Au collège de Samuel Paty, le lent retour des rires, malgré les cauchemars

Des piétons passent devant une affiche représentant l'enseignant français Samuel Paty placée dans le centre-ville de Conflans-Sainte-Honorine, à 30 km au nord-ouest de Paris, le 3 novembre 2020, suite à la décapitation de l'enseignant le 16 octobre.  (Thomas COEX / AFP)
Des piétons passent devant une affiche représentant l'enseignant français Samuel Paty placée dans le centre-ville de Conflans-Sainte-Honorine, à 30 km au nord-ouest de Paris, le 3 novembre 2020, suite à la décapitation de l'enseignant le 16 octobre. (Thomas COEX / AFP)
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Publié le Jeudi 08 avril 2021

Au collège de Samuel Paty, le lent retour des rires, malgré les cauchemars

  • Depuis ce 16 octobre 2020 où leur professeur d'histoire-géographie a perdu la vie sous la lame d'un jeune islamiste, Mei et Léna confient être "sclérosées"
  • Après l'attentat, une cellule médicopsychologique d'urgence a reçu 207 personnes (élèves, parents et personnels) en une semaine, selon les chiffres fournis par le rectorat de Versailles

CONFLANS-SAINTE-HONORINE : "On en parle du cauchemar que j'ai fait cette semaine ?" Près de six mois après le choc de l'assassinat de Samuel Paty, les élèves du collège du Bois-d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) ont repris le cours de leurs vies d'adolescents, avec des rires mais aussi, souvent, des fantômes.

Depuis ce 16 octobre 2020 où leur professeur d'histoire-géographie a perdu la vie sous la lame d'un jeune islamiste, Mei et Léna confient être "sclérosées": ces deux élèves de 3e aiment leur établissement de cette petite ville pavillonnaire de l'ouest parisien mais ne "s'y sentent plus en sécurité".

Comme leurs camarades interrogés par l'AFP, elles n'ont accepté de s'exprimer qu'à la condition que leur prénom soit modifié. "Ils ont quand même été obligés de mettre ces grandes grilles pour nous protéger", justifie Léna en désignant les hautes barrières installées à quelques mètres de l'entrée du collège.

Malgré le spectre de ces grilles, l'heure est au divertissement en ce vendredi ensoleillé. C'est bientôt le week-end et les deux amies font des tours de vélo devant l'établissement.

"Au début, je me suis vraiment dit: ce collège est souillé par la mort de Monsieur Paty", confie Léna. "Après, je me suis rendue compte que je ne me souvenais pas seulement de cet événement, et que le drame n'avait pas effacé tous les très bons souvenirs. Je me souviens de Monsieur Paty, de la personne merveilleuse qu'il était, de ses cours qui m'ont beaucoup aidée..."

"T'as parlé de lui au passé !", l'interrompt Mei. A l'inverse de son amie, elle décrit une ambiance de déni "un peu pesante" qui règne selon elle au collège.

"Tout le monde fait comme si rien ne s'était passé, pour essayer d'oublier". Mais "on en parle du cauchemar que j'ai fait cette semaine ?", lâche-t-elle avec une autodérision déconcertante.

"Mettre du sens"

Dans ses cauchemars, Mei rêve qu'elle "tue des profs".

Après l'attentat, une cellule médicopsychologique d'urgence a reçu 207 personnes (élèves, parents et personnels) en une semaine, selon les chiffres fournis par le rectorat de Versailles.

"Il y avait des symptômes de stress, d'angoisse, de tristesse, de colère", énumère pour l'AFP Amandine Pain, l'une des coordinatrices de la cellule gérée par le Samu des Yvelines au sein même du collège.

En quelques jours, de nombreux patients sont parvenus à "mettre du sens" sur le drame et son horreur. "Sur un temps très court, la pensée se met à l'œuvre", note Amandine Pain. "D'un événement brut sans nuance, chacun va se construire son histoire de cet événement, se l'approprier".

Pour Léna, cette appropriation se traduit par la revendication de droits.

"Ce qui s'est passé pour moi, c'était tellement injuste. Monsieur Paty était dans son droit (...) le droit au blasphème, le droit à la liberté d'expression", dit-elle avec aplomb, ajoutant être "troublée" par l'écriture de son nouveau professeur d'histoire-géographie: "la même que Monsieur Paty".

En novembre, une "cellule d'écoute académique" s'est entretenue avec 65 personnels et 68 élèves de l'établissement. Mais un mois plus tard, le collège a souhaité alléger le dispositif en exprimant, selon le rectorat, "un besoin de passer à une nouvelle étape".

