Que faut-il attendre des élections palestiniennes, les premières depuis 2006?

Des membres des forces de sécurité palestiniennes montent la garde devant le bâtiment du Conseil législatif dans la ville occupée de Ramallah, en Cisjordanie. (AFP)
Des membres des forces de sécurité palestiniennes montent la garde devant le bâtiment du Conseil législatif dans la ville occupée de Ramallah, en Cisjordanie. (AFP)
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Publié le Samedi 16 janvier 2021

Que faut-il attendre des élections palestiniennes, les premières depuis 2006?

  • Dans quel contexte intervient cette annonce? Quels défis se posent à l'organisation de ces scrutins? Quels sont les scénarios envisageables?
  • L'annonce par le président Abbas de l'organisation de plusieurs scrutins intervient dans un contexte de rapprochement entre son parti laïc, le Fatah, et ses rivaux islamistes du Hamas

RAMALLAH : Pour la première fois depuis quinze ans, des élections palestiniennes auront lieu en mai et juillet, d'après un décret pris vendredi par le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Dans quel contexte intervient cette annonce? Quels défis se posent à l'organisation de ces scrutins? Quels sont les scénarios envisageables?

Pourquoi maintenant?

L'annonce par le président Abbas de l'organisation de plusieurs scrutins intervient dans un contexte de rapprochement entre son parti laïc, le Fatah, et ses rivaux islamistes du Hamas.

Les deux frères ennemis étaient à couteaux tirés jusqu'au timide rapprochement opéré en juillet: ils s'étaient engagés à l'unité contre le projet israélien d'annexion de pans de la Cisjordanie occupée, après plus d'une décennie de divisions intestines.

En septembre, ils s'étaient entendus sur l'organisation «d'ici six mois» d'élections, mus par une volonté d'«union» contre la normalisation entre Israël et des pays arabes, opérée sous l'égide de l'administration américaine de Donald Trump.

L'annonce d'élections est liée à l'investiture, la semaine prochaine, du président élu, Joe Biden, qui remplacera à Washington un président Trump ayant multiplié les gestes de soutien envers Israël, estiment des observateurs.

Pour reprendre le dialogue avec les Etats-Unis, gelé depuis 2017, les Palestiniens doivent paraître unis et «davantage ouverts», après que les Occidentaux «ont appelé à un renouvellement du leadership», explique Ghassan Khatib, analyste et ancien ministre palestinien.

Pour le Fatah et le Hamas, ces élections doivent permettre de gagner en légitimité.

Le président Abbas va-t-il se représenter et quels sont ses successeurs possibles?

A la tête de l'Autorité palestinienne depuis 2005, M. Abbas, 85 ans, n'a pas indiqué s'il était candidat à sa propre succession.

Selon une enquête d'opinion publiée à la mi-décembre par le Centre de recherche palestinien sur la politique et les sondages (PCPSR), 66% des personnes interrogées voudraient qu'il démissionne.

S'il se présente à la présidentielle du 31 juillet, il devrait être devancé par le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, et par Marwan Barghouthi, haut cadre du Fatah, si celui-ci est candidat.

Problème: M. Barghouthi a été condamné à la perpétuité par Israël pour son rôle dans différents attentats anti-israéliens. Un éventuel accord qui lui permettrait d'être libéré contre un renoncement à la violence pourrait provoquer une vive controverse en Israël.

Pour les législatives du 22 mai, il s'agira de présenter une liste unifiée par parti, un défi pour le Fatah notamment, miné par les divisions.

La campagne et les scrutins pourront-ils avoir lieu dans l'ensemble des Territoires palestiniens?

M. Abbas a demandé à la commission électorale indépendante et aux organes gouvernementaux de «lancer une campagne électorale démocratique dans toutes les régions de Palestine, y compris à Jérusalem-Est».

Mais il n'est pas clair si Israël, qui occupe et a annexé Jérusalem-Est, secteur palestinien de la ville, autorisera les habitants palestiniens à voter comme il l'a fait en 2005 et 2006.

Il s'agira aussi de savoir si le Hamas permettra au Fatah de faire campagne à Gaza, et vice-versa en Cisjordanie, sachant que des organisations de défense des droits humains ont alerté ces dernières années sur la répression des voix critiques de chaque côté.

Les divisions, prégnantes depuis que le Hamas a pris le contrôle de Gaza en 2007 en évinçant le Fatah au prix d'une quasi guerre civile, risquent de laisser des traces.

Mais les législatives étant un scrutin à la proportionnelle intégrale, contrairement aux précédentes législatives, aucun parti ne devrait écraser l'autre, ce qui diminue les chances de conflit, estime M. Khatib.

Reste à savoir quelle sera la réponse de la communauté internationale, notamment en cas de percée du Hamas, un mouvement largement considéré comme une organisation terroriste.

Cela doit-il permettre de relancer des négociations avec Israël?

Le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens est au point mort depuis 2014.

Le Hamas et l'Etat hébreu se sont par ailleurs affrontés lors de trois guerres dans la bande de Gaza depuis 2008.

Les élections pourraient encourager Washington à relancer le processus de paix, mais la réussite d'une telle initiative «dépend de beaucoup de facteurs, dont la réalité politique en Israël», où des législatives auront lieu en mars, indique M. Khatib à l'AFP.

L'annonce des élections a été accueillie avec «scepticisme», d'après l'analyste Nour Odeh: Les Palestiniens «attendent de voir ce qu'il va se passer car tout le monde sait que d'ici au 22 mai, beaucoup de choses peuvent se passer».

 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.