Rénovation urbaine: ces banlieues à la recherche d'un centre-ville

Au pied de la mairie de Bobigny (Seine-Saint-Denis), au milieu des tours de logements sociaux, les pelleteuses abattent les derniers vestiges du vieux centre commercial à l'allure d'entrepôt qui accaparait depuis les années 1970 le cœur de cette ville-préfecture populaire. (AFP).
Au pied de la mairie de Bobigny (Seine-Saint-Denis), au milieu des tours de logements sociaux, les pelleteuses abattent les derniers vestiges du vieux centre commercial à l'allure d'entrepôt qui accaparait depuis les années 1970 le cœur de cette ville-préfecture populaire. (AFP).
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Publié le Mercredi 24 mars 2021

Rénovation urbaine: ces banlieues à la recherche d'un centre-ville

  • Sans faire dalle rase du passé, Bobigny cherche toutefois depuis une vingtaine d'années à adapter son urbanisme
  • De l'autre côté de l'Ile-de-France, Evry-Courcouronnes tient un raisonnement similaire. La mairie compte démolir une partie de sa dalle de centre-ville et réaménager le quartier. Un chantier d'au moins vingt ans

BOBIGNY: Des rues où les habitants flânent, se donnent rendez-vous, font les boutiques... Un quartier ordinaire ailleurs mais qui fait rêver des villes modernes de la banlieue parisienne, construites en "dalles" et qui veulent aujourd'hui changer de visage en se dotant d'un centre-ville plus traditionnel.


Au pied de la mairie de Bobigny (Seine-Saint-Denis), au milieu des tours de logements sociaux, les pelleteuses abattent les derniers vestiges du vieux centre commercial à l'allure d'entrepôt qui accaparait depuis les années 1970 le cœur de cette ville-préfecture populaire.

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Jusqu'ici à Bobigny, une commune rurale qui s'est transformée à la faveur de l'explosion urbaine et démographique après la Seconde guerre mondiale, "il n'y avait pas de centre-ville", rappelle Benjamin Dumas, le directeur de cabinet du maire (PCF) Abdel Sadi. "Le lieu pour se retrouver, c'était la dalle." (AFP).


D'ici 2023, cette galerie marchande, ou "boîte à chaussures", doit laisser place à un quartier flambant neuf aux larges rues piétonnes à ciel ouvert. Elles offriront aux 50.000 Balbyniens une multitude de commerces de proximité, un cinéma de six salles, des bancs à l'ombre des arbres et des fontaines rafraîchissantes. A l'échelle locale, une petite révolution urbaine.


"C'est important d'avoir un endroit où vous ne faites rien du tout. Vous vous retrouvez, vous vous asseyez sur les bancs. Les ados se retrouvent, zonent ici. C'est le rôle d'un centre-ville", explique à l'AFP l'architecte Pierre Alain Trévelo, dont l'agence TVK a conçu ce nouveau quartier.


Jusqu'ici à Bobigny, une commune rurale qui s'est transformée à la faveur de l'explosion urbaine et démographique après la Seconde guerre mondiale, "il n'y avait pas de centre-ville", rappelle Benjamin Dumas, le directeur de cabinet du maire (PCF) Abdel Sadi. "Le lieu pour se retrouver, c'était la dalle."


Le chantier s'inscrit dans l'effort de renouvellement et de revitalisation au long cours du centre de la ville, où se côtoient cités montées sur des dalles surélevées et bâtiments administratifs.

Revitaliser le centre-ville 

Pensé selon l'architecture moderne et politique de l'époque, le quartier a surgi de la campagne au tournant des années 1960-1970 pour intégrer une importante population ouvrière dans cette ville traditionnellement communiste et répondre à la crise du logement. Mais, un demi-siècle plus tard, ce modèle a mal vieilli et est de plus en plus contesté.

 

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L'ancien centre-ville "n'était plus adapté, notamment à cause de la voiture, de la confiscation du rez-de-chaussée", estime M. Trévelo. "Il fallait redonner la primauté au piéton et chercher à faire une pièce fédératrice de tout ce qu'il se passe autour". (AFP).


Sans faire dalle rase du passé, Bobigny cherche toutefois depuis une vingtaine d'années à adapter son urbanisme.


La municipalité veut ramener au niveau du sol la circulation des piétons, qui se faisait en hauteur sur les dalles ou passerelles, et créer une continuité nouvelle dans le tissu urbain.