Au collège du Bois-d'Aulne, le souvenir de l'enseignant assassiné reste toutefois très présent. Le 23 mars dernier, la direction a maintenu la "Journée médiévale" lancée il y a trois ans par Samuel Paty. Des élèves ont notamment déroulé un long parchemin d'hommages dans la cour.

"Ça fait du bien d'oublier"

Des témoins d'attentats sont aussi intervenus dans certaines classes. Cette rencontre a permis d'atténuer la "colère" qui habitait Anna depuis des mois.

"Je leur ai dit que j'étais en colère contre le tueur. Ils m'ont dit que c'était normal. Au début, cette phrase, je l'ai pas comprise mais en fait, c'est logique d'être en colère et il faut qu'on fasse notre deuil", dit Anna, en avouant préférer "se concentrer sur autre chose".

"Honnêtement, ça nous fait du bien d'oublier en quelque sorte", ajoute l'adolescente. "Maintenant je suis en 3e, je passe le brevet".

Le collège a également organisé la confection d'une grande fresque colorée: derrière les grilles, on aperçoit dans la cour de récréation les mots "Amour" et "Tolérance" peints sur un mur.

Souleymane et Yanis, élèves de 6e, y ont contribué. "C'était très important de rendre hommage à un professeur décédé. Ça m'a permis de visualiser les faits qui se sont passés", commente Yanis, solennel. "Ouais, mais ça sert à rien de rester bloqués, sinon on va jamais s'en sortir", le coupe Souleymane.

Le fils de Nathalie Allemand, en classe de 4e, préfère lui aussi "ne plus en parler".

Rencontré en octobre dans la foulée de l'attentat, l'élève dont Samuel Paty était le professeur principal n'osait même plus sortir les poubelles.

Aujourd'hui, aller seul à l'école l'angoisse encore, confie sa mère. Toutefois, elle ne "l'interroge pas plus que ça" sur ses sentiments, de peur de briser ses progrès, forcément fragiles. Son fils "rigole à nouveau depuis un mois".


Metz: un forcené tué par balles, un policier touché à la main

Un homme "menaçant", détenteur de plusieurs armes à feu, a succombé à des blessures par balles lundi à Metz après un échange de coups de feu avec la police, tandis qu'un agent a été blessé, a annoncé le parquet. (AFP)
Un homme "menaçant", détenteur de plusieurs armes à feu, a succombé à des blessures par balles lundi à Metz après un échange de coups de feu avec la police, tandis qu'un agent a été blessé, a annoncé le parquet. (AFP)
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  • Alors que les forces de l'ordre interviennent, "l'homme est retranché chez lui et refuse de se rendre à la police", a poursuivi M. Grosdidier
  • Un peu avant 3H00, l'homme, installé au premier étage, "faisait feu depuis sa fenêtre sur la patrouille située dans la rue", a indiqué dans un communiqué le procureur de la République adjoint de Metz, Thomas Bernard

STRASBOURG: Un homme "menaçant", détenteur de plusieurs armes à feu, a succombé à des blessures par balles lundi à Metz après un échange de coups de feu avec la police, tandis qu'un agent a été blessé, a annoncé le parquet.

Les faits ont commencé dimanche soir dans une rue très passante de la vieille ville de Metz. "Vers 22h00, un individu menace depuis sa fenêtre, avec une arme à canon long, un passant", a rapporté le maire François Grosdidier sur sa page Facebook.

Alors que les forces de l'ordre interviennent, "l'homme est retranché chez lui et refuse de se rendre à la police", a poursuivi M. Grosdidier.

Un peu avant 3H00, l'homme, installé au premier étage, "faisait feu depuis sa fenêtre sur la patrouille située dans la rue", a indiqué dans un communiqué le procureur de la République adjoint de Metz, Thomas Bernard.

"Il sortait alors de son studio, tenant dans chaque main un revolver, et faisait feu sur les policiers présents dans le couloir", a-t-il ajouté. "Un policier était blessé à une main, tandis qu'un de ses collègues tirait à trois reprises, touchant l'individu à l'abdomen et au bras".

L'homme de 56 ans a été hospitalisé mais est décédé lundi matin. "Son casier judiciaire porte trace de neuf condamnations", selon M. Bernard.

Le policier blessé a également été hospitalisé.

L'homme détenait "plusieurs armes, de poing et d'épaule, dans son appartement", selon le maire qui a salué l'intervention des forces de l'ordre.


