisanat.

* Le stylisme et la mode.

* La publicité.

* L'architecture.

* Les films, la vidéo, la photographie et la télévision/radio.

* La musique et les arts du spectacle.

* Les publications, les logiciels et les jeux informatiques.

Le musée Ithra entame l'année 2021 avec un calendrier rempli d'événements, dont Al-Sharqia Gets Creative, Ana Mohafeth et le Festival du film saoudien qui est organisé en partenariat avec la Saudi Arabian Society for Culture & Arts à Dammam, grâce au soutien de la Commission du film au ministère de la Culture.

« Malgré le ralentissement incontournable observé en 2020, le monde de l'art en Arabie Saoudite maintient son essor. Cet accomplissement a été réalisé grâce à un nombre considérable de créateurs, ainsi qu'au dynamisme du ministère de la Culture et aux institutions, collections et galeries de plus en plus présentes qui construisent de bonnes infrastructures et créent des opportunités pour tous les acteurs qui forment la scène artistique », souligne Alia Fattouh, directrice de l'Athr Gallery de Djeddah, l'une des plus importantes galeries d'art contemporain du Royaume.

Le Misk Art Institute (MAI), fondé en 2017 par le prince héritier Mohammed bin Salman pour encourager la créativité de tous, a organisé son événement annuel, la Misk Art Week, du 3 au 7 décembre. Au cours de cet événement qui s'est déroulé sur cinq jours à Riyad, 85 000 visiteurs en ligne et plus de 2 500 participants sont venus assister à l'événement, ce qui constitue un record.

« En raison de la pandémie, le  Misk Art Institute (MAI) a adapté sa programmation pour la Misk Art Week. Il a présenté une forme hybride qui propose des sessions virtuelles et en ligne ainsi que des événements en direct pour le public au niveau du pays », déclare à Arab News Reem Al-Sultan, PDG du Misk Art Institute.

En cette période de turbulences et de transitions, le Moyen-Orient a plus que jamais besoin de l'art, confie à Arab News Antonia Carver, directrice du centre Art Jameel. (Fourni)
En cette période de turbulences et de transitions, le Moyen-Orient a plus que jamais besoin de l'art, confie à Arab News Antonia Carver, directrice du centre Art Jameel. (Fourni)

Certains membres de la communauté de l’art espèrent que cet esprit de générosité s'étendra au reste de la région.

« Tout au long de la pandémie, nous avons observé une véritable volonté d'agir et de sauvegarder la scène culturelle et artistique aux EAU», affirme Reem Fadda, directrice de la Fondation culturelle d'Abou Dhabi, dans un entretien avec Arab News.

« Les institutions et les organismes gouvernementaux ont choisi de se concentrer sur la culture dans ces moments difficiles parce qu'ils étaient convaincus qu'elle représentait un catalyseur capable de soutenir et de soulager nos communautés. Il est temps que les EAU tendent également la main à toute la région pour la soutenir, dans la mesure du possible, en fournissant des subventions, en passant des commandes ainsi que par d'autres moyens ».

« À la Fondation culturelle d'Abu Dhabi (« Cultural Foundation in Abu Dhabi »), nous avons lancé une série d'initiatives qui offrent des subventions et passent des commandes dans la région, que ce soit dans le domaine des arts du spectacle, des arts visuels ou dans d'autres secteurs ».

À présent, avec le retour au verrouillage dans de nombreux pays, l'art est exposé en ligne et à travers les médias sociaux ou sur rendez-vous dans les galeries et les musées. (Fourni)
À présent, avec le retour au verrouillage dans de nombreux pays, l'art est exposé en ligne et à travers les médias sociaux ou sur rendez-vous dans les galeries et les musées. (Fourni)

Aussi décourageants qu'ils puissent être, les défis auxquels est confronté le secteur créatif dans le Golfe sont, certes, différents des défis rencontrés dans les autres pays du Moyen-Orient.

Le 4 août dernier, l'explosion du port de Beyrouth a ravagé le cœur de la scène artistique du Moyen-Orient et dévasté une région qui abritait un grand nombre de galeries et de studios d'art.

Beyrouth a été pendant longtemps le centre de la production artistique de la région. Cependant, le Liban ne dispose pas des soutiens public et privé qui est offert dans le Golfe.

Bien que les restrictions liées au coronavirus aient temporairement perturbé les plans dans différents secteurs économiques, le monde des arts et de la culture a trouvé des moyens d'aller de l'avant. (Fourni)
Bien que les restrictions liées au coronavirus aient temporairement perturbé les plans dans différents secteurs économiques, le monde des arts et de la culture a trouvé des moyens d'aller de l'avant. (Fourni)

« La situation à Beyrouth revêt un caractère particulièrement pressant. En effet, il est nécessaire de reconstruire physiquement les galeries d’art, dans un environnement politique précaire ; malheureusement, il en va de même pour la Syrie et d'autres pays », explique Mme Carver.

