En Irak, des lois de l'ère Saddam Hussein sévissent encore

Un jeune regarde un croquis dessiné de l'ex-président irakien défunt Saddam Hussein sous le drapeau historique de l'Irak de Hussein, exposé lors d'un bazar de charité dans un centre commercial de la ville de Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 13 février 2020. (Zaid AL-OBEIDI / AFP)
Un jeune regarde un croquis dessiné de l'ex-président irakien défunt Saddam Hussein sous le drapeau historique de l'Irak de Hussein, exposé lors d'un bazar de charité dans un centre commercial de la ville de Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 13 février 2020. (Zaid AL-OBEIDI / AFP)
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Publié le Jeudi 25 mars 2021

En Irak, des lois de l'ère Saddam Hussein sévissent encore

  • Ibrahim al-Soumeidi a été arrêté jeudi dernier à son domicile alors qu'une polémique enflait après des commentaires, diffusés sur les réseaux sociaux à son insu
  • Si les militants s'inquiètent des poursuites judiciaires lancées à leur encontre sur la base de ces lois, ils sont exposés à de nombreuses autres menaces venues d'ailleurs

BAGDAD : L'arrestation récente d'un commentateur politique a relancé un vieux débat en Irak: 18 ans après la chute de la dictature de Saddam Hussein, certaines des lois en vigueur sous son règne sont toujours utilisées pour faire taire les critiques.

En pleine nuit, Ibrahim al-Soumeidi a été arrêté jeudi dernier à son domicile alors qu'une polémique enflait après des commentaires, diffusés sur les réseaux sociaux à son insu, dans lesquels il critique la révision récente de la loi encadrant la Cour suprême.

Il a été libéré dimanche soir après avoir été entendu par un tribunal de Bagdad, mais il reste poursuivi pour "diffamation", "insulte aux institutions" et "fausses informations". 

Ces chefs d'accusation remontent au Code pénal de 1969, rédigé peu après le coup d'Etat ayant porté au pouvoir le parti Baas de Saddam Hussein, et resté inchangé en 2003 après réécriture de la Constitution sous supervision des Américains.

A l'époque, les Etats-Unis affirmaient promouvoir liberté et démocratie dans un pays qu'ils venaient d'envahir pour mettre fin au règne de Saddam Hussein, président pendant 24 ans, et au régime du Baas, au pouvoir durant 35 années.

Aujourd'hui, "des mandats d'arrêt sont délivrés contre des journalistes, des militants ou des gens exprimant des opinions en Irak, en s'appuyant sur des lois vieilles de plus de 50 ans et qui prévoient parfois jusqu'à la perpétuité ou la mort", s'insurge l'Observatoire de la liberté de la presse irakien.

"Il faut en finir avec les lois héritées des anciens régimes totalitaires, qui contreviennent à la Constitution de l'Irak post-2003", plaide le patron de cette ONG, Ziad Ajili, dans un communiqué.

Assassinats et enlèvements

Si les militants s'inquiètent des poursuites judiciaires lancées à leur encontre sur la base de ces lois, ils sont exposés à de nombreuses autres menaces venues d'ailleurs. 

Depuis le début d'une révolte populaire inédite en octobre 2019, des dizaines de militants ont été assassinés ou enlevés --certains toujours disparus depuis plus d'un an-- sans que l'Etat n'arrête jamais d'agresseur.

"On veut faire taire les voix libres en enlevant, assassinant et arrêtant les gens qui expriment des opinions", écrit ainsi sur Twitter le chef de parti Ammar al-Hakim, qui se pose en héraut des modérés du camp chiite.

"C'est le b.a-ba de la démocratie que de garantir la liberté d'expression et de contradiction", poursuit-il, visiblement en référence aux poursuites contre M. Soumeidi.

Ce dernier a "présenté des excuses" pour l'accusation d'"insulte aux institutions", assure le tribunal. 

Pour autant, en vertu de l'article 226 du Code pénal, il encourt toujours jusqu'à sept ans de prison --comme quiconque ayant "insulté publiquement le Parlement, le gouvernement, les tribunaux, les forces armées ou toute institution constitutionnelle".

Cette plainte, déposée par le Conseil suprême de la magistrature, porte sur des enregistrements de M. Soumeidi qui, dans le cadre d'une conversation privée, critique l'action de plusieurs dirigeants politiques et judiciaires, notamment autour de la loi sur la Cour suprême.

"Terminée la dictature"

La deuxième plainte a été déposée par le ministère de la Défense en vertu de l'article 433 portant sur la diffamation, qui prévoit "une peine de prison et/ou une amende" et considère "la publication dans la presse" des propos comme "une circonstance aggravante". 

La troisième, elle, porte sur des faits plus anciens dans le cadre de l'article 210 sur les "fausses informations". En février 2020, alors que le pays en plein soulèvement populaire cherchait à se doter d'un nouveau gouvernement, M. Soumeidi avait jeté un pavé dans la mare sur Twitter.

Il avait écrit qu'un parti lui avait proposé 30 millions de dollars pour faire jouer ses contacts et obtenir un ministère, un genre de proposition qui n'est pas rare en Irak --21e pays le plus corrompu au monde selon Transparency-- mais qui est rarement suivi de poursuites judiciaires.

"Nous rappelons au gouvernement et aux juges que l'ère de la dictature est terminée et que personne en Irak ne reviendra sur la liberté d'opinion et d'expression", assure une lettre ouverte signée par une centaines d'intellectuels en soutien à M. Soumeidi.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.