Département français depuis 10 ans, Mayotte toujours à la traine

Le district de Mamoudzou, à Mayotte (Photo, AFP).
Le district de Mamoudzou, à Mayotte (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 27 mars 2021

Département français depuis 10 ans, Mayotte toujours à la traine

  • Dix ans après son passage au statut de département, 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté
  • La seconde vague de la Covid-19 a été particulièrement sévère à Mayotte, qui dispose de ressources hospitalières limitées

MAMOUDZOU: Mayotte est le territoire le plus pauvre de France, malgré l'accession au statut de département le 31 mars 2011, qui avait donné l'espoir d'un rattrapage social à cette île de l'océan Indien. 

Dix ans après son passage au statut de département, 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Le SMIC horaire brut est à 7,74 euros (contre 10,15 euros dans les autres départements), la couverture maladie universelle et le congé paternité de 11 jours n'existent pas.

La seconde vague de la Covid-19 a été particulièrement sévère à Mayotte, qui dispose de ressources hospitalières limitées.

L'Etat s'était engagé à une départementalisation « progressive et adaptée » sur une durée de 20 à 25 ans. Mais c'est trop long pour les Mahorais, qui ont accepté un certain nombre d'impôts et de taxations supplémentaires avec la départementalisation.

« On est toujours à la traîne. Il y a des spécificités concernant le handicap, les conventions collectives, les Codes de la Sécurité sociale et de l'Action sociale ne s'appliquent toujours pas ! Par contre, quand il s'agit de ponctionner, le droit commun s'applique à la taxe d'habitation ou l'impôt sur le revenu ! », fulmine El Anzize Hamidou, secrétaire général de l'UD-FO.

Appel d'air

Depuis 2011, la situation a un peu évolué, souvent sous la pression des mouvements sociaux, de l'action syndicale et du lobbying politique. La surrémunération des salaires, portée à 40% pour les fonctionnaires, a été achevée en 2017. Et le Code du travail de droit commun s'applique dans presque sa globalité depuis 2018. Les allocations familiales sont alignées depuis le 1er janvier sur celles de l'Hexagone.

Mais la progression vers l'égalité sociale est lente. « À chaque fois, Paris nous oppose l'argument de l'appel d'air quand on réclame l'équité et la justice pour les Mahorais. C'est insupportable ! On veut en finir avec cette aberration », souligne Issa Issa Abdou, 4e vice-président du conseil départemental chargé de l'action sociale, la solidarité et la santé. 

Un long chemin jusqu'à la départementalisation

Mayotte, dans l'Océan Indien, est la seule île de l'archipel des Comores qui, d'élections en référendums, s'est au cours des ans toujours prononcée pour son maintien au sein de la communauté française, jusqu'à devenir en mars 2011 le 101e département français et le 5e d'Outre-Mer.

En 1946, l'archipel des Comores, colonie française, obtient le statut de territoire d'outre-mer. 

Lors du référendum sur la Constitution de 1958, les quatre élus mahorais de l'Assemblée territoriale des Comores déposent une motion réclamant la départementalisation.

Puis, lors du référendum de décembre 1974 sur l'autodétermination des Comores, le résultat île par île confirme le souhait de Mayotte de rester attachée à la République française, à une majorité de 63,8% des suffrages exprimés, contre 94,6% voix en faveur de l'indépendance dans les trois autres îles (Grande Comore, Anjouan et Mohéli).

Alors que le Gouvernement des Comores déclare unilatéralement l'indépendance en 1975, sans l'accord des élus mahorais, la France organise à nouveau deux consultations à Mayotte, en 1976. Le 8 février, 99,4% des électeurs votent pour le maintien de Mayotte au sein de la République française.

Mayotte devient par la loi du 24 décembre 1976 une collectivité territoriale au statut provisoire, avec un régime de « spécialité législative » propre aux territoires d'outre-mer (lois et règlements métropolitains pas applicables directement).

Le 2 juillet 2000, la population de Mayotte approuve à 73% l'accord sur l'avenir de Mayotte signé en janvier 2000 par le gouvernement PS et les principaux partis politiques de l'île et devient collectivité départementale en 2001, puis collectivité d'outre-mer en 2003.

Le dernier scrutin consacrant Mayotte dans la communauté française et faisant passer l'île du statut de collectivité d'outre-mer à celui de département, sera le référendum du 29 mars 2009, avec 95,2% de votes favorables. Deux ans plus tard, le changement de statut sera officiel.

Un appel d'air concrétisé par une forte immigration clandestine en provenance de l'Union des Comores et de l'Afrique des Grands Lacs, principalement. Convaincre le gouvernement d'accélérer l'égalité sociale n'est donc pas aisé. 

En 2015 et 2016, c'est au prix de mouvements de grève et de blocages de l'île que le principe de l'alignement du Code du travail de Mayotte sur celui de droit commun a été accepté.

Solidarité nationale

Pour El Anzize Hamidou, c'est à l'État d'agir pour l'alignement des droits sociaux. « L'article 73 de la Constitution nous donne raison. En tant que département, les Mahorais doivent naturellement bénéficier de la solidarité nationale et de l'égalité républicaine ».

D'autres épinglent les parlementaires pour leur immobilisme, voire leur désintérêt pour ce sujet. « Chaque année, lors du vote de la loi de finances et du budget de la Sécurité sociale, la possibilité de déposer des amendements est restreinte », répond le sénateur RPDI Thani Mohamed Soilihi. 

Une solution pourrait permettre d'accélérer la course vers l'égalité : des assises pour discuter et hiérarchiser les problématiques sociales. 

« La mairie de Mamoudzou l'a fait pour la sécurité, tout le monde s'est exprimé et des propositions ont été envoyées au gouvernement », affirme Daniel Zaïdani, conseiller départemental de Pamandzi. 

Une proposition qui se rapproche de celle de Carla Baltus, la présidente du Medef : « Nous ne sommes pas contre un alignement plus rapide. Mais il faut une étude d'impact au préalable. Lorsque le Code du travail de droit commun est entré en vigueur, on est passé aux 35 h. Le résultat, c'est que le salaire net des salariés a baissé », explique-t-elle. 

La compensation réalisée par l'État dans l'Hexagone ne s'est pas faite à Mayotte. Un manque d'investissement de l'État dénoncé par les syndicats. 

La Cour des comptes dans un rapport sur la départementalisation en 2016 notait que l'effort budgétaire par habitant à Mayotte (3964 euros) était le plus faible des 5 départements d'Outremer (plus de 5000 euros pour les autres) sur l'année 2014.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.