Tourisme en France : entre recherche de soleil, contraintes budgétaires et destinations alternatives

Cette photo prise le 22 mars 2024 montre un bateau navette naviguant sur la Garonne alors que l'église Saint-Louis-des-Chartrons (à gauche) surplombe les quais de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. Bordeaux accueillera certains des tournois de football des Jeux olympiques de Paris 2024 l'été prochain. (AFP)
Cette photo prise le 22 mars 2024 montre un bateau navette naviguant sur la Garonne alors que l'église Saint-Louis-des-Chartrons (à gauche) surplombe les quais de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. Bordeaux accueillera certains des tournois de football des Jeux olympiques de Paris 2024 l'été prochain. (AFP)
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  • les Français semblent partager la même priorité : partir en vacances sans trop grever leur budget.
  • L’ensoleillement demeure un facteur clé dans les choix de destination. Les zones méditerranéennes continuent de séduire, au détriment des régions plus tempérées

RIYAD : Alors que l'été 2025 se profile, les Français semblent partager la même priorité : partir en vacances sans trop grever leur budget. Si 61 % d’entre eux envisagent de prendre quelques jours de congé, selon un sondage OpinionWay pour Liligo, leur comportement de consommation évolue. Pour la première fois en cinq ans, le budget moyen baisse de 74 euros par personne.

L’ensoleillement demeure un facteur clé dans les choix de destination. Les zones méditerranéennes continuent de séduire, au détriment des régions plus tempérées comme la Bretagne, la Normandie ou le nord de la France. Cette tendance s’explique notamment par deux étés précédents jugés peu cléments sur le plan météorologique, ce qui dissuade certains vacanciers de s'y rendre à nouveau.

Dans les établissements touristiques du Grand Ouest, les professionnels constatent un recul des séjours d'une semaine, compensé par une légère hausse des courts séjours (2 à 6 nuits). Les réservations de dernière minute restent fréquentes et très dépendantes des prévisions météorologiques du dimanche soir.

Confrontés à une inflation persistante et à des inquiétudes concernant leur pouvoir d’achat, les Français adaptent leurs comportements. Ils réduisent leurs dépenses dans les restaurants, les commerces ou les activités annexes, et sont plus prudents dans la planification de leurs séjours. Les formules « tout compris », jugées plus économiques et prévisibles, rencontrent un succès croissant.

Selon le cabinet Pro tourisme, les prix des hébergements touristiques ont grimpé de 27 % en quatre ans. Dans ce contexte, les territoires proposant des tarifs plus accessibles, comme l’intérieur des terres ou les destinations proches des grandes agglomérations comme l’Eure, la Vienne, l’Ain ou l’Oise, enregistrent une forte progression des recherches, parfois jusqu’à +150 %.

Si les littoraux restent prisés, un rééquilibrage s’opère en faveur des zones rurales et périurbaines. Ces destinations sont non seulement plus abordables, puisque les locations y sont en moyenne 20 à 30 % moins chères que sur la côte, mais elles offrent également un cadre de vie plus agréable.

Ces destinations répondent à une demande croissante de nature, de tranquillité et d’authenticité. La France rurale, longtemps en retrait, bénéficie désormais d’une attractivité renouvelée. Un phénomène accentué par l’essor du télétravail, le besoin de déconnexion et la quête d’expériences plus simples. L’arrière-pays n’est plus perçu comme une alternative de repli, mais comme un véritable choix de qualité.

Sur le plan international, la France reste solidement installée comme première destination mondiale avec 100 millions de touristes étrangers en 2024, devant l’Espagne. Les métropoles touristiques qui accueillent une clientèle étrangère à fort pouvoir d’achat, comme Paris, Cannes, Nice ou les régions viticoles, affichent des perspectives encourageantes.

Les analystes estiment que les Jeux Olympiques 2024 ont amplifié la visibilité de la France sur la scène mondiale, générant un regain d’intérêt pour la capitale et ses alentours. À Paris, la fréquentation touristique devrait rester élevée en 2025 grâce à l’effet post-événementiel.

Entre contraintes économiques, recherche d’ensoleillement et désir de proximité, le tourisme en France est en pleine mutation. Les professionnels s’adaptent à une clientèle plus exigeante, plus mobile et surtout plus attentive à l’équilibre entre plaisir et dépenses. Le paysage touristique français, longtemps polarisé entre le littoral et la montagne, s’enrichit désormais d’une diversité de choix stratégiques, économiques et culturels.


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.