Les musées peuvent-ils vendre leurs trésors? La pandémie relance le débat

Un homme marche dans une salle de l'exposition "Les origines du monde", le 24 mars 2021 au musée national d'Orsay à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)
Un homme marche dans une salle de l'exposition "Les origines du monde", le 24 mars 2021 au musée national d'Orsay à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)
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Publié le Dimanche 04 avril 2021

Les musées peuvent-ils vendre leurs trésors? La pandémie relance le débat

  • En février 2021, le directeur du Metropolitan Museum, Max Hollein, indiquait que le plus prestigieux des musées new-yorkais utiliserait cette année les sommes tirées de la cession d’œuvres aux frais de maintien de sa collection
  • Le Metropolitan Museum cède ainsi surtout des objets dont il possède plusieurs exemplaires

NEW YORK : Durement frappés par la pandémie, les musées américains peuvent depuis peu vendre des tableaux pour compenser leurs pertes. Certains veulent saisir cette ouverture pour renouveler et diversifier leur collection, mais d'autres redoutent une dérive.

Avant la pandémie, les ventes d’œuvres par les musées, appelées "aliénation", ne pouvaient servir qu'à en racheter d'autres. Mais en avril 2020, l'association nord-américaine des directeurs de musée d'art (AAMD) a levé ce tabou en les autorisant, pour deux ans, à vendre pour soulager leurs finances.

Dès septembre, le Brooklyn Museum, déjà sur le fil financièrement avant la pandémie, entamait la vente de 12 œuvres, dont un Monet et deux Dubuffet, afin de créer un fonds d'entretien de sa collection.

En février 2021, le directeur du Metropolitan Museum, Max Hollein, indiquait que le plus prestigieux des musées new-yorkais utiliserait cette année les sommes tirées de la cession d’œuvres aux frais de maintien de sa collection, notamment les salaires des personnels dédiés.

Max Hollein a minimisé l'importance de cette décision, qu'il présente comme temporaire. 

"Beaucoup d'institutions font de l'aliénation depuis des décennies", a-t-il indiqué à l'AFP, en précisant que le Met ne prévoyait pas de céder plus d’œuvres en 2021 que les années précédentes. "Nous pensons que cela bénéficie au développement de notre collection."

"Actif financier"

De fait, la vente des œuvres d'art par les musées est un sujet polémique. Le monde des musées anglo-saxons est généralement plutôt ouvert à des ventes contrôlées, mais la plupart des pays de culture latine, y compris la France, y sont opposés.

Président du Centre Pompidou, Serge Lasvignes dit "douter de l'intérêt de s'engager dans cette voie", que ce soit pour compenser des difficultés financières ou comme "instrument de +bonne gestion+ de la collection".

"Si les œuvres suspendues aux murs se transforment en actif financier, c'est extrêmement inquiétant", estime aussi l'avocat Laurence Eisenstein, qui a récemment mené la fronde contre les responsables du Baltimore Museum of Art.

Ce musée voulait vendre trois œuvres majeures de sa collection, dont un Warhol, estimées à 65 millions de dollars au total.

La vente de ces tableaux devait permettre de créer un fonds de préservation de la collection du premier musée de cette ville à population majoritairement noire. Et de "rééquilibrer" la collection en acquérant des œuvres de femmes et d'artistes issus de minorités.

Mais face aux critiques, le musée a renoncé en octobre à cette vente, et décidé de lever ces fonds grâce à des dons, explique Christopher Bedford, le directeur.

La plupart des musées se refusent à vendre, comme prévoyait de le faire Baltimore, des pièces importantes de leur collection, estimant que leur mission consiste à la préserver au maximum.

Le Metropolitan Museum cède ainsi surtout des objets dont il possède plusieurs exemplaires ou des œuvres d'un artiste "dont nous avons déjà deux douzaines de travaux de la même période", dit M. Hollein.

Mais d'autres, moins connus, ont franchi le pas. L'Everson, musée de Syracuse (Etat de New York), a cédé en octobre pour 12 millions de dollars un Pollock, qui lui avait été donné, déclenchant l'ire d'une partie du milieu. Lui aussi entend ouvrir sa collection à la diversité.

"Un musée d'art vend son âme", avait réagi un éditorialiste du Wall Street Journal, Terry Teachout, accusant l'institution de "trahir la confiance du public".

Laurence Eisenstein craint aussi que donateurs et autorités ne retirent leur soutien financier aux établissements qui vendraient plus que de raison: "Pourquoi avez-vous besoin de notre argent? Vendez plutôt vos œuvres."

"Ça deviendrait très difficile pour les musées de rester les gardiens de confiance des biens culturels des Etats-Unis".

