Centrafrique: le président Touadéra réélu mais seul un électeur sur trois a voté

Le président centrafricain Faustin Archange Touadéra fête sa Victoire devant ses partisans, à Bangui le 18 janvier (Photo, AFP).
Le président centrafricain Faustin Archange Touadéra fête sa Victoire devant ses partisans, à Bangui le 18 janvier (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 19 janvier 2021

Centrafrique: le président Touadéra réélu mais seul un électeur sur trois a voté

  • D'immenses défis se profilent maintenant, dont celui de la légitimité, pour un chef de l'État élu avec 53,16% des voix et une participation de 35,25%
  • Il lui faudra également redresser, sous la menace d'un putsch, l'économie à l'agonie du deuxième pays le plus pauvre du monde

BANGUI: Le président centrafricain Faustin Archange Touadéra a été proclamé réélu lundi par la Cour constitutionnelle, mais deux électeurs sur trois n'ont pas voté, essentiellement en raison de l'insécurité dans ce pays en guerre civile depuis huit ans et théâtre d'une nouvelle offensive rebelle.

D'immenses défis se profilent maintenant, dont celui de la légitimité, pour un chef de l'État élu avec 53,16% des voix et une participation de 35,25% sur un territoire quasiment réduit à la capitale et ses environs.

Il lui faudra également redresser, sous la menace d'un putsch, l'économie à l'agonie du deuxième pays le plus pauvre du monde, dont plus de la moitié des habitants ont besoin d'assistance humanitaire et un quart ont fui leur domicile depuis le début de la guerre civile en 2013, selon l'ONU.

Pour son premier discours depuis sa réélection officielle, le chef de l'État a appelé à la réconciliation nationale et déclaré tendre la main à l'opposition démocratique. Il a en revanche fermement condamné l'offensive rebelle, déclenchée huit jours avant la présidentielle pour perturber le scrutin, de six des plus puissants groupes armés qui occupent les deux-tiers de la Centrafrique.

Deux Casques bleus tués

« Les auteurs, coauteurs et complices présumés de ces crimes imprescriptibles commis contre le peuple centrafricain seront recherchés, arrêtés et traduits devant les juridictions compétentes », a-t-il affirmé, le jour même où deux Casques bleus - un Gabonais et un Marocain - ont été tués dans une embuscade rebelle dans le sud du pays, à près de 750 km de la capitale Bangui.

Depuis qu'ils ont juré de « marcher sur Bangui », les rebelles mènent des attaques sporadiques mais parfois violentes, généralement loin de la capitale, même si deux attaques simultanées d'environ 200 assaillants ont été repoussées le 13 janvier à Bangui.

Les rebelles se heurtent jusqu'à présent à des forces bien supérieures en nombre et lourdement équipées: quelque 12 000 Casques bleus de la force de maintien de la paix de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca) présents depuis 2014 mais aussi des centaines de militaires rwandais et paramilitaires russes dépêchés fin décembre par leurs pays à la rescousse de Touadéra et d'une armée démunie.

La Cour constitutionnelle a rejeté les recours en annulation de 13 des 16 rivaux du chef de l’État sortant. Ils invoquaient des « fraudes massives » et l'impossibilité pour deux électeurs inscrits sur trois de voter en raison de l'insécurité.

L'ancien Premier ministre Anicet Georges Dologuélé est arrivé deuxième avec 21,69% des voix.

Touadéra, professeur de mathématiques pures de 63 ans, avait été élu en 2016 à la surprise générale, alors que la guerre civile faisait rage. Elle a baissé d'intensité depuis 2018 même si les groupes armés, devenus prédateurs des maigres richesses du pays, continuaient de sévir sporadiquement contre les civils.

« Premier tour KO ! », ont scandé plusieurs centaines de personnes devant le siège du parti de Touadéra. Des coups de klaxon ont retenti, mais dans des rues vides ou loin de l'animation habituelle depuis l'offensive rebelle, les habitants redoutant l'incursion d'assaillants ou des représailles des forces de l'ordre, l'opposition dénonçant des arrestations arbitraires et des « disparitions ».

« Fiasco démocratique »

La Cour constitutionnelle a bien annulé ou redressé les résultats de certains bureaux de vote pour des irrégularités, mais a jugé que, « compte tenu de l'ampleur de l'écart des voix », leur impact « n'a pas pu inverser les résultats ».

« Ces élections sont un fiasco démocratique sous le regard de la communauté internationale qui a pu observer les dérives pas à pas et qui les a légitimées », assène Nathalia Dukhan, spécialiste de la Centrafrique pour l'ONG anticorruption américaine The Sentry.

« La Cour constitutionnelle a choisi, une fois de plus, de se tenir à côté de la communauté internationale : pas aveugle sur certains abus mais désireuse d'éviter une annulation du vote », estime de son côté Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris.

« Vous avez vu avec quelle volonté le peuple centrafricain s'est manifesté ? », a lancé Touadéra au siège de son parti après l'annonce officielle, ajoutant : « Même sous les balles, ils sont allés voter. Fallait-il donner raison à ceux qui voulaient empêcher les centrafricains d'exercer leur devoir civique ? »

« Une partie du peuple centrafricain, en guerre, a été empêchée de voter par des actes de terreur », mais malgré cela, « le peuple a envoyé un message clair et fort à ceux qui les terrorisaient (...) et au monde entier », a également jugé la Cour constitutionnelle par la voix de sa présidente, Darlan.

Mais « si la légitimité s'acquiert par les urnes, elle n'est jamais définitivement acquise, elle doit être conquise et maintenue au quotidien par l'exercice du pouvoir et la bonne gouvernance », a ajouté la Cour. 


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.