L'une des cités a vu sa dalle démolie et deux tours abattues, pour l'ouvrir sur le reste de la commune. Une autre devrait voir une partie de ses dalles disparaître. C'est au milieu de cet ensemble que doivent s'insérer les nouvelles rues commerçantes.


L'ancien centre-ville "n'était plus adapté, notamment à cause de la voiture, de la confiscation du rez-de-chaussée", estime M. Trévelo. "Il fallait redonner la primauté au piéton et chercher à faire une pièce fédératrice de tout ce qu'il se passe autour".

Vingt ans de travaux 

De l'autre côté de l'Ile-de-France, Evry-Courcouronnes tient un raisonnement similaire. La mairie compte démolir une partie de sa dalle de centre-ville et réaménager le quartier. Un chantier d'au moins vingt ans.


Le chef-lieu de l'Essonne est né de la fusion récente de Courcouronnes et d'Evry, une ville nouvelle des années 1960 imaginée autour d'une dalle et d'un gigantesque centre commercial qui occupe près de la moitié du cœur de la ville, à une époque où la voiture était reine.


"L'habitant moyen de l'Essonne qui vient une fois à Evry, il arrive dans un parking sombre et dégueulasse, il sort par un escalier qui sent l'urine et arrive sur une dalle", soupire le maire Stéphane Beaudet (ex-LR).


Malgré la concentration dans cette zone des services essentiels aux 70.000 habitants (université, tribunal, préfecture, centre sportif, poste...), l'inhospitabilité des lieux les dissuadent de s'y attarder.

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Malgré la concentration dans cette zone des services essentiels aux 70.000 habitants (université, tribunal, préfecture, centre sportif, poste...), l'inhospitabilité des lieux les dissuadent de s'y attarder. (AFP).


Selon des études menées pour le projet, explique l'élu, une personne flânant dans un agréable centre-ville de province marche au maximum à 3 km/h. A Evry, la vitesse de déplacement moyenne d'un piéton est de 5-6 km/h.


"La sauce ne prend pas", constate l'architecte Xavier Lauzeral, qui travaille sur la réhabilitation du centre d'Evry, "les échanges qui ont été imaginés entre les différentes fonctions commerciales et urbaines ne se sont pas produits".


Sur place, les commerçants ne sont pas tous informés des travaux en gestation, qui devraient débuter dans quelques années, mais en comprennent l'utilité. "Ce n'est pas très vivant comme centre, à part les banques et les restos, il n'y a pas de boutiques. On n'a qu'une clientèle de bureau mais ça serait bien de pouvoir se diversifier", témoigne Sandrine Chareunphol, qui y tient un restaurant.


Pour Xavier Lauzeral, il faut "revenir sur les fondements et la conception initiale de la ville" et surtout attendre que les habitants s'approprient leur nouveau centre. Les villes nouvelles savent que Rome ne s'est pas faite en un jour.


France: vote crucial pour le Premier ministre Sébastien Lecornu

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu assiste à une séance de questions au gouvernement au Sénat, la chambre haute du Parlement français, à Paris, le 26 novembre 2025. (AFP)
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  • Sébastien Lecornu joue son avenir politique sur le vote du budget de la Sécurité sociale, menacé d’être rejeté faute de soutien des Républicains et d’Horizons, malgré l’appui inattendu des socialistes
  • Un rejet pourrait provoquer sa chute, alors que le gouvernement avertit qu’un échec ferait bondir le déficit de la Sécurité sociale et que le scrutin reste extrêmement incertain

PARIS: L'avenir du Premier ministre français Sébastien Lecornu pourrait dépendre mardi de son pari de faire adopter sans majorité le projet de budget de la Sécurité sociale par l'Assemblée nationale, où il s'est assuré du soutien des socialistes mais risque d'être lâché par les siens.

Le texte proposé par son gouvernement de centre-droit pourrait être rejeté. Pas à cause du parti Socialiste (PS), dont le patron Olivier Faure a appelé à voter "pour" et avec lequel le Premier ministre a mené les négociations, mais parce que dans son propre camp, les partis de droite Les Républicains (LR) et du centre-droit Horizons refusent de soutenir un budget qui, à leurs yeux, fait trop de concessions à la gauche.

Le scrutin s'annonce donc extrêmement serré sur ce projet de loi, dans lequel le chef du gouvernement a concédé la suspension de l'emblématique réforme des retraites.

Son rejet pourrait précipiter la chute de Sébastien Lecornu, même si la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a jugé dimanche qu'une démission "n'aurait pas de sens".

Nommé il y a trois mois, le chef du gouvernement, qui défend la méthode des "petits pas", a en effet renoncé à recourir à un dispositif, celui de l'article 49.3 de la constitution, qui permet de faire passer un texte sans vote mais expose à la censure.