"Désuétude"

Incorporer des œuvres d'artistes issus de minorités répond pourtant à une demande forte, accentuée par le mouvement de 2020 contre les inégalités raciales. Mais beaucoup dans le milieu estiment qu'il faut procéder par ajout et non en substituant ces œuvres à d'autres.

Si le Met a fait une priorité d'une telle diversification, "nous n'utilisons pas notre collection actuelle pour y parvenir", dit-il, préférant se tourner vers ses donateurs. 

Pour Brian Frye, professeur de droit à l'université de Kentucky, les statuts des musées américains, quasiment tous privés mais à but non lucratif, constituent, à eux seuls, un garde-fou suffisant contre les dérives éventuelles de l'aliénation.

"Est-ce que je pense que les musées vont se mettre à monétiser leurs collections en pagaille? Non, pas du tout", estime l'universitaire. "Beaucoup de gens paniquent là-dessus."

Pour le directeur du Baltimore Museum of Art, Christopher Bedford, le cadre fixé par l'AAMD "doit être revu", et les directeurs des musées y sont de plus en plus favorables.

En attendant, "nous tombons dans la désuétude", dit-il, "parce que nous refusons de mettre à jour nos modèles de pensée et nos façons de faire."


Droits de douane sur le cinéma : la ministre française de la Culture "pas inquiète" des projets de Trump

Le Premier ministre français François Bayrou (G) et la ministre française de la Culture Rachida Dati quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 16 avril 2025, à l'issue d'une réunion hebdomadaire du cabinet. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou (G) et la ministre française de la Culture Rachida Dati quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 16 avril 2025, à l'issue d'une réunion hebdomadaire du cabinet. (AFP)
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  • La ministre française de la Culture Rachida Dati a assuré mercredi qu'elle n'était "pas inquiète" pour le 7e art français après le souhait par Donald Trump de droits de douane à 100% sur les films produits à l'étranger

PARIS: La ministre française de la Culture Rachida Dati a assuré mercredi qu'elle n'était "pas inquiète" pour le 7e art français après le souhait par Donald Trump de droits de douane à 100% sur les films produits à l'étranger.

"Je pense que ça restera au stade d'annonces", a estimé la ministre sur la radio France Inter, trois jours après l'annonce par le président américain de son intention de taxer le cinéma.

"Tout cela est assez flou", a-t-elle ajouté, considérant que d'éventuels droits de douane ou mesures de rétorsion toucheraient "d'abord" le cinéma américain, dont les tournages se déroulent souvent hors des Etats-Unis.

"Je ne suis pas inquiète pour notre cinéma, notre industrie du cinéma, je pense que les Américains le sont beaucoup plus", a-t-elle ajouté, soulignant que la France allait aussi porter au niveau européen le projet d'une "Europe de la culture", pour protéger l'exception culturelle.

Le président américain a annoncé dimanche qu'il demandait à son administration de "lancer immédiatement le processus pour instituer des droits de douane de 100% sur tous les films importés dans notre pays qui sont produits dans des pays étrangers".

Cette annonce fait planer l'incertitude sur l'avenir de productions largement mondialisées.


Au 78ᵉ Festival de Cannes, le glamour face à un monde sous tension

Cette combinaison de photos d'archives prises le 5 mai 2025 montre les membres du jury de la 78e édition du Festival de Cannes. (Photo AFP)
Cette combinaison de photos d'archives prises le 5 mai 2025 montre les membres du jury de la 78e édition du Festival de Cannes. (Photo AFP)
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  • Les grands noms du cinéma se donnent rendez-vous mardi 13 mai pour le 78e Festival de Cannes, qui ne pourra pas ignorer les échos d'un monde bouleversé.
  • Avec ce défilé de stars, le plus grand festival de cinéma au monde confirme son statut de vitrine du 7e art.

PARIS : Robert de Niro, Scarlett Johansson, Tom Cruise, Jennifer Lawrence... Les grands noms du cinéma se donnent rendez-vous mardi 13 mai pour le 78^e Festival de Cannes, qui ne pourra pas ignorer les échos d'un monde bouleversé par la présidence de Donald Trump aux États-Unis, les guerres ou l'essor de l'intelligence artificielle.

Avec ce défilé de stars, le plus grand festival de cinéma au monde confirme son statut de vitrine du 7e art, après le triomphe aux Oscars des films découverts l'an dernier, de la Palme d'or Anora de l'Américain Sean Baker à la comédie musicale Emilia de Perez du Français Jacques Audiard.

C'est sur la Croisette qu'il faudra être pour découvrir en avant-première mondiale le dernier volet de la saga Mission : Impossible, le nouveau thriller de Spike Lee avec Denzel Washington ou pour assister à la remise de la Palme d'or d'honneur à Robert De Niro, âgé de 81 ans.

