Liban: quelles conséquences politiques après les explosions?

 Un garçon blessé dans l’explosion gisant à terre, à proximité du port de Beyrouth, mardi 4 août 2020. (Photo AFP).
Un garçon blessé dans l’explosion gisant à terre, à proximité du port de Beyrouth, mardi 4 août 2020. (Photo AFP).
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Publié le Jeudi 06 août 2020

Liban: quelles conséquences politiques après les explosions?

  • Paradoxalement, la terrible explosion a quelque peu brisé l'isolement diplomatique du gouvernement
  • La deuxième phase du soulèvement sera "plus brutale que la première, plus Thermidor que Mai 68, et pour déraper dans la violence"

BEYROUTH : La double explosion d'une violence inédite dans l'histoire du Liban qui a dévasté Beyrouth vient fragiliser encore plus un pouvoir largement contesté, dans un pays extrêmement polarisé et en faillite.

Le drame peut-t-il accélérer la chute du gouvernement et donner une nouvelle impulsion au soulèvement populaire qui s'était affaibli en raison de la pandémie de coronavirus et de la crise économique, ou au contraire renforcer le pouvoir, appuyé notamment par le Hezbollah pro-iranien?

Quel impact sur le gouvernement?

Formé en janvier 2020, le gouvernement de Hassan Diab, présenté comme un cabinet de technocrates, est accusé par ses détracteurs d'être soumis au parti du président Michel Aoun, le Courant patriotique libre, et son allié indéfectible, le Hezbollah pro-iranien.

Le gouvernement, qui tarde à enclencher les réformes économiques réclamées par la communauté internationale et le Fonds monétaire international (FMI) pour sortir le pays de la crise, est conspué par le mouvement de contestation populaire.

Il a été affaibli encore plus cette semaine par la démission du ministre des Affaires étrangères, Nassif Hitti, un diplomate de carrière qui a dénoncé "l'absence de réelle volonté" d'entreprendre des réformes.

Mais paradoxalement, la terrible explosion a quelque peu brisé l'isolement diplomatique du gouvernement, qui était notamment ostracisé par de riches monarchies du Golfe hostiles à l'Iran, et les secours internationaux affluent.

"Dans n'importe quel autre pays, le gouvernement démissionnerait" à la suite d'une explosion d'une telle  magnitude, estime Maha Yahya, directrice du centre Carnegie-Moyen Orient.

Les déflagrations, déclenchées mardi selon les autorités par un incendie dans un entrepôt abritant une énorme quantité de nitrate d'ammonium, ont fait au moins 135 morts, 5000 blessés et des centaines de milliers de sans-abri.

"Le fait qu'une telle quantité de nitrate d'ammonium soit entreposée au port de Beyrouth sans mesures de sécurité, constitue une négligence criminelle", ajoute-t-elle.

"Malgré la colère populaire (..) une démission immédiate me semble encore improbable à ce stade tant qu'il n'existe pas encore d'alternative claire", estime le politologue Karim Emile Bitar. 

Surtout que l'opposition traditionnelle est elle aussi discréditée par le mouvement de contestation qui rejette en bloc la classe politique.

Un nouveau souffle pour le soulèvement?

Le soulèvement populaire qui avait éclaté le 17 octobre s'est essoufflé, notamment en raison de la pandémie de Covid-19 et du confinement imposé par les autorités, mais également du fait de l'épuisement de la population, mise à genoux par la dégradation brutale de ses conditions de vie.

"Le coronavirus avait donné un répit à la classe politique", estime Karim Emile Bitar qui se dit certain que le drame de mardi va donner "un deuxième souffle à la révolution". "Les Libanais seront encore plus déterminés à "demander des comptes à cette caste politique corrompue jusqu'à la moelle", ajoute-t-il.

Mais l'analyste estime que la deuxième phase du soulèvement sera "plus brutale que la première, plus Thermidor que Mai 68, et pourra déraper dans la violence".

Maha Yehya est pour sa part plus mitigée: si le drame peut galvaniser ceux qui, depuis octobre, se rassemblent sous le slogan "tous, sans exception" pour dénoncer la classe politique, il pourrait aussi "pousser encore plus de gens" à choisir le chemin de l'exil.

Le Hezbollah pourrait-il être affaibli?

Le puissant parti pro-iranien est resté relativement discret depuis l'explosion, selon le politologue Karim Emile Bitar, et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a reporté un discours prévu mercredi soir. 

"Mais il sera aussi tenu pour responsable (de l'explosion) car il fait partie du système gouvernant et est accusé d'être implicitement impliqué dans la gestion du port, ou du moins de contrôler clandestinement les entrées et sorties du port", explique Maha Yahya.

