Birmanie: Biden appelle à rendre le pouvoir aux civils et agite la menace des sanctions

Le putsch s'est fait sans effusion de sang, l'armée se contentant de bloquer les artères avec des soldats en armes et des véhicules blindés autour du parlement dans la capitale, Naypyidaw (Photo, AFP).
Le putsch s'est fait sans effusion de sang, l'armée se contentant de bloquer les artères avec des soldats en armes et des véhicules blindés autour du parlement dans la capitale, Naypyidaw (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 02 février 2021

Birmanie: Biden appelle à rendre le pouvoir aux civils et agite la menace des sanctions

  • Les craintes de putsch s'étaient renforcées quand le chef de l'armée a déclaré que la Constitution pouvait être «révoquée» dans certaines circonstances
  • Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a «fermement condamné» ce «coup dur» présenté aux réformes démocratiques

RANGOUN: La Birmanie a été lundi le théâtre d'un coup d'État de l'armée qui a arrêté la cheffe de facto du gouvernement civil Aung San Suu Kyi, proclamé l'état d'urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.
Ce nouveau putsch dans un pays qui était sorti il ​​y a 10 ans d'un régime militaire en place pendant presque un demi-siècle a été condamné par nombre d'Etats.
Le président américain Joe Biden a appelé à «immédiatement» rendre le pouvoir, menaçant d'imposer des sanctions, et une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU aura lieu mardi.
Pour expliquer le coup d'État, les militaires ont assuré que les législatives de novembre avaient été entachées d'énormes irrégularités, ce que la commission électorale dément.
Ce contrôle a été massivement remporté par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, arrêtée lundi lors d'un coup d'État».
Le putsch s'est fait sans effusion de sang, l'armée se contentant de bloquer les artères avec des soldats en armes et des véhicules blindés autour du parlement dans la capitale, Naypyidaw.

A Rangoun, la capitale économique, les militaires se sont notamment emparés de l'hôtel de ville et ont fermé l'accès à l'aéroport international.
Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, âgée de 75 ans, a été arrêtée tôt lundi ainsi que le président de la République, Win Myint et d'autres responsables de son parti.

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Les migrants birmans, brandissant des portraits d'Aung San Suu Kyi participent à une manifestation devant l'ambassade du Myanmar à Bangkok le 1er février 2021 (Photo, AFP).

Aucune précision n'a été donnée sur le lieu de leur détention, mais ils se trouvent à Naypyidaw, d'après Myo Nyunt, porte-parole de la LND.
Le comité Nobel s'est dit «scandalisé» par son arrestation.
Lundi soir, la télévision d'État a annoncé le départ de 24 ministres et la nomination de onze nouveaux.
L'ancien ministre des Affaires étrangères, Wunna Maung Lwin, en poste sous le régime de l'ex-général Thein Sein (président de 2011 à 2016), a récupéré son portefeuille, qu'Aung San Suu Kyi détenait en tant que chef de facto du gouvernement.

«Se préparer au pire»

A la tombée de la nuit, les rues de Rangoun étaient désertes, la Birmanie étant aussi frappée par la pandémie causée par le coronavirus (plus de 14 000 cas et plus de 3 000 décès recensés). Les télécommunications restaient perturbées et les banques ont été fermées jusqu'à nouvel ordre.

Les rares personnes rencontrées ne cachaient pas leur désarroi. «C'est extrêmement bouleversant», «je ne veux pas de putsch militaire», pouvait-on entendre.

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(Photo, AFP).


Quelques rassemblements de partisans de l'armée brandissant des drapeaux et entonnant des chants nationalistes se sont rapidement dispersés.
Les militaires ont promis dans un communiqué sur Facebook l'organisation de nouvelles élections libres et équitables, une fois que l'état d'urgence d'un serait levé.
Mais des Birmans se montraient pessimistes.
«Je crains que ce ne soit plus long (...) il faut se préparer au pire», a relevé Lamin Oo, un réalisateur de 35 ans.
Tandis que les rumeurs de coup d'État se renforçaient ces derniers jours, Aung San Suu Kyi avait laissé un message à la population, diffusé ce lundi par le président de la LND sur les réseaux sociaux, dans lequel elle exhorte les Birmans à «ne pas accepter» ce putsch.
L'armée tente de «replonger le pays sous la dictature militaire», a-t-elle écrit, demandant à la population de «manifestant unanime».
La communauté internationale a rapidement réagi.
Pékin a appelé à un règlement des différends dans le cadre de la Constitution et l'Union européenne a exhorté à la libération des personnes arrêtées.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a «fermement condamné» ce «coup dur» présenté aux réformes démocratiques.
Londres a convoqué lundi l'ambassadeur birman au Royaume-Uni pour condamner le «coup d'État» et appeler à la «libération immédiate» d'Aung San Suu Kyi.

Fraudes par «millions»

Ce coup d'État, le troisième depuis l'indépendance en 1948, intervient alors que le Parlement issu des dernières législatives législatives doit entamer sa première session ce lundi.
Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus de dix millions de cas de fraudes aux législatives de novembre.
Les craintes de putsch s'étaient renforcées quand le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing - sans doute l'homme le plus puissant du pays -, a déclaré la semaine dernière que la Constitution pouvait être «révoquée» dans certaines circonstances .
Min Aung Hlaing concentre désormais les pouvoirs «législatif, administratif et judiciaire» et un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim, un poste élargi honorifique.

«Relation compliquée»

En 2015, la LND avait obtenu une grande majorité et avait été contrainte à un partage délicat du pouvoir avec l'armée qui contrôle trois ministères clés (l'Intérieur, la Défense et les Frontières).
«Les relations entre le gouvernement et les militaires étaient compliquées», souligne Hervé Lemahieu, un expert auprès de l'institut Lowy en Australie. «Ce régime hybride, pas tout à fait autocratique ni tout à fait démocratique, s'est effondré sous le poids de ses propres contradictions».
Aung San Suu Kyi, très critique à l'international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas, dont des milliers ont fui en 2017 les exactions de l'armée pour se réfugier au Bangladesh, reste adulée par la majorité de ses compatriotes.
En revanche, la nouvelle de son arrestation a été accueillie avec joie dans les camps de réfugiés rohingyas.
«Elle est la raison de toutes nos souffrances. Pourquoi ne pas nous attendre? », A déclaré un chef communautaire, Farid Ullah, à Kutupalong, le plus grand camp de réfugiés du monde.
Longtemps exilée, Aung San Suu Kyi est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l'opposition face à la dictature militaire. Elle a passé 15 ans en résidence surveillée avant d'être libérée par l'armée en 2010.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.