Le rôle de leader de l’Arabie saoudite dans le monde musulman est façonné par plusieurs principes de politique étrangère: un engagement envers tous les Musulmans du monde entier, la non-ingérence, le soutien aux efforts de déradicalisation des Musulmans, et la lutte contre l’extrémisme. Ces principes sont fondés sur ses obligations envers l'Islam en tant que religion, son identité, son histoire et sa civilisation, ainsi que sur son engagement envers un système international fondé sur des règles, de même que par rapport aux organisations et institutions internationales.
De fait, l'Arabie saoudite est le lieu de naissance du Prophète Mohammad, comme le révèle le Coran, et celui où la civilisation islamique a commencé. Au fil des siècles, et sous divers dirigeants, l'engagement saoudien envers l'Islam et les Musulmans s'est renforcé, et plus récemment encore, dans la loi fondamentale de gouvernance du pays (c'est-à-dire la Constitution), qui affirme que: «L'État nourrira les aspirations des nations arabes et musulmanes de manière solidaire et harmonieuse, et renforcera les relations avec les États amis.» Après l'annonce par Riyad du plan de la Vision 2030, le grand projet du pays pour rééquilibrer son économie, peu de personnes ont relevé que ce document abordait également son principe fondamental en précisant: «L'Arabie saoudite ... est le cœur des mondes arabe et islamique, la puissance d’investissement, et la plaque tournante reliant trois continents.»
Plus d’un milliard de Musulmans se tournent cinq fois par jour vers La Mecque pour prier, et des millions de personnes visitent le pays pour accomplir leurs devoirs religieux dans la ville sainte pour le Hajj et l’Omra, ainsi que pour accomplir divers rituels de pèlerinage à la mosquée du Prophète à Médine. Ces rituels pacifient les âmes et confèrent un statut symbolique inimaginable au Royaume, qui assume ses responsabilités envers tous les Musulmans.
Comme l'ont largement démontré de nombreux ouvrages érudits, le flux continu de Musulmans vers le pays au cours des siècles a facilité le développement de relations et de réseaux personnels, familiaux, officiels et officieux entre les dirigeants saoudiens, les élites et le peuple, ainsi que les Musulmans à travers le monde. L'Arabie saoudite est universellement reconnue comme l'acteur-clé dans les organisations islamiques internationales telles que l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI), la Banque islamique de développement et la Ligue musulmane mondiale, qui fournissent toutes des services concrets aux niveaux religieux, politique, social, économique et financier.
Ces engagements ont renforcé la relation de l’Arabie saoudite avec l’Islam et sa portée, son influence et son impact sur le monde musulman dans son ensemble, ce qui, à son tour, a conféré au pays un prestige et une ‘puissance douce’ incommensurables, qui sont à certains égards sans précédent. Par conséquent, l'Arabie saoudite est devenue interconnectée et interdépendante avec le monde musulman.
Dans la mesure où l'Arabie saoudite est le pays le plus important de l'OCI - qui se définit comme étant «la voix collective du monde musulman pour assurer et sauvegarder ses intérêts dans les domaines économique, socio-politique et politique» - les engagements de l'organisation envers le monde musulman, comme du Royaume, ont été réaffirmés dans divers communiqués et déclarations, notamment dans la «Charte de La Mecque» de 2019. Cette déclaration, élaborée et approuvée sous la direction et la supervision saoudiennes et signée par des érudits musulmans du monde entier, «appelle le monde à lutter contre le terrorisme, l'injustice et l'oppression, affirmant que le devoir de tous est de refuser l'exploitation des personnes et la violation des droits humains.» C'est un engagement tout à fait concret qui a été peu remarqué, mais qui a guidé dans leur détermination les autorités saoudiennes.
Dans le même temps, Riyad reste un fervent partisan du système international fondé sur la non-intervention dans les affaires intérieures des pays souverains. Il rejette également les préférences «pragmatistes» ou, plus directement, les approches à deux poids et deux mesures des règles et conventions internationales qui, malheureusement, sont trop courantes de nos jours. Riyad rejette de telles approches, en partie en raison de ses engagements envers le système des États-nations mais, bien plus important encore, en raison de ses obligations religieuses. Car quel pourrait être le but des faux espoirs suscités dans le soutien de minorités déterminées dans certains pays, tout en ignorant la répression et la persécution d'autres minorités ailleurs, sauf pour des objectifs pragmatiques? Combien entendons-nous de protestations sur le sort des Musulmans en Inde, par exemple ? Pourquoi se concentrer sur certains pays, comme la Chine (bien que la situation au Xinjiang soit très préoccupante), et ignorer d'autres cas de discrimination?
Pour sa part, l'Arabie saoudite estime que la protection des Musulmans - une obligation religieuse qu'il est essentiel de souligner - est mieux assumée par des organisations internationales telles que l'OCI, la Cour internationale de Justice (CIJ) et la coopération multilatérale, plutôt que par des atteintes à la souveraineté de certains pays, ou sous forme d’ingérence dans les affaires intérieures des États-nations. Un exemple récent réside dans les efforts du Royaume pour protéger les Rohingyas du génocide. Alors que le monde observait silencieusement le génocide des Rohingyas en Birmanie, l'OCI, sous la présidence de l'Arabie saoudite, a soutenu la Gambie qui présentait l’affaire devant la CIJ. La Gambie a renvoyé la Birmanie devant la CIJ pour génocide, et la Cour a ensuite voté à l'unanimité pour ordonner à la Birmanie d'empêcher le génocide des Rohingyas.
L’incertitude et l’instabilité caractérisent le monde d’aujourd’hui. Les défis économiques provoqués par la pandémie du coronavirus ont créé un environnement propice au radicalisme, à l'extrémisme et à la politique d'exclusion, qui touchent tous le Royaume autant que la plupart des pays. Riyad est conscient de ces luttes et agit en conséquence. Dans de telles situations, et pour relever de sérieux défis, le monde doit se tourner vers un pays prêt, capable, et disposé à faire partager aux Musulmans les causes de la stabilité et de la paix, à promouvoir la modération religieuse, ainsi que pour s'attaquer à cette épineuse question que représente l’extrémisme. Le monde a besoin d'un pays qui puisse jouer ce rôle efficacement dans le monde musulman, et le fait est qu'aucun pays autre que l'Arabie saoudite n'est en mesure de le faire sans recourir à de nouvelles et complexes définitions.
• Dr. Saud Al-Sarhan est Secrétaire Général du King Faisal Center for Research and Islamic Studies.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com