Sébastien Lecornu a déjà senti le vent du boulet souffler sur le volet "recettes" du texte, adopté à peu de voix grâce à plusieurs compromis et a de nombreux absents dans la chambre basse.

Il est reparti à la pêche aux voix pour le volet "dépenses" et surtout pour le vote final sur l'ensemble du projet de loi, prévus tous deux mardi.

Lundi soir, le président du parti Horizons, Edouard Philippe, candidat déclaré pour la présidentielle de 2027, a recommandé à ses députés de s'abstenir, en affirmant n'avoir "jamais voulu" une chute du gouvernement.

Les députés écologistes, dont le vote est crucial, pourraient s'abstenir quant à eux si le gouvernement cède à leur demande d'une augmentation des dépenses de l'assurance maladie.

Le gouvernement ne cesse d'avertir que si aucun texte n'est adopté, le déficit de la Sécurité sociale flamberait à 30 milliards d'euros en 2026, contre 23 en 2025.

L'issue du scrutin est d'autant plus incertaine que les votes ne seront pas unanimes au sein des groupes. LFI (gauche radicale) et RN (extrême-droite) avec l'UDR devraient voter contre, et les communistes majoritairement contre.

Le chef des LR, Bruno Retailleau a appelé à ne pas voter un "budget socialiste", mais certains de ses élus pourraient voter pour.

Si le texte est adopté, son chemin n'est pas terminé pour autant: il repartira au Sénat (chambre haute), avant de revenir à l'Assemblée, à qui le gouvernement pourra alors donner le dernier mot.


Paris cherche à dynamiser ses relations économiques avec Oman et le Koweït

La visite en Oman doit permettre de consolider une relation économique « peu nourrie à ce stade », selon la source diplomatique, mais qui s’oriente clairement vers des projets structurants liés à la stratégie Oman 2040. (AFP)
La visite en Oman doit permettre de consolider une relation économique « peu nourrie à ce stade », selon la source diplomatique, mais qui s’oriente clairement vers des projets structurants liés à la stratégie Oman 2040. (AFP)
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  • Le déplacement de Nicolas Forissier en Oman et au Koweït confirme la volonté française de renforcer sa présence économique dans une région stratégique et en pleine transformation
  • La France cherche à positionner ses entreprises sur les secteurs prioritaires identifiés par les stratégies nationales omanaise et koweïtienne, afin de bâtir des partenariats durables dans une dynamique “gagnant-gagnant”

PARIS: À moins d’un mois de sa visite en Arabie saoudite, le ministre délégué au Commerce extérieur, Nicolas Forissier, repart dans le Golfe du 9 au 11 décembre.
Il se rend successivement en Oman puis au Koweït, pour un déplacement qui confirme la volonté française de renforcer sa présence économique dans une région stratégique et en pleine transformation.

« C’est un voyage qui vise clairement à approfondir nos relations bilatérales avec deux pays dont les marchés, encore peu explorés, recèlent un potentiel considérable pour nos entreprises », explique une source diplomatique.

Il y a trois semaines, Nicolas Forissier menait déjà une mission ambitieuse en Arabie saoudite, centrée sur la mobilisation des acteurs français pour les grands rendez-vous internationaux que le royaume s’apprête à accueillir : l’Exposition universelle de 2030 et la Coupe du monde 2034.

Cette fois, la logique est différente puisqu’il s’agit de développer en profondeur des partenariats économiques avec Oman et le Koweït, deux pays de plus petite taille mais aux marchés dynamiques et en pleine diversification.

Oman comme le Koweït affichent aujourd’hui des visions nationales ambitieuses à l’horizon 2040, toutes deux axées sur la diversification économique et la modernisation de l’appareil productif.

« Ce sont deux économies historiquement centrées sur les hydrocarbures, mais qui veulent désormais aller beaucoup plus loin en matière d’infrastructures, d’énergies renouvelables, de gestion de l’eau ou encore de technologies propres », souligne la source diplomatique.

Malgré un socle économique bilatéral encore limité, comparé à l’Arabie saoudite ou aux Émirats, l’intérêt pour les entreprises françaises est réel.
Les chiffres l’illustrent clairement : les échanges commerciaux France–Oman ont atteint 703 millions d’euros en 2024, en hausse spectaculaire de 60 % par rapport à 2023.
Le Koweït reste quant à lui le troisième partenaire commercial de la France dans la région, avec 2,6 milliards d’euros d’échanges en 2024.