Juliette Binoche, actrice française à l'aura internationale et personnalité engagée, présidera le jury, aux côtés de l'actrice américaine Halle Berry et de la romancière franco-marocaine Leïla Slimani. 

Vingt et un films sont en lice, dont Jeunes mères des frères Dardenne, rois du cinéma social belge en quête d'une troisième Palme d'or historique, et Alpha de la Française Julia Ducournau, qui a embauché Tahar Rahim et Golshifteh Farahani et espère un deuxième titre, après celui obtenu pour le très gore Titane.

Autre habitué de la compétition, l'Américain Wes Anderson présente « The French Plan », avec un casting XXL : Benicio del Toro et Mia Threapleton, la fille de Kate Winslet. 

Cannes joue aussi la carte du renouvellement avec de nouveaux venus comme l'Américain Ari Aster (Hérédité, Midsommar), qui a tourné Eddington, au parfum de western moderne, avec Joaquin Phoenix et Pedro Pascal, ou la Française Hafsia Herzi pour La Petite Dernière.

Elle est l'une des sept réalisatrices en lice pour la Palme d'or, ce qui permet au festival d'égaler son record de 2023 sans toutefois parvenir à la parité.

Huit ans après la vague #MeToo, l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles restent centrales dans le monde du cinéma.

À ce titre, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale française sur les violences sexuelles commises dans le secteur culturel a appelé le festival à faire évoluer les mentalités.

Hasard du calendrier, la cérémonie d'ouverture se tiendra quelques heures après le délibéré très attendu du procès de l'acteur français Gérard Depardieu pour des agressions sexuelles lors d'un tournage. 

Les guerres et les tensions géopolitiques devraient également être au centre des préoccupations pour cette première édition du deuxième mandat de Donald Trump, qui inquiète notamment les artistes.

Le président américain a mis le monde du cinéma en émoi dimanche en annonçant vouloir imposer des taxes de 100 % sur les films étrangers, faisant planer l'incertitude sur l'avenir de productions largement mondialisées.

L'Ukraine sera représentée par le réalisateur Sergei Loznitsa en compétition, où sont également retenues deux figures du cinéma iranien condamnées par le passé pour leur travail artistique : Jafar Panahi et Saeed Roustaee.

Le cinéaste russe en exil Kirill Serebrennikov dévoilera quant à lui La Disparition de Josef Mengele hors compétition. 

Les guerres et les tensions géopolitiques devraient également être au centre des préoccupations pour cette première édition du deuxième mandat de Donald Trump, qui inquiète notamment les artistes.

Le président américain a mis le monde du cinéma en émoi dimanche en annonçant vouloir imposer des taxes de 100 % sur les films étrangers, faisant planer l'incertitude sur l'avenir de productions largement mondialisées.

Plusieurs films évoqueront le Proche-Orient. Parmi eux, un documentaire dont la protagoniste principale, une photojournaliste palestinienne, a été tuée par un missile à Gaza mi-avril, ainsi que le dernier long-métrage du réalisateur israélien Nadav Lapid, très critique envers son pays.

L'intelligence artificielle (IA), dont l'essor fait craindre pour l'emploi de milliers de scénaristes, doubleurs et même comédiens, promet également d'animer les conversations du Festival de Cannes, où se tient le plus grand marché mondial du 7e art.

L'IA aura même une voix, celle de Mylène Farmer. La chanteuse française prête son timbre à une assistante virtuelle dans le film Dalloway du Français Yann Gozlan, avec Cécile de France et Lars Mikkelsen.

Cette cinéphile, ancienne membre du jury, fera le déplacement dès la soirée d'ouverture, où elle a promis d'offrir une « performance exceptionnelle ».


Le festival Balad Al-Fan de Djeddah est un havre pour les âmes créatives

Un spectacle musical régale le public du festival Balad Al-Fan à Jeddah. (Photo AN de Saleh Fareed)
Un spectacle musical régale le public du festival Balad Al-Fan à Jeddah. (Photo AN de Saleh Fareed)
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  • Le festival, qui a débuté le 5 avril est organisé par Zawiya 97 en coopération avec le ministère de la culture.
  • Le festival propose des concours artistiques, des ateliers, des débats culturels, des marchés de fin de semaine et des spectacles de musique en direct.

DJEDDAH : Le quartier historique d'Al-Balad à Jeddah s'est une fois de plus transformé en un centre artistique dynamique à l'occasion de la deuxième édition du festival Balad Al-Fan, qui se déroule jusqu'au 13 juin.