Déjà affaibli par les sanctions américaines, le parti chiite va également se consacrer à resserrer les rangs à l'approche d'une échéance cruciale, le verdict du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) dans le procès de l'ancien Premier ministre sunnite Rafic Hariri, tué dans un attentat en 2005.

L'annonce du verdict, initialement prévue vendredi, a été reportée au 18 août, "par respect pour les victimes" de l'explosion selon le TSL. Les quatre accusés, tous membres du Hezbollah, sont jugés par contumace, mais le verdict pourrait "probablement susciter quelques tensions" sur le terrain entre les partisans de l'ancien Premier ministre et ceux du parti pro-iranien, selon Karim Emile Bitar.


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.


L'armée israélienne annonce le lancement d'une «vaste opération» dans le nord de la Cisjordanie

L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée. (AFP)
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  • "Pendant la nuit (de mardi à mercredi), les forces [israéliennes] ont commencé à opérer dans le cadre d'une vaste opération antiterroriste dans la région du nord" de la Cisjordanie, indique un communiqué militaire israélien
  • Les forces israéliennes, "ne permettront pas au terrorisme de s'[y] implanter", ajoute l'armée israélienne

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée.

"Pendant la nuit (de mardi à mercredi), les forces [israéliennes] ont commencé à opérer dans le cadre d'une vaste opération antiterroriste dans la région du nord" de la Cisjordanie, indique un communiqué militaire israélien.

Les forces israéliennes, "ne permettront pas au terrorisme de s'[y] implanter", ajoute l'armée israélienne.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967.

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'un déploiement dans le cadre de son "opération antiterroriste" lancée en janvier 2025 et visant principalement les camps de réfugiés palestiniens de la région, mais d'une "nouvelle opération".

Elle n'a pas fourni plus de détails dans l'immédiat.

Les violences ont explosé en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël.

Depuis le 7-Octobre, plus d'un millier de Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 43 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Les violences n'ont pas cessé en Cisjordanie depuis l'entrée en vigueur de la trêve à Gaza le 10 octobre.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a recensé en octobre un pic des "attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en près de deux décennies de collecte de données dans ce territoire palestinien.

Le 10 novembre, un Israélien a été tué et trois autres ont été blessés lors d'une attaque au couteau menée par deux Palestiniens rapidement abattus par des soldats près de Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie.


Le Conseil de sécurité de l'ONU en Syrie et au Liban la semaine prochaine

 Le Conseil de sécurité de l'ONU se rendra la semaine prochaine en Syrie et au Liban, a indiqué mardi la mission slovène qui présidera le Conseil en décembre. (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU se rendra la semaine prochaine en Syrie et au Liban, a indiqué mardi la mission slovène qui présidera le Conseil en décembre. (AFP)
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  • Alors que l'ONU tente de se réimplanter en Syrie, le Conseil a récemment levé ses sanctions contre le nouveau dirigeant du pays, l'appelant à mettre en oeuvre une transition inclusive
  • Le 5 décembre, le Conseil sera ensuite à Beyrouth, avant de se rendre le lendemain à la rencontre des Casques bleus de la force de maintien de la paix de l'ONU au sud du Liban (Finul), qui doit quitter le pays fin 2027

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU se rendra la semaine prochaine en Syrie et au Liban, a indiqué mardi la mission slovène qui présidera le Conseil en décembre.

Quelques jours avant le premier anniversaire de la chute de l'ancien président syrien Bachar al-Assad, les ambassadeurs des quinze Etats membres doivent se rendre le 4 décembre à Damas où ils devraient rencontrer notamment les nouvelles autorités, dont le président par intérim Ahmad al-Chareh, et des représentants de la société civile, a précisé la mission à des journalistes.

Alors que l'ONU tente de se réimplanter en Syrie, le Conseil a récemment levé ses sanctions contre le nouveau dirigeant du pays, l'appelant à mettre en oeuvre une transition inclusive.

Le 5 décembre, le Conseil sera ensuite à Beyrouth, avant de se rendre le lendemain à la rencontre des Casques bleus de la force de maintien de la paix de l'ONU au sud du Liban (Finul), qui doit quitter le pays fin 2027 après avoir fait tampon entre Israël et le Liban depuis mars 1978.

Ce déplacement intervient alors qu'Israël a poursuivi ses frappes au Liban malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 pour mettre fin à un conflit avec le mouvement libanais Hezbollah, un allié du groupe islamiste palestinien Hamas.