En cette période de turbulences et de transitions, le Moyen-Orient a plus que jamais besoin des arts, affirme Mme Carver.

« La culture est le creuset où la société découvre et débat des idées et des formes, et où nous définissons le rôle que nous allons jouer à l'avenir.  Aujourd'hui, nous en avons plus que jamais besoin, en particulier dans le monde arabe », ajoute-t-elle.

« En 2020, les phares de la Covid-19 nous ont peut-être aveuglés. En 2021, nous devons chercher à donner un sens à tout cela et aller de l'avant ».

Twitter : @rebeccaaproctor

 

 


Casse du musée du Louvre: des suspects interpellés mercredi en cours de défèrement

Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
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  • Sept suspects au total ont été interpellés dans l’enquête sur le spectaculaire casse du Louvre, dont le butin — estimé à 88 millions d’euros en bijoux de la Couronne — reste introuvable
  • L’enquête, fondée sur des traces ADN, la vidéosurveillance et la téléphonie, met aussi en lumière une « faille sécuritaire majeure » au Louvre, selon la ministre de la Culture Rachida Dati

PARIS: Des défèrements de suspects ayant été interpellés mercredi dans le cadre de l'enquête sur le casse du Louvre, dont le butin a été estimé à 88 millions d'euros, étaient en cours samedi devant des magistrats du tribunal judiciaire de Paris.

"Il y a des défèrements sur commission rogatoire", a indiqué le parquet de Paris sollicité par l'AFP, sans préciser le nombre de suspects déférés.

Cinq nouvelles interpellations liées à ce cambriolage spectaculaire avaient été annoncées jeudi matin par la procureure de Paris Laure Beccuau qui avait précisé que les bijoux volés restaient introuvables.

Ces nouvelles interpellations se sont ajoutées à celles de deux trentenaires arrêtés il y a une semaine et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place.

Ces deux habitants d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), âgés de 34 et 39 ans, ont été mis en examen et placés en détention provisoire mercredi soir.

En garde à vue, ces deux hommes - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers - "se sont livrés à des déclarations (...) minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", avait indiqué Laure Beccuau.

Parmi les nouveaux interpellés se trouve un autre membre présumé du commando ayant commis le 19 octobre en moins de huit minutes ce casse qui a fait le tour de la planète, avait précisé la procureure. "Des traces ADN" le lient au vol, avait-elle noté.

Les autres personnes interpellées "peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", avait éclairé la procureure, sans vouloir en dire plus sur leur profil.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie, avait-elle ajouté.

Les nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis, avait-elle indiqué.

- "Faille sécuritaire majeure" -

Mme Beccuau avait souligné sa "détermination", comme celle de la centaine d'enquêteurs mobilisés, à retrouver le butin et l'ensemble des malfaiteurs impliqués.

Concernant les bijoux, la procureure avait expliqué que l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) explorait "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est vraisemblablement pas sur le marché légal des oeuvres d'art qu'ils surgiront.

Parmi les hypothèses des enquêteurs: celle que ces joyaux puissent "être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a-t-elle pointé.

L'affaire a provoqué des débats-fleuves sur la sécurité du Louvre, musée d'art le plus visité du monde.

La ministre de la Culture Rachida Dati a dévoilé vendredi les premières conclusions de l'enquête de l'Inspection générale des affaires culturelles, avec un bilan très critique: "une sous-estimation chronique, structurelle, du risque intrusion et vol" par le Louvre, "un sous-équipement des dispositifs de sécurité", une gouvernance "pas adaptée" et des protocoles de réaction aux vols et intrusions "totalement obsolètes".

"On ne peut pas continuer comme ça", a martelé Rachida Dati.

Le jour du casse, les quatre malfaiteurs avaient pu garer un camion-élévateur au pied du musée, permettant à deux d'entre eux de se hisser avec une nacelle jusqu'à la galerie d'Apollon où sont conservés les joyaux de la Couronne.

Tout en réaffirmant que les dispositifs de sécurité à l'intérieur du Louvre avaient fonctionné, Mme Dati a annoncé des mesures pour répondre à une "faille sécuritaire majeure" à l'extérieur du musée.

"Nous allons mettre des dispositifs anti-voiture-béliers, anti-intrusion", a-t-elle annoncé, assurant que ces nouvelles installations seraient en place "avant la fin de l'année".


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.