« Il y a un vivier économique existant, mais nous voulons aller beaucoup plus loin. L’objectif du ministre est d’accélérer, d’appuyer des contrats déjà signés ou en cours de négociation, et de mettre en avant nos entreprises sur les appels d’offres ouverts », résume la source diplomatique.

Une vingtaine d’entreprises françaises

Le ministre est accompagné d’une vingtaine d’entreprises françaises, reflétant la diversité de l’offre tricolore : grandes multinationales, entreprises de taille intermédiaire, start-ups et fonds d’investissement.
La liste inclut notamment Aéroports de Paris, Airbus, Bouygues, Artelia, Bpifrance, Schneider Electric, Suez, Veolia, Société Générale, ainsi que plusieurs acteurs industriels et financiers.

Pour le volet koweïtien, d’autres grands noms rejoignent la délégation, parmi lesquels JCDecaux, Aegis, Neoen, Serena Capital, TKO ou TotalEnergies.

« C’est une délégation intersectorielle, représentative de l’ensemble du savoir-faire français, dans l’énergie, l’eau, les transports, les infrastructures, la finance ou encore le génie urbain », précise la source.

La visite en Oman doit permettre de consolider une relation économique « peu nourrie à ce stade », selon la source diplomatique, mais qui s’oriente clairement vers des projets structurants liés à la stratégie Oman 2040.

Les entreprises françaises y sont déjà positionnées sur plusieurs secteurs clés, tels que la gestion de l’eau et la rénovation des réseaux de distribution, un enjeu central pour un pays en tension hydrique.

Autre secteur : les transports, avec un projet majeur, celui du métro de Mascate, dont la planification progresse et pour lequel des entreprises françaises répondent aux appels d’offres.

Dans le domaine des énergies, plusieurs projets sont en cours, notamment l’un des plus vastes projets de production énergétique carbonée du pays, ainsi qu’une stratégie nationale axée sur l’hydrogène, le solaire et l’éolien.
S’ajoutent les secteurs de la gestion des déchets et de l’économie circulaire, où des acteurs français comme Suez ou Veolia sont déjà bien implantés.

La culture et le soft power

Oman manifeste aussi un intérêt croissant pour la culture et le soft power, un domaine où la France dispose d’atouts déterminants. « Les autorités omanaises veulent développer leur attractivité culturelle, et notre influence dans ce domaine est un atout important », note la même source.

Le passage du ministre au Koweït s’inscrit dans la dynamique ouverte par la visite de l’émir à Paris en juillet 2025, qui a marqué une relance du dialogue politique et économique. « Cette visite avait posé les bases d’un partenariat renouvelé, à l’approche du 65ᵉ anniversaire de nos relations diplomatiques prévu en 2026 », rappelle Paris.

Le Koweït, qui souhaite diversifier son économie tout en modernisant ses infrastructures, ouvre aujourd’hui plusieurs projets majeurs sur lesquels les entreprises françaises sont engagées, comme l’extension de la flotte de Kuwait Airways — avec un besoin important d’appareils neufs — ou la rénovation complète de l’aéroport international, projet structurant pour l’ouverture du pays.

Il y a également la première tranche d’une ferme solaire de 1,1 GW à Shagaya, l’un des projets énergétiques les plus ambitieux de la région, ainsi que la construction de villes durables, en cohérence avec les objectifs de transition énergétique nationale.

Selon la source diplomatique, « le Koweït est aussi en demande d’investissements croisés : il souhaite investir davantage en France, mais encourage tout autant les investissements français au Koweït, dans l’énergie, les infrastructures et la santé ».

À travers ce double déplacement, la France entend affirmer un message clair : celui d’une politique économique résolument tournée vers le Golfe. « Notre volonté est simple : accompagner les stratégies nationales, positionner les entreprises françaises sur les secteurs prioritaires et bâtir des partenariats durables, dans une dynamique “gagnant-gagnant” », conclut la source.


Le gouvernement lance des conférences sur la «souveraineté alimentaire», sur fond de méfiance agricole

 Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...Photo de Rungis le 1er février 2024. (AFP)
Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...Photo de Rungis le 1er février 2024. (AFP)
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  • Ces conférences, promises par la loi d'orientation agricole de mars 2025, se dérouleront sur plusieurs mois, par filières de production et au niveau régional, pour des conclusions en juin
  • La ministre Annie Genevard a livré en février une vision de la souveraineté alimentaire conçue comme un "réarmement" dans un monde secoué de conflits: "la France doit produire plus pour manger mieux", avait-elle assené

PARIS: Dans une France agricole affaiblie, le gouvernement lance lundi les "conférences de la souveraineté alimentaire" destinées à définir une stratégie agricole nationale sur dix ans, un exercice que les agriculteurs, échaudés, abordent avec méfiance.

