Car maintenant, il va falloir se battre

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Publié le Samedi 08 août 2020

Car maintenant, il va falloir se battre

Car maintenant, il va falloir se battre
  • Car maintenant, il va falloir accepter de faire notre propre examen de conscience
  • Car à nos enfants, c’est décidé, nous ne laisserons rien. Si ce n’est la fondation solide d’un projet de nation dans laquelle l’humanité trouvera naturellement sa place

Car maintenant, il va falloir se battre. Nous battre, envers nous-mêmes d’abord. Contre eux, ensuite. Et seulement ensuite. Car maintenant, il va falloir accepter de faire notre propre examen de conscience. Chacun d’entre nous. Se remémorer cet instant où, seul(e)s dans l’isoloir en ce mois de mai 2018, au Liban ou à l’étranger, nous avons glissé notre bulletin de vote dans l’urne. Cet instant maudit où quelque chose, ce ridicule instinct de survie sectaire et féodal, nous a enjoint de voter “utile”. Alors que l’alternative existait: la société civile. Cet instant où frileusement, nous avons choisi de voter “blanc”. Alors que l’alternative existait: la société civile.

La contrition ne sert à rien devant l’ampleur du désastre. Seule une volonté réelle et sans fioritures de faire table rase de nos propres turpitudes, de nos propres réflexes arriérés, est à la hauteur de l’hommage que nous entendons rendre aux femmes, aux hommes et aux enfants qui ont péri en ce funeste 4 août 2020. 

Car maintenant, il va falloir se battre. Contre nous-mêmes, donc. S’auto-livrer une guerre totale, déchirer, de nos propres griffes, les démons qui nous habitent depuis trop longtemps maintenant. 

La contrition ne sert à rien devant l’ampleur du désastre. Seule une volonté réelle et sans fioritures de faire table rase de nos propres turpitudes, de nos propres réflexes arriérés, est à la hauteur de l’hommage que nous entendons rendre aux femmes, aux hommes et aux enfants qui ont péri en ce funeste 4 août 2020. 

Car maintenant, il va falloir, aussi, arrêter de se gargariser de clichés fallacieux et trompeurs. Non, nous ne sommes pas forts. Non, nous ne sommes pas résilients. Ce que nous sommes, il nous faut le savoir, en être conscients pour l’avenir - si toutefois celui-ci existe encore - nous sommes intelligents. Truffés de mille autres défauts, mais instruits, cultivés et ouverts à l’autre. Voilà ce que nous sommes. Car nous ne sommes pas ce qu’ils sont. Ils ne peuvent plus donc être le reflet de nous-mêmes. 

C’est seulement en prenant conscience, maintenant, de ce que nous sommes, que nous pourrons nous battre contre eux. Car ils ne sont que la réflexion de nos propres turpitudes. 

Cette prise de conscience, nous nous la devons à nous-mêmes. Au petit enfant en nous qui, hagard et aveuglé par la soudaine lumière de l’aube, le pull bien trop grand d’un voisin sur les épaules, sortait chancelant au petit matin d’un abri de fortune, à l’occasion d’une futile trêve décrétée à la convenance des barons de la guerre. A chaque mère qui, faute d’argent, est un jour partie quémander de quoi nourrir ses enfants à l’épicier du coin. A chaque expatrié, qui, malgré la douleur de la séparation, a pris le chemin de l’exil en se promettant qu’un jour, c’est sûr, il reviendra. Cette prise de conscience est nécessaire. Elle doit être immédiate. Nous nous le devons à nous-mêmes. 

Car à nos enfants, c’est décidé, nous ne laisserons rien. Si ce n’est la fondation solide d’un projet de nation dans laquelle l’humanité trouvera naturellement sa place. Pour jeter ces fondations,  il va falloir se battre. Encore et encore. Le chemin sera long, mais il va falloir se battre. Avec, en sourdine, les hymnes de Sabah, Feyrouz ou Magida El-Roumi, peu importe. 

Lélia Mezher est directrice de rédaction d'Arab News en français.

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.