Le festival, qui a débuté le 5 avril est organisé par Zawiya 97 en coopération avec le ministère de la culture, propose plus de 90 événements, dont des concours artistiques, des ateliers créatifs, des conférences culturelles, des ateliers scolaires, des spectacles en direct et des marchés de fin de semaine. 

Hashem Al-Shawi explique aux participants le processus de fabrication du savon lors du festival, tandis que Khloud Nass se prépare pour son cours de poterie. (Photo AN de Saleh Fareed)
Hashem Al-Shawi explique aux participants le processus de fabrication du savon lors du festival, tandis que Khloud Nass se prépare pour son cours de poterie. (Photo AN de Saleh Fareed)

Abdulrahman Al-Aseri, directeur général de Zawiya 97, a déclaré à Arab News : "Dans le prolongement de la mission de Zawiya 97, qui consiste à renforcer la présence culturelle et artisanale dans la Jeddah historique, nous plaçons la créativité au cœur de notre vision en associant le patrimoine vivant à l'esprit de l'innovation contemporaine. Grâce à notre participation à Balad Al-Fann 2, nous présentons plus de 90 événements artistiques et artisanaux visant à faire revivre le Jeddah historique avec une énergie artisanale".

Le festival comprend quatre week-ends thématiques : l'artisanat, la nature et la durabilité, le week-end de la jeunesse et "A Sweet-Scented Farewell", qui met l'accent sur les apothicaires d'Al-Balad.

"Cette saison, nous avons conçu une plateforme dynamique qui célèbre l'artisanat traditionnel, en le réimaginant par le biais de la durabilité, de la narration culturelle et de l'autonomisation des jeunes", a déclaré M. Al-Aseri. "Nous pensons que la créativité ne consiste pas simplement à avoir une idée, mais à insuffler une nouvelle vie dans les ruelles intemporelles d'Al-Balad. 

L'artiste visuel Khloud Nass animera l'un des ateliers. (Photos AN par Saleh Fareed)
L'artiste visuel Khloud Nass animera l'un des ateliers. (Photos AN par Saleh Fareed)

"Avec un nouveau groupe d'artisans distingués rejoignant notre programme d'incubation d'artisans, nous continuons à construire une communauté qui préserve le patrimoine et innove pour l'avenir. Nous invitons tous ceux qui partagent cette passion à participer à la renaissance de la Jeddah historique".

L'artiste visuelle Khloud Nass animera l'un des ateliers. Elle a déclaré : "J'ai travaillé avec Zawi : "Je travaille avec Zawiya 97 depuis un an pour former ceux qui veulent apprendre à travers des ateliers tels que la poterie. 

Azzam Al-Ghamdi de Dar Azzam travaillera avec des parfums tels que le musc, l'oud et la rose, afin de présenter l'art de la parfumerie en utilisant des plantes indigènes d'Arabie saoudite. (Photos AN par Saleh Fareed)
Azzam Al-Ghamdi de Dar Azzam travaillera avec des parfums tels que le musc, l'oud et la rose, afin de présenter l'art de la parfumerie en utilisant des plantes indigènes d'Arabie saoudite. (Photos AN par Saleh Fareed)

Azzam Al- Ghamdi, de Dar Azzam, travaillera avec des fragrances de musc, d'oud et de rose, pour présenter l'art de la parfumerie à partir de plantes indigènes d'Arabie saoudite.

Il a déclaré à Arab News : "Le savoir-faire traditionnel et le sol parfait pour la culture des plantes aromatiques du Royaume d'Arabie saoudite ont conféré au parfum un rôle central dans notre mode de vie. (Il est profondément ancré dans la culture saoudienne. L'utilisation de parfums à des fins culturelles et religieuses remonte à plusieurs siècles dans ce pays." 

Le festival offre aux visiteurs la possibilité de participer à divers concours, dont "Votre créativité fait revivre Al Balad" et "Artisanat et calligraphie". (Photo Fournie)
Le festival offre aux visiteurs la possibilité de participer à divers concours, dont "Votre créativité fait revivre Al Balad" et "Artisanat et calligraphie". (Fourni)

Outre la présentation de sa créativité, M. Al-Ghamdi forme également les visiteurs dans ses ateliers.

Hashem Al-Shawi propose des ateliers de fabrication de savon au festival. "Les méthodes de soins biologiques se sont toujours avérées fiables et je suis très heureux de participer à ce festival et de partager les différents types de savon et le processus de fabrication du savon", a-t-il déclaré.

Le festival offre également aux visiteurs la possibilité de participer à divers concours, dont "Votre créativité fait revivre Al Balad" et "Artisanat et calligraphie", qui leur permet de transformer les trottoirs et les espaces publics d'Al Balad en œuvres d'art, avec la possibilité de gagner des prix en espèces. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com