De l'élevage à la viticulture en passant par les céréales, les difficultés sont telles que la balance agricole française pourrait être déficitaire en 2025, pour la première fois en près de 50 ans. Aujourd'hui, la France importe la moitié des fruits, légumes et du poulet qu'elle consomme, 60% de la viande ovine, 25% du bœuf...

Ces conférences, promises par la loi d'orientation agricole de mars 2025, se dérouleront sur plusieurs mois, par filières de production et au niveau régional, pour des conclusions en juin.

La ministre Annie Genevard a livré en février une vision de la souveraineté alimentaire conçue comme un "réarmement" dans un monde secoué de conflits: "la France doit produire plus pour manger mieux", avait-elle assené, appelant à la "mobilisation générale".

Retour "symbolique" à Rungis 

Elle franchit une étape supplémentaire lundi en lançant son opération "grand réveil alimentaire" au marché de gros de Rungis, avec un discours qualifié de "majeur" par son entourage.

Cette entrée en matière a fait bondir le premier syndicat FNSEA, qui participera au chantier mais pas à son lancement, "s'apparentant davantage à une opération de communication".

"Cela fait 15, 20 ans qu'on dit qu'on va dans le mauvais sens. Ce qui nous intéresse maintenant, c'est ce qu'on va faire, (...) comment on assure des revenus sur les exploitations", souligne le secrétaire général de la FNSEA Hervé Lapie.

Le premier syndicat goûte assez peu ce retour "symbolique" à Rungis, où Emmanuel Macron avait en 2017 prôné une stratégie de "montée en gamme", depuis percutée par l'inflation et la concurrence accrue sur les marchés.

Huit ans plus tard, l'ambiance est morose. Après deux hivers de colère dans les campagnes, le monde agricole reste au bord de l'explosion, entre crises sanitaires dans l'élevage et prix en berne.

La mobilisation s'organise, en France contre la politique d'abattage systématique de bovins touchés par la dermatose, et à Bruxelles, où une manifestation est prévue le 18 décembre contre l'accord de libre-échange UE-Mercosur ou la taxe carbone aux frontières pour les engrais.

Pour la Coordination rurale, 2e syndicat agricole qui boude aussi le discours de Rungis, "le ministère ne répond pas aux attentes actuelles des agriculteurs" qu'on "empêche de produire" avec des contraintes trop fortes.

A rebours de cette vision anti-normes, la Confédération paysanne est aussi critique du gouvernement, estimant que la souveraineté est avant tout la capacité d'une société à choisir son agriculture et non une course pour produire et exporter plus.

Plusieurs filières soulignent que le temps n'est plus "aux nouvelles consultations" mais aux "décisions": "il y a urgence", a résumé l'interprofession de la viande mercredi.

Certaines ont établi des diagnostics précis, comme celle de la betterave sucrière, ou lancé des "plans de souveraineté" comme les fruits et légumes en 2023, ou le blé dur et la viande en 2024. Qu'espérer donc de ces conférences ?

Impliquer la transformation 

L'idée est de construire à partir "de l'évolution de la demande", en interrogeant notamment les industriels: "il s'agit bien d'élaborer un plan d'action de production et de transformation à dix ans et on fera en sorte de partir de la demande du consommateur français, européen et mondial", explique le ministère.

Des "projets structurants" seront identifiés, de même que des "trajectoires de production", assure-t-on.

Ce plan devra aussi tenir compte de la stratégie française de lutte contre le changement climatique ou de réduction des pesticides.

Ludovic Spiers, ex-directeur général du géant coopératif agricole Agrial, a été nommé "coordinateur général" du chantier. Des groupes de travail sectoriels sont prévus (cultures, viandes blanches, viticulture...), réunissant les interprofessions, l'amont (l'agriculture) et l'aval (la transformation), l'établissement public FranceAgrimer, la recherche.

Ces conférences "doivent être l'occasion d'un sursaut national. Je veux impliquer le consommateur citoyen, lui faire prendre conscience que par son acte d'achat, il a une importance capitale. Ce +grand réveil alimentaire+ s'adresse d'abord à lui", a affirmé Mme Genevard dans Les Echos dimanche.

Elles devront aussi prendre en considération des stratégies nationales nutrition et climat (Snanc, SNBC...) qui se font toujours attendre.