Quand la hausse des taux obligataires déboussole Wall Street

La tension sur les taux obligataires à 10 ans a agité les marchés financiers et défie la position de la Banque centrale américaine (Photo, AFP).
La tension sur les taux obligataires à 10 ans a agité les marchés financiers et défie la position de la Banque centrale américaine (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 06 mars 2021

Quand la hausse des taux obligataires déboussole Wall Street

  • Les rendements sur les bons du Trésor américains à 10 ans, qui influencent notamment les crédits aux entreprises, ont atteint vendredi un plus haut depuis un an à 1,60%
  • «La théorie de base, c'est que quand les taux montent, les marchés baissent», résume Gregori Volokhine, gérant de fonds chez Meeschaert Financial Services

WASHINGTON: Signe d'optimisme de l'économie ou indice annonciateur d'une inflation galopante : la tension sur les taux obligataires à 10 ans, provoquée par les bonnes nouvelles économiques comme les fortes créations d'emplois aux Etats-Unis, a agité les marchés financiers et défie la position de la Banque centrale américaine (Fed).

Les taux obligataires, quésaco ?

Les rendements obligataires, qui désignent les taux d'intérêt que rapportent les obligations ou les emprunts d'Etat, évoluent en sens inverse du prix de ces titres.

Quand les obligations sont recherchées, leur prix monte mais leur rendement baisse.

En revanche, quand les investisseurs, tels les compagnies d'assurances ou les fonds de pension, vendent leurs bons, leur prix baisse mais leur rendement monte.

La récente et abrupte montée de ces taux obligataires intervient alors que les investisseurs cherchent à se protéger d'une accélération de l'économie et de son corollaire potentiel, l'inflation. Car si la hausse des prix s'enclenche, elle va rogner la valeur de ces obligations.

Une montée des taux obligataires - qui ont chuté au cours de la crise sanitaire - peut être interprétée à la fois comme une bonne et une mauvaise nouvelle par les marchés financiers. La bonne, c'est que l'activité économique reprend ; la mauvaise, c'est que l'inflation peut renaître, amoindrissant le pouvoir d'achat et ralentissant la consommation, moteur de l'économie.

Les rendements sur les bons du Trésor américains à 10 ans, qui influencent notamment les crédits aux entreprises, ont atteint vendredi un plus haut depuis un an à 1,60% quand ils étaient à 0,52% en août. L'inflation américaine n'est pour l'instant qu'à 1,5% annuel, selon l'indice PCE, loin des 2% et plus que vise la Banque centrale américaine.

Montagnes russes à Wall Street ?

« La théorie de base, c'est que quand les taux montent, les marchés baissent », résume Gregori Volokhine, gérant de fonds chez Meeschaert Financial Services.

Avec les campagnes de vaccination qui battent leur plein aux Etats-Unis et l'immense plan de relance - le troisième - qui va injecter des chèques de plusieurs milliers de dollars dans le budget des familles, économistes et milieux d'affaires s'attendent à une forte accélération de la croissance au 2e semestre.

Cela réjouit parfois le marché des actions, puisque les entreprises, notamment celles qui ont souffert du ralentissement d'activité dû à la Covid, vont renouer avec les profits.

Mais dans le même temps, cette embellie fait renaître le spectre de l'inflation et entraîne cette montée des taux obligataires. Ceux-ci non seulement renchérissent les emprunts des sociétés qui investissent, mais aussi dévalorisent leurs projections de trésorerie sur la durée. Pour Wall Street, qui fonctionne toujours sur l'anticipation, « l'argent que les entreprises vont gagner à l'avenir a moins de valeur parce que les taux remontent », souligne Volokhine.

C'est pour cela qu'à Wall Street, on a vu flancher les actions des entreprises dites de « croissance », notamment les groupes technologiques qui ont profité de la crise sanitaire et qui ont besoin d'investir pour embrasser la transformation technologique de l'économie.

Le Nasdaq, qui concentre les valeurs technologiques, a ainsi beaucoup plus mal réagi cette semaine à la hausse des taux que le Dow Jones, indice des valeurs vedettes de l'économie plus traditionnelle.

Où se situe la Fed ?

Pour aider l'économie en panne avec la Covid-19, la Fed a abaissé à zéro, il y a un an exactement, les taux d'intérêt au jour le jour, c'est-à-dire le coût de l'argent que les banques se prêtent entre elles.

Mais elle a aussi agi sur les taux plus longs en achetant force bons du Trésor. En créant de la demande pour ces titres, elle a fait baisser leur rendement, donc les coûts des crédits aux entreprises et même des prêts immobiliers.

Alors que les marchés s'inquiètent d'une possible inflation, le patron de la Fed Jerome Powell, lui, assure qu'une augmentation des prix ne sera que temporaire et que le plein emploi, qui fait partie des mandats de la Fed, est encore loin.

Il a plusieurs fois répété que la Banque centrale n'avait pas l'intention de relever les taux de sitôt. Il n'a pas dit mot non plus d'une éventuelle modification des achats de bons du Trésor. 

« Chaque fois qu'on a eu un frémissement des prix, les anxieux de l'inflation se réveillent mais ils ont toujours eu tort depuis 40 ans », affirme Karl Haeling, analyste pour la banque LBBW, alors que l'inflation reste jusqu'ici l'arlésienne de l'économie mondiale.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".